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Qu'ont les pédants de gâter la raison3,
Chez un voisin déroboit, ce dit-on,

Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne,

Des plus beaux dons que nous offre Pomone
Avoit la fleur, les autres le rebut.
Chaque saison apportoit son tribut;
Car au printemps il jouissoit encore

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Des plus beaux dons que nous présente Flore. Un jour, dans son jardin il vit notre Écolier Qui, grimpant, sans égard, sur un arbre fruitier, Gatoit jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance", Avant-coureurs des biens que promet l'abondance7: 15 Même il ébranchoit l'arbre; et fit tant, à la fin,

Que le possesseur du jardin

3. « Leur sçauoir n'estoit que besterie, et leur sapience n'estoit que moufles abastardisant les bons et nobles esperitz, et corrompant toute fleur de ieunesse.» (RABELAIS, chapitre xv, tome I, p. 59.) Comparez les Essais de Montaigne, livre I, chapitre xxiv, tome I, p. 168 et 177-178. Pour ce dit-on » du vers 5, voyez plus haut, p. 210 et note 13.

4. Primus vere rosam atque autumno carpere poma.

(VIRGILE, Georgiques, livre IV, vers 134; comparez le vers 75 de la fable 1 du livre X.)

- Fleur, au figuré, ce qu'il y a d'excellent (Littré, 16o), choque peut-être ici quelque peu, après le même mot, au propre, deux vers plus haut.

5. Pour Flore, Pomone et leurs dons, comparez ci-dessus, p. 260

et note II.

6. « Remarquons ce vers charmant, dit Chamfort; la Fontaine s'intéresse à toute la nature animée. »>

7. La clarté laisse, croyons-nous, un peu à désirer. Faut-il entendre que promet la fécondité, la munificence de la nature? Mais nous ne connaissons pas d'autre emploi, en ce sens, du mot abondance pris absolument. N'est-ce pas plutôt : « que promettent ces boutons quand il y en a en abondance »? Par cette seconde interprétation, biens s'applique mieux, ce semble, à la récolte des fruits. 8. Même mot au vers 10 de la fable xx du livre XII.

Envoya faire plainte au maître de la classe."
Celui-ci vint suivi d'un cortège d'enfants :
Voilà le verger plein de gens

Pires que
le premier. Le Pédant, de sa grâce',
Accrut le mal en amenant

Cette jeunesse mal instruite 10:

Le tout, à ce qu'il dit, pour faire un châtiment
Qui put servir d'exemple, et dont toute sa suite
Se souvînt à jamais, comme d'une leçon".
Là-dessus, il cita Virgile et Cicéron,

Avec force traits de science.

Son discours dura tant que la maudite engeance
Eut le temps de gåter en cent lieux le jardin.

Je hais les pièces d'éloquence

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Hors de leur place, et qui n'ont point de fin ;

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9. De son chef, sans qu'on le lui eût demandé, uniquement parce qu'il le voulut bien, qu'il le voulut ainsi. Comparez le vers 411 du conte iv de la III partie, le vers 180 du conte x de la IV partie, le vers 56 du Florentin (tome V M.-L., p. 120); et voyez, à l'article GRÂCE, fin de 7o, les autres exemples du dixseptième siècle cités par Littré. Regnier, au seizième siècle, avait dit (satire x, vers 360):

De sa grâce, il graissa mes chausses pour mes bottes.

Boileau a employé la locution en prose (Dissertation sur la Joconde, édition Berriat-Saint-Prix, tome III, p. 24) : « Plein de vie est une cheville.... M. Bouillon l'a ajouté de sa grâce. »

10. Mal élevée. Le mot latin instructus se prend souvent au moral, mais jamais seul en ce sens, ni absolument, sans régime indirect.

11. L'abbé Guillon trouve la fin de cette phrase languissante, inutile après le premier hémistiche du vers précédent : « qui pût servir d'exemple. » C'est, nous le craignons, ne pas comprendre l'intention du poëte, qui nous paraît insister à dessein (le vers 29: « Son discours dura tant..., » le marque bien) et répéter la même pensée avec une sorte d'emphase, comme le Pédant qu'il met en scène. 12. Voyez livre I, fable xix, vers 23.

Et ne sais bête au monde pire

Que l'Écolier, si ce n'est le Pédant 13.

Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire,
Ne me plairoit aucunement1

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13. Cette reprise, comme si l'on se ravisait, à la suite d'une pensée achevée, est souvent fort expressive et parfois du meilleur comique.

14. La même idée est rendue, avec une ingénieuse variété, les deux premiers vers de la fable ш du livre XI.

dans

FABLE VI.

LE STATUAIRE ET LA STATUE DE JUPITER.

Avianus, fab. 23, Statuarius. - Holckot (Robertus), Super sapientiam Salomonis (1489, in-4°, lectio CLIII).

Mythologia sopica Neveleti, p. 471.

Le commencement de la vir satire du Ier livre d'Horace a pu fournir l'idée de quelques vers (voyez plus bas la note 1); mais la fable est en germe dans le chapitre XLVI d'Isaïe sur la vanité des idoles, et surtout dans la longue lettre de Jérémie aux captifs qui vont être emmenés à Babylone, lettre qui forme le chapitre vi de Baruch, du prophète qui un jour étonna et enthousiasma tellement notre fabuliste (voyez, au tome I, la Notice biographique, p. cxcr). Robert Holckot, dans la leçon que nous venons d'indiquer, dit en s'inspirant de ces passages bibliques : Artifex lignarius sumpsit ex lignis saltus, et calefactus est, et succendit et coxit panes.... Reliquum autem deum fecit et sculptile sibi. Curvatur ante illud, adorat illud et obsecrat illud, dicens : « Libera me quia deus meus es tu. » Talia ergo coluerunt isti Chananæi, infantium insensatorum more viventes. Pueri enim insensati faciunt sibi puppas (voyez la 6o strophe) et imagines puerorum, et ludunt cum eis.... Or. peut, outre les méprisants versets des prophètes et maint autre endroit de l'Écriture, rapprocher aussi de notre apologue ce que Plutarque raconte du roi Numa, qui « défendit aux Romains de croire que Dieu eust forme de beste ou d'homme; » et des temples que ses sujets édifièrent pendant les «< cent soixante et dix premiers ans, » dans lesquels « il n'y auoit statue, ne figure quelconque de dieu, estimans que ce fust un sacrilege de vouloir representer les choses diuines par les terrestres, attendu qu'il n'est pas possible d'atteindre aucunement à la cognoissance de la diuinité, sinon par le moyen de l'entendement. » (Vie de Numa Pompilius, traduction d'Amyot, 1578, tome I, P. 118.)

<«< Un statuaire qui fait une statue, et voilà tout, dit Chamfort; ce n'est pas là le sujet d'un apologue: aussi cette prétendue fable

n'est-elle qu'une suite de stances agréables et élégantes. Tout le monde a retenu la dernière. >> Pour les vers de longueur uniforme cette fable est à joindre à celles qui, ci-dessus, p. 134, note 2, sont rapprochées de la fable vi du livre VII. L'abbé Guillon (édition de 1803) parle de l'admiration que plus d'un critique lui a témoignée pour ce petit poëme, et dit au sujet de la versification : « Remarquons que la Fontaine a composé cette fable de stances d'égale mesure, au lieu de vers irréguliers, bien plus analogues au génie du poëte et au genre qu'il traite; ce sont, en quelque sorte, des strophes lyriques, sans doute parce que l'élévation des pensées et des expressions donne à cet apologue l'air d'une ode. »

Nous avons vu dans la collection de Mme Bohomoletz un manuscrit de cette fable, donné pour autographe, qui est signé De LA FONTAINE. Cette signature et deux manières d'écrire : manquait pour manquoit au vers 11, et, au vers 22, enfants au lieu de l'orthographe constante, croyons-nous, de notre auteur et la plus ordinaire de son temps enfans, rendent l'authenticité plus que suspecte.

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1. Hésitation toute pareille à celle qu'exprime, pour l'emploi d'un tronc d'arbre, ce passage d'Horace (livre I, satire vIII, vers 1-3):

Olim truncus eram ficulnus, inutile lignum,

Quum faber, incertus scamnum faceretne Priapum,

Maluit esse deum.

2. « Le mouvement: Il sera dieu [qui substitue un tour si vif au Maluit esse deum, cité dans la note 1], appartient, dit Chamfort, à un véritable enthousiasme d'artiste. Aussi la Fontaine remarque-t-il que la statue était parfaite. » — C'est la transformation du bronze d'une œuvre d'art en vils ustensiles, c'est-à-dire l'inverse du choix

J. DE LA FONTAINE, II

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