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la salle du festin étoit merveilleusement décorée, et chacun prenoit un vêtement nouveau. Au choc des verres, aux éclats de la joie, on tiroit au sort ces royautés qui ne coûtoient ni soupirs ni larmes : on se passoit ces sceptres, qui ne pesoient point dans la main de celui qui les portoit. Souvent une fraude, qui redoubloit l'allégresse des sujets, et n'excitoit que les plaintes de la souveraine, faisoit tomber la fortune à la fille du lieu, et au fils du voisin, dernièrement arrivé de l'armée. Les jeunes gens rougissoient, embarrassés qu'ils étoient de leur couronne; les mères sourioient, et l'aïeul vidoit sa coupe à la nouvelle reine.

Or, le curé, présent à la fête, recevoit, pour la distribuer avec d'autres secours, cette première part appelée la part des pauvres. Des jeux de l'ancien temps, un bal, dont quelque vieux serviteur étoit le premier musicien, prolongeoient les plaisirs; et la maison entière, nourrices, enfants, fermiers, domestiques et maîtres, dansoient ensemble la ronde antique.

Ces scènes se répétoient dans toute la chrétienté, depuis le palais jusqu'à la chaumière; il n'y avoit point de laboureur qui ne trouvât moyen d'accomplir ce jour-là le souhait du Béarnois. Et quelle succession de jours heureux! Noël, le premier jour de l'An, la fête des

:

Mages, les plaisirs qui précèdent la pénitence! En ce temps-là les fermiers renouveloient leur bail, les ouvriers recevoient leur paiement : c'étoit le moment des mariages, des présents, des charités, des visites: le client voyoit le juge, le juge le client les corps de métiers, les confréries, les prevôtés, les cours de justice, les universités, les mairies, s'assembloient selon des usages gaulois et de vieilles cérémonies; l'infirme et le pauvre étoient soulagés. L'obligation où l'on étoit de recevoir son voisin à cette époque faisoit qu'on vivoit bien avec lui le reste de l'année, et par ce moyen la paix et l'union régnoient dans la société.

On ne peut douter que ces institutions ne servissent puissamment au maintien des mœurs, en entretenant la cordialité et l'amour entre les parents. Nous sommes déjà bien loin de ces temps où une femme, à la mort de son mari, venoit trouver son fils aîné, lui remettoit les clefs, et lui rendoit les comptes de la maison comme au chef de la famille. Nous n'avons plus cette haute idée de la dignité de l'homme, que nous inspiroit le christianisme. Les mères et les enfants aiment mieux tout devoir aux articles d'un contrat, que de se fier aux sentiments de la nature, et la loi est mise partout à la place des

mœurs.

12.

Ces fêtes chrétiennes avoient d'autant plus de charmes, qu'elles existoient de toute antiquité, et l'on trouvoit avec plaisir, en remontant dans le passé, que nos aïeux s'étoient réjouis à la même époque que nous. Ces fêtes étant d'ailleurs très-multipliées, il en résultoit encore que, malgré les chagrins de la vie, la religion avoit trouvé moyen de donner de race en race, à des millions d'infortunés, quelques moments de bonheur.

Dans la nuit de la naissance du Messie, les troupes d'enfants qui adoroient la crèche, les églises illuminées et parées de fleurs, le peuple qui se pressoit autour du berceau de son Dieu, les chrétiens qui, dans une chapelle retirée, faisoient leur paix avec le ciel, les alleluia joyeux, le bruit de l'orgue et des cloches, offroient une pompe pleine d'innocence et de majesté.

Immédiatement après le dernier jour de folie, trop souvent marqué par nos excès, venoit la cérémonie des Cendres, comme la mort le lendemain des plaisirs. « O homme! disoit le prêtre, souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière. » L'officier qui se tenoit auprès des rois de Perse pour leur rappeler qu'ils étoient mortels, ou le soldat romain qui abaissoit l'orgueil du triomphateur, ne donnoit pas de plus puissantes leçons.

Un volume ne suffiroit pas pour peindre en détail les seules cérémonies de la SemaineSainte; on sait de quelle magnificence elles étoient dans la capitale du monde chrétien : aussi nous n'entreprendrons point de les décrire. Nous laissons aux peintres et aux poëtes le soin de représenter dignement ce clergé en deuil, ces autels, ces temples voilés cette musique sublime, ces voix célestes chantant les douleurs de Jérémie, cette Passion mêlée d'incompréhensibles mystères, ce saint sépulcre environné d'un peuple abattu, ce pontife lavant les pieds des pauvres, ces ténèbres, ces silences entrecoupés de bruits formidables, ce cri de victoire échappé tout à coup du tombeau, enfin ce Dieu qui ouvre la route du ciel aux âmes délivrées, et laisse aux chrétiens sur la terre, avec une religion divine, d'intarissables espérances.

CHAPITRE X.

FUNÉRAILLES.

POMPES FUNEBRES DES GRANDS.

I l'on se rappelle ce que nous avons dit dans la première partie de cet ouvrage,

sur le dernier sacrement des chrétiens, on conviendra d'abord qu'il y a dans cette seule cérémonie plus de véritables beautés que dans tout ce que nous connoissons du culte des morts, chez les anciens. Ensuite la religion chrétienne, n'envisageant dans l'homme que ses fins divines, a multiplié les honneurs autour du tombeau; elle a varié les pompes funèbres selon le rang et les destinées de la victime. Par ce moyen, elle a rendu plus douce à chacun cette dure mais salutaire pensée de la mort, dont elle s'est plu à nourrir notre âme; ainsi la colombe amollit dans son bec le froment qu'elle présente à ses petits.

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