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Saint, l'enthousiasme de la multitude à la procession de la Fête-Dieu; enthousiasme qui me gagne moimême quelquefois. Je n'ai vu jamais cette longue file de prêtres en habits sacerdotaux, ces jeunes acolytes vêtus de leurs aubes blanches, ceints de leurs larges ceintures bleues, et jetant des fleurs devant le SaintSacrement; cette foule qui les précède et qui les suit dans un silence religieux ; tant d'hommes, le front prosterné contre la terre: je n'ai jamais entendu ce chant grave et pathétique, entonné par les prêtres, et répondu affectueusement par une infinité de voix d'hommes, de femmes, de jeunes filles et d'enfants, sans que mes entrailles ne s'en soient émues, n'en aient tressailli, et que les larmes ne m'en soient venues aux yeux. Il y a là-dedans je ne sais quoi de sombre, de

mélancolique. J'ai connu un peintre protestant qui avoit fait un long séjour à Rome, et qui convenoit qu'il n'avoit jamais vu le souverain pontife officier dans Saint-Pierre, au milieu des cardinaux et de toute la prélature romaine, sans devenir catholique.

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Supprimez tous les symboles sensibles, et le reste se réduira bientôt à un galimatias métaphysique, qui prendra autant de formes et de tournures bizarres qu'il y aura de têtes. >>

DIDEROT, Essais sur la peinture.

NOTE S, page 168.

LA FÊTE-DIEU DANS UN HAMEAU,

PAR M. DE LA RENAUDIÈRE.

Quand du brûlant Cancer les fécondes chaleurs
Jaunissent les moissons et colorent les fleurs,
Belle de tous ses dons, la brillante nature
Revêt avec orgueil l'éclat de sa parure;
Et l'Été sur son trône, au milieu de sa cour,
Apparoît, rayonnant de tous les feux du jour.
Dans les champs fortunés, qu'embellit sa présence,
Tout assure un plaisir ou promet l'abondance.
L'homme, rempli d'espoir, dans ces jours radieux,
Élève un chant d'amour vers la voûte des cieux;
Et la Religion se parant de guirlandes,

Au roi de l'univers apporte ses offrandes.

Éloigné des cités, dans le calme des champs,

Oh! combien me charmoient ces hommages touchants!
Ces lieux semblent porter à la reconnoissance.
Tout d'un ciel bienfaisant y montre la puissance:

Nos vœux y st plus purs, tout y peint la candeur,
Et la bouche y dit mieux ce qu'a senti le cœur.
Le tableau séduisant de la pompe champêtre
A mon œil enchanté semble encore apparoître;
Je revois la douceur des fêtes des hameaux,

Et cette heureuse image appelle mes pinceaux.

1 L'auteur de ce petit poëme avoit traité ce sujet d'après ses propres idées, ou plutôt d'après celles que lui avoit inspirées la vue d'une procession à C... Quelques pensées, en petit nombre, se sont trouvées être celles que M. de Châteaubriand a exprimées. Cette pièce avoit déjà paru dans le Mercure du 2 juillet 1808; la version que nous donnons ici contient quelques additions qui nous ont été communiquées par l'auteur. (Note de l'Éditeur.)

Déjà l'astre du jour, poursuivant sa carrière,
Laissoit tomber sur nous des torrents de lumière,
Et dans un ciel d'azur s'avançoit radieux;

Près du temple, à l'entour des tombes des aïeux,
Qui, dépouillant leur deuil, couvertes de verdure,
Sembloient de l'espérance accueillir la parure,
Le hameau s'assembloit en groupe séparé.
Oh! comme avec délice, en ce jour désiré,
Il revoit tout l'éclat des fêtes solennelles,
Que proscrivit l'athée et ses lois criminelles !
Comme alors, éprouvant un plaisir enchanteur,
La foule avec transport accueillit son pasteur!
Il alloit revêtir ses parures sacrées,

Dans un coupable oubli trop long-temps demeurées.
Tel au trépas ravi, l'heureux convalescent
Jette sur la nature un coup d'œil caressant;

Tel l'antique pasteur, retrouvant sa patrie,
Aux plus doux sentiments ouvre une âme attendrie.
Pendant nos jours de deuil et nos maux passagers,
Dix ans d'exil, coulés sur des bords étrangers,
Payèrent ses vertus et surtout son courage.
Souvent il demandoit sur un lointain rivage,
L'Église, où du Très-Haut il chantoit les faveurs,
Où son discours sans art captivoit tous les cœurs,
Le jardin qu'il planta, ses amis de l'enfance,
Son simple presbytère, et sa modeste aisance.
Hé bien, il les revoit ces objets désirés;
Son âme oublie alors tous les maux endurés,

Et malgré leurs rigueurs et son sort moins prospère,
Il fait pétrir encor le pain de la misère.

Bientôt l'airain bruyant, dans les airs entendu,
Annonça du départ le moment attendu ;
Le hameau s'avançoit partagé sur deux files.
Fuyez loin de ces lieux, faste brillant des villes :
Là, ne se montroient pas ces tissus précieux;

L'or, l'opale, l'azur, n'y frappoient point les yeux;
Des bouquets sans parfum, enfants de l'imposture,
N'y chargeoient point l'autel du Dieu de la nature;
Et des puissants du jour l'orgueilleuse grandeur
N'y venoit point du luxe étaler la splendeur.
Combien je préférois la pompe du village!
Modeste, sans apprêts, et même un peu sauvage,
Sa vue attendrissoit le cœur religieux.
D'abord des laboureurs, vieux enfants de ces lieux,
Au front chauve attestant leur utile existence,
Sans ordre s'avançoient et prioient en silence.
Le cortége pieux, non loin à mes regards,
Se montroit, précédé des sacrés étendards;
Le feuillage bientôt le couvrit de son ombre.
Dans un sentier profond, asile frais et sombre,
La foule se pressoit sur les pas de son Dieu,
Et de ses chants sacrés venoit remplir ce lieu.
Devant le Roi des rois, sous ces vertes feuillées,
Les jeunes villageois de roses effeuillées
Sur la terre à l'envi parsemoient les couleurs ;
Et, mêlant son parfum à celui de ces fleurs,
L'encens, qui de Saba fit l'antique opulence,
Comme un nuage au loin qui dans l'air se balance,
S'élevoit lentement et planoit sur les champs.
Aux voix des laboureurs entremêlant leurs chants,
Les oiseaux s'unissoient à ces pompes rustiques;
Et de son palais d'or embrasant les portiques,
Le soleil couronné d'une immense splendeur
Sur ces arbres touffus arrêtoit son ardeur.

J'aimois, j'aimois à voir ce peuple des villages
Sous la feuille des bois, ainsi qu'aux premiers âges,
Célébrant l'Éternel et lui portant ses vœux.
Ils ne demandoient pas, ces hommes vertueux,
L'éclat de nos palais, le luxe de nos villes,
Et nos plaisirs bruyants et nos grandeurs serviles.

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Bénissez, disoient-ils, nos troupeaux et nos blés: Que nos enfants, un jour, près de nous rassemblés, Sur l'hiver de nos ans répandent quelques charmes; Que leur destin jamais ne provoque nos larmes ;

Et simples dans nos goûts, heureux d'être chéris,

Toujours de nos vergers que nos cœurs soient épris. »

De sa pompe sacrée alors la troupe sainte
Du modeste hameau vient réjouir l'enceinte.
Quel spectacle touchant s'offroit à mes regards!
Retenu par les ans quelques foibles vieillards,
Adorant l'Éternel au seuil de leurs chaumières,
Regrettoient leurs printemps et leurs forces premières.
Consolez-vous, vieillards; vos champs fertilisés,
Vos jours laborieux dans les travaux usés,
Votre âme qui, toujours fermée à la vengeance,
Consola le malheur, accueillit l'indigence;
De l'asile des cieux vous promet la douceur.
Mais déjà tout ici vous offre le bonheur;
Vos fils, à votre aspect redoublant d'allégresse,
D'un sourire d'amour charment votre vieillesse :
Ce sourire d'amour a calmé vos douleurs.
Au retour de la fête, au déclin des chaleurs,
Alors que l'horizon, moins brûlant et plus sombre,
Se bordera de pourpre, avant-coureur de l'ombre,
Et
que le vent du soir glissera dans les bois,

Ils viendront, réunis devant vos humbles toits,
De l'amour filial épuiser les délices;

Leurs jeux s'embelliront sous vos heureux auspices,
Et du vieux patriarche, en ces jours enchantés,
Vous croirez retrouver les douces voluptés.

Je vous quitte: la fête à la suivre m'engage.
Non loin, couvert de lierre et rembruni par l'âge,
Un chêne vénérable étendoit ses rameaux.
Là, dès le point du jour, les vierges des hameaux
Élevoient sous son ombre un trône de verdure;

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