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EUGÈNE.

Mais quel rapport ont ces fous avec notre nom, avec le jugement qu'on porte de nous?

LICHTENSTEIN.

Beaucoup plus que vous ne croyez, parce qu'ils dénigrent toutes les sciences, hors celle de leurs calculs. Les poésies sont des frivolités dont il faut exclure les fables: un poëte ne doit rimer avec énergie que les équations algébriques. Pour l'histoire, ils veulent qu'on l'étudie à rebours, à commencer de nos temps pour remonter avant le déluge. Les gouvernements, ils les réforment tous: la France doit devenir un état républicain, dont un géomètre sera le législateur, et que des géomètres gouverneront en soumettant toutes les opérations de la nouvelle république au calcul infinitésimal. Cette république conservera une paix 'constante, et se soutiendra sans armée... Ils affectent tous une sainte horreur pour la guerre... S'ils haïssent les armées et les généraux qui se rendent célèbres, cela ne les empêche pas de se battre à coups de plume, et de se dire souvent des grossièretés dignes des halles; et, s'ils avoient des troupes, ils les feroient marcher les unes contre les autres... En leur style, ces beaux propos s'appellent des libertés philosophiques; il faut penser tout haut, toute vérité est bonne à dire; et comme, selon leur sens, ils sont seuls les dépositaires des vérités, ils croient pouvoir débiter toutes les ex

travagances qui leur viennent dans l'esprit, sûrs d'être applaudis.

MARLBOROUGH.

Apparemment qu'il n'y a plus en Europe de PetitesMaisons; s'il en restoit, mon avis seroit d'y loger ces messieurs, pour qu'ils fussent les législateurs des fous leurs semblables.

EUGÈNE.

Mon avis seroit de leur donner à gouverner une province qui méritât d'être châtiée; ils apprendroient par leur expérience, après qu'ils y auroient tout mis sens dessus dessous, qu'ils sont des ignorants, que la critique est aisée, mais l'art difficile ; et surtout qu'on s'expose à dire force sottises, quand on se mêle de parler de ce qu'on n'entend pas.

LICHTENSTEIN.

Des présomptueux n'avouent jamais qu'ils ont tort. Selon leurs principes, le sage ne se trompe jamais; il est le seul éclairé; de lui doit émaner la lumière qui dissipe les sombres vapeurs dans lesquelles croupit le vulgaire imbécille et aveugle: aussi Dieu sait comment ils l'éclairent. Tantôt c'est en lui découvrant l'origine des préjugés, tantôt c'est un livre sur l'esprit, tantôt le système de la nature; cela ne finit point. Un tas de polissons, soit par air ou par mode, se comptent parmi leurs disciples; ils affectent de les copier, et s'érigent en sous-précepteurs du genre humain; et, comme il est plus facile de dire des injures que d'allé

guer des raisons, le ton de leurs élèves est de se déchaîner indécemment en toute occasion contre les militaires.

EUGÈNE.

Un fat trouve toujours un plus fat qui l'admire; mais les militaires souffrent-ils les injures tranquillement ?

LICHTENSTEIN.

Ils laissent aboyer ces roquets, et continuent leur chemin.

MARLBOROUGH.

Mais pourquoi cet acharnement contre la plus noble des professions, contre celle, sous l'abri de laquelle les autres peuvent s'exercer en paix ?

LICHTENSTEIN.

Comme ils sont tous très-ignorants dans l'art de la guerre, ils croient rendre cet art méprisable en le déprimant; mais, comme je vous l'ai dit, ils décrient généralement toutes les sciences, et ils élèvent la seule géométrie sur ces débris, pour anéantir toute gloire étrangère, et la concentrer uniquement sur leurs per

sonnes.

MARLBOROUGH.

Mais nous n'avons méprisé ni la philosophie, ni la géométrie, ni les belles-lettres, et nous nous sommes contentés d'avoir du mérite dans notre genre.

TOME XIII.

20

EUGÈNE.

J'ai plus fait. A Vienne j'ai protégé tous les savants, et les ai distingués lors même que personne n'en faisoit

aucun cas.

LICHTENSTEIN.

Je le crois bien, c'est que vous étiez de grands hommes, et ces soi-disant philosophes ne sont que des polissons, dont la vanité voudroit jouer un rôle : cela n'empêche pas que les injures si souvent répétées ne fassent du tort à la mémoire des grands hommes. On croit que raisonner hardiment de travers, c'est être philosophe, et qu'avancer des paradoxes, c'est emporter la palme. Combien n'ai-je pas entendu, par de ridicules propos, condamner vos plus belles actions, et vous traiter d'hommes qui avoient usurpé une réputation dans un siècle d'ignorance qui manquoit de vrais appréciateurs du mérite!

MARLBOROUGH.

Notre siècle, un siècle d'ignorance! ah! je n'y tiens

plus.

LICHTENSTEIN.

Le siècle présent est celui des philosophes.

(OEuvres de Frédéric II.)

NOTE H, page 92.

PORTRAITS DE J. J. ROUSSEAU ET DE VOLTAIRE,

PAR LA HARPE.

....

Deux surtout dont le nom, les talents, l'éloquence, Faisant aimer l'erreur ont fondé sa puissance, Préparèrent de loin des maux inattendus, Dont ils auroient frémi, s'ils les avoient prévus. Oui, je le crois, témoins de leur affreux ouvrage, Ils auroient des François désavoué la rage. Vaine et tardive excuse aux fautes de l'orgueil! Qui prend le gouvernail doit connoître l'écueil. La foiblesse réclame un pardon légitime, Mais de tout grand pouvoir l'abus est un grand crime. Par les dons de l'esprit placés aux premiers rangs, Ils ont parlé d'en haut aux peuples ignorants; Leur voix montoit au Ciel pour y porter la Leur parole hardie a parcouru la terre. Tous deux ont entrepris d'ôter au genre humain Le joug sacré qu'un Dieu n'imposa pas en vain; Et des coups que ce Dieu frappe pour les confondre, Au monde, leur disciple, ils auront à répondre. Leurs noms, toujours chargés de reproches nouveaux, Commenceront toujours le récit de nos maux. Ils ont frayé la route à ce peuple rebelle; De leurs tristes succès la honte est immortelle.

guerre;

L'un qui, dès sa jeunesse errant et rebuté,
Nourrit dans les affronts son orgueil révolté,
Sur l'horizon des arts sinistre météore,
Marqua par le scandale une tardive aurore,
Et, pour premier essai d'un talent imposteur,
Calomnia les arts, ses seuls titres d'honneur,

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