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D'un moderne cynique affecta l'arrogance,
Du paradoxe altier orna l'extravagance,
Ennoblit le sophisme, et cria vérité;

Mais par quel art honteux s'est-il accrédité ?
Courtisan de l'envie, il la sert, la caresse,

Va dans les derniers rangs en flatter la bassesse,
Jusques aux fondements de la société

Il a porté la faux de son égalité;

Il sema, fit germer, chez un peuple volage,
Cet esprit novateur, le monstre de notre âge,
Qui couvrira l'Europe et de sang et de deuil.
Rousseau fut parmi nous l'apôtre de l'orgueil :
Il vanta son enfance à Genève nourrie,

.

Et pour venger un livre, il troubla sa patrie, • Tandis qu'en ses écrits, par un autre travers, Sur sa ville chétive il régloit l'univers. J'admire ses talents, j'en déteste l'usage; Sa parole est un feu, mais un feu qui ravage, Dont les sombres lueurs brillent sur des débris. Tout, jusqu'aux vérités, trompe dans ses écrits ; Et du faux et du vrai ce mélange adultère Est d'un sophiste adroit le premier caractère. Tour à tour apostat de l'une et l'autre loi, Admirant l'Évangile, et réprouvant la foi, Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome, Il épuise à lui seul l'inconstance de l'homme, Demande une statue, implore une prison; Et l'amour-propre enfin, égarant sa raison, Frappe ses derniers ans du plus triste délire: Il fuit le monde entier qui contre lui conspire, Il se confesse au monde, et, toujours plein de soi, Dit hautement à Dieu : Nul n'est meilleur que moi.

L'autre, encor plus fameux, plus éclatant génie,
Fut pour nous, soixante ans, le dieu de l'harmonie.
Ceint de tous les lauriers, fait pour tous les succès,

Voltaire a de son nom fait un titre aux François.
Il nous a vendu cher ce brillant héritage,
Quand, libre en son exil, rassuré par son âge,
De son esprit fougueux l'essor indépendant
Prit sur l'esprit du siècle un si haut ascendant.
Quand son ambition, toujours plus indocile,
Prétendit détrôner le Dieu de l'Évangile,
Voltaire dans Ferney, son bruyant arsenal,
Secouoit sur l'Europe un magique fanal,
Que pour embraser tout trente ans on a vu luire.
Par lui l'impiété, puissante pour détruire,
Ébranla, d'un effort aveugle et furieux,

Les trônes de la terre appuyés dans les cieux.
Ce flexible Protée étoit né pour séduire :
Fort de tous les talents, et de plaire et de nuire,
Il sut multiplier son fertile poison;
Armé du ridicule, éludant la raison,
Prodiguant le mensonge, et le sel, et l'injure,
De cent masques divers il revêt l'imposture,
Impose à l'ignorant, insulte à l'homme instruit ;
Il sut jusqu'au vulgaire abaisser son esprit,
Faire du vice un jeu, du scandale une école.
Grâce à lui, le blasphème, et piquant et frivole,
Circuloit embelli des traits de la gaîté;
Au bon sens il ôta sa vieille autorité,
Repoussa l'examen, fit rougir du scrupule,
Et mit au premier rang le titre d'incrédule.

NOTE I, page 93.

Voici ce que Montesquieu écrivoit en 1752 à l'abbé de Guasco: « Huart veut faire une nouvelle édition des Lettres Persanes; mais il y a quelques Juvenilia que je voudrois auparavant retoucher. »>

Sous ce passage on trouve cette note de l'éditeur : « Il a dit à quelques amis que s'il avoit eu à donner actuellement ces Lettres, il en auroit omis quelquesunes dans lesquelles le feu de la jeunesse l'avoit transporté; qu'obligé par son père de passer toute la journée sur le Code, il s'en trouvoit le soir si excédé, que pour s'amuser il se mettoit à composer une Lettre Persane, et que cela couloit de sa plume sans étude. (OEuvres de Montesquieu, tom. vII, pag. 233.)

NOTE K, page 96.

Voltaire, que j'aime à citer aux incrédules, pensoit ainsi sur le siècle de Louis XIV, et sur le nôtre. Voici plusieurs passages de ses Lettres (où l'on doit toujours chercher ses sentiments intimes) qui le prouvent

assez.

« C'est Racine qui est véritablement grand, et d'autant plus grand, qu'il ne paroît jamais chercher à l'être. C'est l'auteur d'Athalie qui est l'homme parfait. » (Corresp. gén., tom. vIII, pag. 465.)

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J'avois cru que Racine seroit ma consolation, mais il est mon désespoir. C'est le comble de l'insolence de faire une tragédie après ce grand homme. Aussi après lui je ne connois que de mauvaises pièces, et avant lui que quelques bonnes scènes.» (Ibid., tom. vIII, pag. 467.)

« Je ne peux me plaindre de la bonté avec laquelle vous parlez d'un Brutus et d'un Orphelin; j'avouerai même qu'il y a quelques beautés dans ces deux ou

vrages; mais encore une fois, vive Jean (Racine)! plus on le lit, et plus on lui découvre un talent unique, soutenu par toutes les finesses de l'art : en un mot, s'il y a quelque chose sur la terre qui approche de la perfection, c'est Jean. » ( Ibid., tom. vIII, pag. 501.)

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La mode est aujourd'hui de mépriser Colbert et Louis XIV; cette mode passera, et ces deux hommes resteront à la postérité avec Boileau.» (Ibid., tom. xv, pag. 108.)

« Je prouverois bien que les choses passables de ce temps-ci sont toutes puisées dans les bons écrits du siècle de Louis XIV. Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais que l'on faisoit du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que dans ces plats ouvrages d'aujourd'huì, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût. Nous ressemblons à des voleurs qui changent et qui ornent ridiculement les habits qu'ils ont dérobés, de peur qu'on ne les reconnoisse. A cette friponnerie s'est jointe la rage de la dissertation et celle du paradoxe; le tout compose une impertinence qui est d'un ennui mortel. » ( Ibid., tom. XIII, pag. 219.)

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«< Accoutumez-vous à la disette des talents en tout genre, à l'esprit devenu commun, et au génie devenu rare, à une inondation de livres sur la guerre pour battus, sur les finances pour n'avoir pas un sou, sur la population pour manquer de recrues et de cultivateurs, et sur tous les arts pour ne réussir dans aucun. » (Ibid., tom. vi, pag. 391.)

Enfin, Voltaire a dit dans sa belle Lettre à milord Hervey, tout ce qu'on a répété moins bien et redit mille fois, depnis, sur le siècle de Louis XIV. Voici cette lettre à milord Hervey, en 1740.

Année 1740.

.... Mais, surtout, Mylord, soyez moins fâché contre moi de ce que j'appelle le siècle dernier le siècle de Louis XIV. Je sais bien que Louis XIV n'a pas eu l'honneur d'être le maître ni le bienfaiteur d'un Bayle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addison, d'un Dryden : mais dans le siècle qu'on nomme de Léon X, ce pape avoit-il tout fait ? N'y avoit-il pas d'autres princes qui contribuèrent à polir et à éclairer le genre humain? Cependant le nom de Léon X a prévalu, parce qu'il encouragea les arts, plus qu'aucun autre. Hé! quel rọi a donc, en cela, rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? quel roi a répandu plus de bienfaits, a marqué plus de goût, s'est signalé par de plus beaux établissements? Il n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit faire, sans doute, parce qu'il étoit homme; mais il a fait plus qu'aucun autre, parce qu'il étoit un grand homme : ma plus forte raison pour l'estimer beaucoup, c'est qu'avec des fautes connues, il a plus de réputation qu'aucun de ses contemporains, c'est que, malgré un million d'hommes dont il a privé la France, et qui tous ont été intéressés à le décrier, toute l'Europe l'estime et le met au rang des plus grands et des meilleurs

monarques.

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