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Cèdres du haut Liban, sur votre cime altière,
Vous portiez jusqu'au ciel leur ardente prière!
Cet antre protégeoit leur paisible sommeil ;
Souvent le cri de l'aigle avança leur réveil ;
Ils chantoient l'Éternel sur le roc solitaire,
Au bruit sourd du torrent dont l'eau les désaltère,
Quand tout à coup un ange, en dévoilant ses traits,
Leur porte, au nom du ciel, un message de paix.
Et cependant leurs jours n'étoient point sans orages.
Cet éloquent Jérôme, honneur des premiers âges,
Voyoit, sous le cilice et de cendres couvert,
Les voluptés de Rome assiéger son désert.
Leurs combats exerçoient son austère sagesse.
Peut-être, comme lui, déplorant sa foiblesse,
Un mortel trop sensible habita ce séjour.

Hélas! plus d'une fois les soupirs de l'amour
S'élèvent dans la nuit du fond des monastères;
En vain le repoussant de ses regards austères,
La pénitence veille à côté d'un cercueil :
Il entre déguisé sous les voiles du deuil;
Au Dieu consolateur en pleurant il se donne;

A Comminge, à Rancé, Dieu sans doute pardonne :
A Comminge, à Rancé, qui ne doit quelques pleurs?
Qui n'en sait les amours? qui n'en plaint les malheurs?
Et toi dont le nom seul trouble l'âme amoureuse,
Des bois du Paraclet vestale malheureuse,
Toi qui, sans prononcer de vulgaires serments,
Fis connoître à l'amour de nouveaux sentiments;
Toi
que l'homme sensible, abusé par lui-même,
Se plaît à retrouver dans la femme qu'il aime,
Héloïse! à ton nom quel cœur ne s'attendrit ?
Tel qu'un autre Abeilard tout amant te chérit.
Que de fois j'ai cherché, loin d'un monde volage,
L'asile où dans Paris s'écoula ton jeune âge!

Ces vénérables tours qu'alonge vers les cieux
La cathédrale antique où prioient nos aïeux ;
Ces tours ont conservé ton amoureuse histoire.
Là tout m'en parle encor1 : là revit ta mémoire;
Là du toit de Fulbert j'ai revu les débris.
On dit même en ces lieux, par ton ombre chéris,
Qu'un long gémissement s'élève chaque année,
A l'heure où se forma ton funeste hyménée.
La jeune fille alors lit, au déclin du jour,
Cette lettre éloquente où brûle ton amour :
Son trouble est aperçu de l'amant qu'elle adore,
Et des feux que tu peins, son feu s'accroît encore.
Mais que fais-je, imprudent? quoi! dans ce lieu sacré
J'ose parler d'amour, et je marche entouré
Des leçons du tombeau, des menaces suprêmes!
Ces murs, ces longs dortoirs se couvrent d'anathèmes,
De sentences de mort qu'aux yeux épouvantés
L'ange exterminateur écrit de tous côtés,
Je lis à chaque pas : Dieu, l'enfer, la vengeance.
Partout est la rigueur, nulle part la clémence.
Cloître sombre, où l'amour est proscrit par le Ciel,
Où l'instinct le plus cher est le plus criminel,
Déjà, déjà ton deuil plaît moins à ma pensée.
L'imagination, vers tes murs élancée,
Chercha leur saint repos, leur long recueillement;
Mais mon âme a besoin d'un plus doux sentiment.
Ces devoirs rigoureux font trembler ma foiblesse.
Toutefois quand le temps', qui détrompe sans cesse,
Pour moi des passions détruira les erreurs,

Et leurs plaisirs trop courts souvent mêlés de pleurs,
Quand mon cœur nourrira quelque peine secrète,
Dans ces moments plus doux, et si chers au poëte,
Où, fatigué du monde, il veut, libre du moins,
Et jouir de lui-même, et rêver sans témoins,

'Héloïse vivoit dans le cloître Notre-Dame; on y voit encore la maison de son oncle, le chanoine Fulbert.

Alors je reviendrai, solitude tranquille, Oublier dans ton sein les ennuis de la ville, Et retrouver encor, sous ces lambris déserts, Les mêmes sentiments retracés dans ces vers.

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CHAPITRE III.

DES RUINES EN GÉNÉRAL.

QU'IL Y EN A DE DEUX ESPÈCES.

D

E l'examen des sites des monuments chrétiens, nous passons aux effets des ruines de ces monuments. Elles fournissent au cœur de majestueux souvenirs, et aux arts des compositions touchantes. Consacrons quelques pages à cette poétique des morts.

Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence. Il s'y joint, en outre, une idée qui console notre petitesse, en voyant que des peuples entiers, des hommes quelquefois si fameux, n'ont pu vivre cependant au-delà du peu de jours assignés à notre obscurité. Ainsi, les ruines jettent

une grande moralité au milieu des scènes de la nature; quand elles sont placées dans un tableau, en vain on cherche à porter les yeux autre part: ils reviennent toujours s'attacher sur elles. Et pourquoi les ouvrages des hommes ne passeroient-ils pas, quand le soleil qui les éclaire doit lui-même tomber de sa voûte? Celui qui le plaça dans les cieux est le seul souverain dont l'empire ne connoisse point de ruines.

Il y a deux sortes de ruines: l'une, ouvrage du temps; l'autre, ouvrage des hommes. Les premières n'ont rien de désagréable, parce que la nature travaille auprès des ans. Font-ils des décombres, elle y sème des fleurs; entr'ouvrentils un tombeau, elle y place le nid d'une colombe sans cesse occupée à reproduire, elle environne la mort des plus douces illusions de la vie.

Les secondes ruines sont plutôt des dévastations que des ruines; elles n'offrent que l'image du néant, sans une puissance réparatrice. Ouvrage du malheur, et non des années, elles ressemblent aux cheveux blancs sur la tête de la jeunesse. Les destructions des hommes sont d'ailleurs plus violentes et plus complètes que celles des âges : les seconds minent, les premiers renversent. Quand Dieu, pour des raisons qui nous sont inconnues, veut hâter les ruines du

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