Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

terné devant ces reliques, pour demander des secours qu'on n'avoit point obtenus des hommes!

Qui ne connoît Notre-Dame des Bois, cette habitante du tronc de la vieille épine, ou du creux moussu de la fontaine? Elle est célèbre dans le hameau par ses miracles. Maintes matrones vous diront que leurs douleurs dans l'enfantement ont été moins grandes depuis qu'elles ont invoqué la bonne Marie des Bois. Les filles qui ont perdu leurs fiancés, ont souvent, au clair de la lune, aperçu les âmes de ces jeunes hommes dans ce lieu solitaire; elles ont reconnu leur voix dans les soupirs de la fontaine. Les colombes qui boivent de ses eaux, ont toujours des œufs dans leur nid, et les fleurs qui croissent sur ses bords, toujours des boutons sur leur tige. Il étoit convenable que la sainte des forêts fit des miracles doux comme les mousses qu'elle habite, charmants comme les eaux qui la voilent.

C'est dans les grands événements de la vie que les coutumes religieuses offrent aux malheureux leurs consolations. Nous avons été une fois spectateur d'un naufrage. En arrivant sur la grève, les matelots dépouillèrent leurs vêtements, et ne conservèrent que leurs pantalons et leurs chemises mouillées. Ils avoient fait un vou à la Vierge pendant la tempête. Ils se rendirent en procession à une petite chapelle, dé

diée à saint Thomas. Le capitaine marchoit à leur tête, et le peuple suivoit, en chantant avec eux l'Ave, maris stella. Le prêtre célébra la messe des naufragés, et les matelots suspendirent leurs habits trempés d'eau de mer, en exvoto, aux murs de la chapelle. La philosophie peut remplir ses pages de paroles magnifiques, mais nous doutons que les infortunés viennent jamais suspendre leurs vêtements à son temple.

La mort, si poétique parce qu'elle touche aux choses immortelles, si mystérieuse à cause de son silence, devoit avoir mille manières de s'annoncer pour le peuple. Tantôt un trépas se faisoit prévoir par les tintements d'une cloche qui sonnoit d'elle-même, tantôt l'homme qui devoit mourir entendoit frapper trois coups sur le plancher de sa chambre. Une religieuse de saint Benoît, près de quitter la terre, trouvoit une couronne d'épine blanche sur le seuil de sa cellule. Une mère perdoit-elle un fils dans un pays lointain, elle en étoit instruite à l'instant par ses songes. Ceux qui nient les pressentiments, ne connoîtront jamais les routes secrètes par deux cœurs qui s'aiment communiquent d'un bout du monde à l'autre. Souvent le mort chéri, sortant du tombeau, se présentoit à son ami, lui recommandoit de dire des prières pour le racheter des flammes, et le conduire à la félicité

TOME XIII.

9

des élus. Ainsi la religion avoit fait partager à l'amitié le beau privilége que Dieu a de donner une éternité de bonheur.

Des opinions d'une espèce différente, mais toujours d'un caractère religieux, inspiroient l'humanité : elles sont si naïves, qu'elles embarrassent l'écrivain. Toucher au nid d'une hirondelle, tuer un rouge-gorge, un roitelet, un grillon, hôte du foyer champêtre, un chien devenu caduc au service de la famille, c'étoit une sorte d'impiété qui ne manquoit point, disoit-on, d'attirer après soi quelque malheur. Par un admirable respect pour la vieillesse, on croyoit que les personnes âgées étoient d'un heureux augure dans une maison, et qu'un ancien domestique portoit bonheur à son maître. On retrouve ici quelques traces du culte touchant des lares, et l'on se rappelle la fille de Laban, emportant ses Dieux paternels.

Le peuple étoit persuadé que nul ne commet une méchante action, sans se condamner à avoir, le reste de sa vie, d'effroyables apparitions à ses côtés. L'antiquité, plus sage que nous, se seroit donné de garde de détruire ces utiles harmonies de la religion, de la conscience et de la morale. Elle n'auroit point rejeté cette autre opinion, par laquelle il étoit tenu pour certain que tout homme qui jouit d'une prospérité mal acquise,

a fait un pacte avec l'Esprit de Ténèbres, et légué son âme aux enfers.

Enfin, les vents, les pluies, les soleils, les saisons, les cultures, les arts, la naissance, l'enfance, l'hymen, la vieillesse, la mort, tout avoit ses saints et ses images, et jamais peuple ne fut plus environné de divinités amies, que ne l'étoit le peuple chrétien.

Il ne s'agit pas d'examiner rigoureusement ces croyances. Loin de rien ordonner à leur sujet, la religion servoit au contraire à en prévenir l'abus, et à en corriger l'excès. Il s'agit seulement de savoir si leur but est moral, si elles tendent mieux que les lois elles-mêmes à conduire la foule à la vertu. Et quel homme sensé peut en douter? A force de déclamer contre la superstition, on finira par ouvrir la voie à tous les crimes. Ce qu'il y aura d'étonnant pour les sophistes, c'est qu'au milieu des maux qu'ils auront causés, ils n'auront pas même la satisfaction de voir le peuple plus incrédule. S'il cesse de soumettre son esprit à la religion, il se fera des opinions monstrueuses. Il sera saisi d'une terreur d'autant plus étrange, qu'il n'en connoîtra pas l'objet; il tremblera dans un cimetière où il aura gravé que la mort est un sommeil éternel; et, en affectant de mépriser la puissance divine, il ira interroger la bohémienne,

ou chercher ses destinées dans les bigarrures d'une carte.

Il faut du merveilleux, un avenir, des espérances à l'homme, parce qu'il se sent fait pour l'immortalité. Les conjurations, la nécromancie, ne sont chez le peuple que l'instinct de la religion, et une des preuves les plus frappantes de la nécessité d'un culte. On est bien près de tout croire quand on ne croit rien; on a des devins quand on n'a plus de prophètes, des sortiléges quand on renonce aux cérémonies religieuses, et l'on ouvre les antres des sorciers quand on ferme les temples du Seigneur.

[graphic]
« ZurückWeiter »