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Craignant le Ciel tresbucher en ruyne,
Et les discordz et propos odieux

Trop s'esmouuoir entre les puissants Dieux,
Du hault du Ciel la feit tomber en terre,
Où elle esmeut contention et guerre
Entre les gents par longs plaidz et proces,
Armes, cousteaulx et telz piteux exces.
Hayne elle esmeut entre le filz et pere....
De ce temps là les lieux de Paradis

Pour tant de maulx lui furent interdictz........
Mais tant de temps que ce monde sera,
En ces bas lieux Discorde habitera.
Nous deurions doncq nostre mort souhaiter,
Pour les beaulx lieux de la paix habiter.

La déesse Discorde ayant brouillé les Dieux,
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme3,
On la fit déloger des Cieux.

Chez l'animal qu'on appelle homme
On la reçut à bras ouverts,
Elle et Que-si-Que-non, son frère,
Avecque Tien-et-Mien*, son père.

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3. Allusion au fameux jugement de Pâris, qui donna la pomme à Vénus comme à la plus belle.

4. De ces composés, si expressifs, qui personnifient en deux divinités ou démons l'esprit de dispute et l'amour jaloux de la propriété, Boileau a dédoublé le second (dans sa satire x1, vers 168), en faisant du Mien et du Tien « deux frères pointilleux. >> Chez Regnier aussi tien et mien sont deux, mais non personnifiés, ce semble :

Ainsi la liberté du monde s'envola,

Et chacun se campant, qui deçà, qui delà,
De hayes, de buissons remarqua son partage....
Lors du mien et du tien naquirent les procès.

(Satire vi, vers 111-115.)

Même opposition des deux possessifs dans ce passage de Plutarque: « Platon escrit que la cité est bien heureuse et bien ordonnée

Les Préceptes de mariage, § xx; dans Amyot, édition Brotier, tome III des OEuvres morales, p. 13.

Elle nous fit l'honneur en ce bas univers

De préférer notre hémisphère

A celui des mortels qui nous sont opposés,
Gens grossiers, peu civilisés,

Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire,
De la Discorde n'ont que faire.

Pour la faire trouver aux lieux où le besoin

Demandoit qu'elle fût présente,

La Renommée avoit le soin

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De l'avertir; et l'autre, diligente,
Couroit vite aux débats et prévenoit la Paix,
Faisoit d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l'on ne lui trouvoit jamais

De demeure fixe et certaine;

Bien souvent l'on perdoit, à la chercher, sa peine :
Il falloit donc qu'elle eût un séjour affecté,
Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles

L'envoyer à jour arrêté.

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'Comme il n'étoit alors aucun convent de filles, y trouva difficulté.

On

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là où on n'entend point dire : « Cela est mien, cela n'est pas « mien ". » Pascal, dans le manuscrit de ses Pensées, a mis comme un titre les mots Mien, tien en tête de l'un de ses plus célèbres fragments : « Ce chien est à moi, » disoient ces pauvres enfants; « c'est là ma place au soleil. » Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre. » Ce paragraphe de Pascal a pu inspirer à Rousseau le morceau non moins connu qui ouvre la seconde partie du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : « Ceci est à moi, »....

5. Devançait.

6. Un séjour qui lui fût affecté.

7. Couvent. (1668 in-4° et in-12, 1679 Amsterdam, 1729.)

• Ἐν ᾗ τὸ ἐμὸν καὶ οὐκ ἐμὸν ἥκιστα φθεγγομένων ἀκούουσι.

Voyez l'édition de M. Havet, p. 94, § 50.

L'auberge enfin de l'Hyménée
Lui fut pour maison assinée .

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« La difficulté de loger la Discorde parce qu'il n'y avait point de couvent de filles, est, dit Chamfort, un trait imité de l'Arioste, qui la loge chez les moines"; mais la Fontaine, qui voulait la loger chez les époux, a su tirer parti de cette imagination de l'Arioste. » 8. Telle est l'orthographe des éditions de 1668 in-12, 1678 et 1688 voyez ci-dessus, p. 50, fable xv, vers 12 et note 7, où déjà nous aurions pu ajouter que l'on prononce encore sinet le mot écrit signet. Les autres éditions anciennes, y compris 1668 in-4° et 1678 A, ont assignée. Solvet rapproche de ces traits contre le mariage ce passage de l'Eunuque qui peut, dit-il, y servir de correctif » :

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L'amour de ces objets qu'on suit dans la jeunesse
Ne produit rien d'égal aux plaisirs infinis

Que cause un sacré nœud dont deux cœurs sont unis.
Tu sais que les douceurs jamais ne s'en corrompent,
Au lieu que ces amours, dont les charmes nous trompent,
Jamais à bonne fin ne peuvent aboutir.

(Acte V, scène III.)

a Roland furieux, chant XIV, strophes 81 et 82, et chant XVIII, strophe 26; comparez Boileau, le Lutrin, chant 1, vers 25-26 et 46-48.

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FABLE XXI.

LA JEUNE VEuve1.

Abstemius, fab. 14, de Muliere virum morientem flente, et Patre eam consolante. Lodovico Guicciardini, l'Hore di ricreatione2, p. 297; traduction de Belle-Forest, p. 379 et 380. Haudent, 2o partie, fab. 75, d'un Nouueau marié et de sa Femme. Mythologia sopica Neveleti, p. 540.

On cite encore, pour l'analogie du sujet, un fabliau de Gautier le Long, dont on peut lire la traduction ou l'extrait, sous le titre de la Veuve, dans le recueil de Legrand d'Aussy (Fabliaux ou contes, fables et romans du x11o et du x111° siècle, 3o édition, 1829, tome III, p. 322-327). Il est, de toute façon, peu probable que la Fontaine ait connu ce malin et verbeux récit. M. Soullié (p. 134-136) a donné une analyse détaillée des deux contes d'Abstemius et de la Fontaine. Il a bien fait voir, une fois pour toutes, ce que pourraient démontrer beaucoup d'autres comparaisons semblables, le peu que des compositions achevées comme la Jeune veuve doivent aux pauvres canevas dont le poëte s'est servi. Il rappelle ensuite qu'il y a une autre fable d'Abstemius (la 103°, de Viro deflente uxorem mortuam) qui est comme la contre-partie du sujet qu'a traité la Fontaine. La Jeune veuve est citée par Saint-Marc Girardin (tome II, p. 83) comme « une image vive et piquante de la

1. Nous avons eu entre les mains un manuscrit de cette fable, paraissant autographe, qui nous avait été communiqué par notre regretté collaborateur M. Gilbert, mais dont nous sommes loin de garantir l'authenticité : nous n'en connaissons ni l'origine ni les transmissions. Sur le verso du second feuillet on lit, également de la main de la Fontaine, ou imitant cette main, ces lignes qui ne peuvent guère s'adresser qu'à Maucroix : « En voicy encore (sans doute des corrections, des retouches), et je n'y trouve plus rien à changer. Il ne me semble pas que je doive me rendre à tes scrupules; ma Veuve est egalement sincere dans les (ou ses) deux estats. Adieu. DE LA FONTAINE. >>

2. Voyez ci-dessus, p. 62 et notes 1-3.

par

fragilité des sentiments féminins, » parmi ces nombreux portraits de femme qui se rencontrent dans l'œuvre du fabuliste, « tous faits dans un esprit de raillerie, auxquels le peintre cependant a toujours donné quelque chose d'aimable et de gracieux, soit penchant naturel, soit pour se faire pardonner ses moqueries. » « Le seul défaut de cette fable, dit Chamfort, est de n'en être pas une. C'est une pièce de vers charmante. Le prologue est plein de finesse, de naturel et de grâce. Tous ceux qui aiment les vers de la Fontaine le savent presque par cœur. Le discours du père à sa fille est à la fois plein de sentiment, de douceur et de raison. La réponse de la jeune Veuve est un mot qui appartient encore à la passion ou du moins le paraît. La description des divers changements que le temps amène dans la toilette de la Veuve, ce vers: Le deuil enfin sert de parure,

et enfin le dernier trait :

Où donc est le jeune mari?

on ne sait ce qu'on doit admirer davantage. C'est la perfection d'un poëte sévère avec la grâce d'un poëte négligé. »

Comparez à cette fable le commencement de la Matrone d'Éphèse.

La perte d'un époux ne va point sans soupirs3;
On fait beaucoup de bruit; et puis on se console :
Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole*,

Le Temps ramène les plaisirs.

Entre la veuve d'une année
Et la veuve d'une journée

La différence est grande; on ne croiroit jamais

3. Nos plaisirs les plus doux ne vont point sans tristesse. (CORNEILLE, Horace, 1640, acte V, scène 1, vers 1407.)

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4. Est enim tarda illa quidem medicina, sed tamen magna, quam affert longinquitas et dies. (CICERON, Tusculanes, livre III, chapitre 16.) << Trois mois après ils se revirent, et furent étonnés de se retrouver d'une humeur très-gaie. Ils firent ériger une belle statue au Temps, avec cette inscription: A CELUI Qui console. » (VOLTAIRE, les Deux consoles, fin, tome XXXIII, p. 197.) — Pour l'image qui termine le vers, comparez Horace (ode xvi du livre II, vers 11 et 12): curas.... volantes.

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