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supportez ma présence, et ne vous ennuyez point de >> vivre avec moi. N'attirez pas sur vous l'indignation » de Dieu, en causant une douleur si sensible à une » mère qui ne l'a point méritée. Si je songe à vous en» gager dans les soins du monde, et que je veuille vous obliger de prendre la conduite de mes affaires, qui » sont les vôtres, n'ayez plus d'égard, j'y consens, ni » aux lois de la nature, ni aux peines que j'ai essuyées » pour vous élever, ni au respect que vous devez à une mère, ni à aucun autre motif pareil : fuyez-moi » comme l'ennemi de votre repos, comme une per>> sonne qui vous tend des piéges dangereux. Mais si je » fais tout ce qui dépend de moi afin que vous puissiez » vivre dans une parfaite tranquillité, que cette con» sidération pour le moins vous retienne, si toutes les >> autres sont inutiles. Quelque grand nombre d'amis que vous ayez, nul ne vous laissera vivre avec au

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» tant de liberté que je fais. Aussi n'y en a-t-il point qui ait la même passion que moi pour votre avan» cement et pour votre bien.

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Saint Chrysostome ne put résister à un discours si touchant ; et, quelque sollicitation que Basyle son ami continuât toujours à lui faire, il ne put se résoudre à quitter une mère si pleine de tendresse pour lui, et si digne d'être aimée.

L'antiquité païenne peut-elle nous fournir un discours plus beau, plus vif, plus tendre, plus éloquent que celui-ci, mais de cette éloquence simple et naturelle, qui passe infiniment tout ce que l'art le plus étudié pourroit avoir de plus brillant? Y a-t-il dans

tout ce discours aucune pensée recherchée, aucun tour extraordinaire ou affecté? Ne voit-on pas que tout y coule de source, et que c'est la nature même qui l'a dicté ? Mais ce que j'admire le plus, c'est la retenue inconcevable d'une mère affligée à l'excès, et pénétrée de douleur, à qui, dans un état si violent, il n'échappe pas un seul mot ni d'emportement, ni même de plainte contre l'auteur de ses peines et de ses alarmes, soit par respect pour la vertu de Basyle, soit par la crainte d'irriter son fils, qu'elle ne songeoit qu'à gagner et à attendrir.

NOTE F, page 76.

« C'est au grand talent, dit M. de La Harpe, qu'il est donné de réveiller la froideur et de vaincre l'indifférence; et lorsque l'exemple s'y joint (heureusement encore tous nos prédicateurs illustres ont eu cet avantage), il est certain que le ministère de la parole n'a nulle part plus de puissance et de dignité que dans la chaire. Partout ailleurs, c'est un homme qui parle à des hommes: ici, c'est un être d'une autre espèce: élevé entre le ciel et la terre, c'est un médiateur que Dieu place entre la créature et lui. Indépendant des considérations du siècle, il annonce les oracles de l'éternité. Le lieu mêine d'où il parle, celui où on l'écoute, confond et fait disparoître toutes les grandeurs pour ne laisser sentir que la sienne. Les rois s'humilient comme le peuple devant son tribunal, et n'y viennent que pour être instruits. Tout ce qui l'environne ajoute

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un nouveau poids à sa parole: sa voix retentit dans l'étendue d'une enceinte sacrée, et dans le silence d'un recueillement universel. S'il atteste Dieu, Dieu est présent sur les autels; s'il annonce le néant de la vie, la mort est auprès de lui pour lui rendre témoignage, et montre à ceux qui l'écoutent qu'ils sont assis sur des tombeaux.

>> Ne doutons pas que les objets extérieurs, l'appareil des temples et des cérémonies, n'influent beaucoup sur les hommes, et n'agissent sur eux avant l'orateur, pourvu qu'il n'en détruise pas l'effet. Représentons-nous Massillon dans la chaire, prêt à faire l'oraison funèbre de Louis XIV, jetant d'abord les yeux autour de lui, les fixant quelque temps sur cette pompe lugubre et imposante qui suit les rois jusque dans ces asiles de mort où il n'y a que des cercueils et des cendres, les baissant ensuite un moment avec l'air de la méditation, puis les relevant vers le ciel, et prononçant ces mots d'une voix ferme et grave: Dieu seul est grand, mes frères! Quel exorde renfermé dans une seule parole accompagnée de cette action! comme elle devient sublime par le spectacle qui entoure l'orateur! comme ce seul mot anéantit tout ce qui n'est

pas

Dieu !>>

L'auteur d'une Épitre à M. de Châteaubriand, publiée en 1809, avoit placé dans ses vers un tableau du siècle de Louis-le-Grand, où l'on reconnoîtra une imitation de ce passage: Comme on voit le soleil, disoit-il,

Comme on voit le soleil, ce monarque des mondes,
A l'approche du soir s'incliner vers les ondes,
Des forêts et des monts colorer le penchant,
Et de ses feux encore embraser le couchant;
Tel Louis, atteignant la vieillesse glacée,
Conservoit les débris de sa gloire passée,
Et de la royauté déposant le fardeau,
Grand par ses souvenirs, descendoit au tombeau.
Turenne n'étoit plus; mais, rival de sa gloire,
Villars, sous nos drapeaux, ramenoit la victoire,
Et Denain avoit vu du haut de ses remparts
L'Anglois épouvanté s'enfuir de toutes parts.
Corneille avoit fini sa brillante carrière,
Melpomène aux douleurs se livroit tout entière;
Mais Rousseau, n'écoutant que ses nobles transports,
Enfantoit chaque jour de plus brillants accords,
Et savoit allier, dans son heureuse audace,
La harpe de David à la lyre d'Horace.
Fénélon, sage aimable, et rival de Nestor,
Instruisoit Télémaque aux leçons de Mentor;
Bossuet adressoit, dans sa mâle éloquence,
A l'ombre de Condé les regrets de la France,
Et dans nos temples saints sa redoutable voix,
Au nom seul du Seigneur faisoit trembler les Rois:
Fléchier, moins énergique et non moins plein de charmes,
Sur Turenne au tombeau faisoit verser des larmes ;

Et lorsqu'en des instants de regrets et de deuil,

Les chrétiens, de Louis entouroient le cercueil,
Quand la nef des lieux saints répétoit leurs cantiques,
Massillon écoutoit ces chœurs mélancoliques,

Et sa voix s'animant à ce lugubre chant

Faisoit tonner ces mots : Chrétiens, Dieu seul est grand. (Note de l'Éditeur.)

NOTE G, page 89.

LICHTENSTEIN.

:

Les Encyclopédistes sont une secte de soi-disant philosophes, formée de nos jours; ils se croient supérieurs à tout ce que l'antiquité a produit en ce genre. A l'effronterie des cyniques, ils joignent la noble impudence de débiter tous les paradoxes qui leur tombent dans l'esprit ; ils se targuent de géométrie, et soutiennent que ceux qui n'ont pas étudié cette science ont l'esprit faux; que par conséquent ils ont seuls le don de bien raisonner leurs discours les plus communs sont farcis de termes scientifiques. Ils diront, par exemple, que telles lois sont sagement établies en raison inverse du carré des distances; que telle puissance, prête à former une alliance avec une autre, se sent attirer à elle par l'effet de l'attraction, et que bientôt les deux nations seront assimilées. Si on leur propose une promenade, c'est le problème d'une courbe à résoudre. S'ils ont une colique néphrétique, ils s'en guérissent par les règles de l'hydrostatique. Si une puce les a mordus, ce sont des infiniment petits du premier ordre qui les incommodent. S'ils font une chute, c'est pour avoir perdu le centre de gravité. Si quelque folliculaire a l'audace de les attaquer, ils le noient dans un déluge d'encre et d'injures; ce crime de lèse - philosophie est irrémissible.

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