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La mousse en longs festons en formoit la bordure,
Le lis, aux deux côtés, balançoit sa blancheur,
Et la rose, en bouquet, y montroit sa fraîcheur:
L'Éternel, sur ce trône orné par l'innocence,
Devoit quelques instants reposer sa puissance.
A l'aspect de ces lieux, je sentois dans mon cœur
Couler d'un calme pur la secrète douceur,
Et ma pensée, alors tranquille et solitaire,
Pour un monde meilleur abandonnoit la terre.
Alors, faisant cesser ce calme solennel,

Le hameau lentement environna l'autel.

Avec quel saint respect le pasteur

du village

Seul, et foulant les fleurs qui couvrent son passage,
Porte le Roi des rois et l'élève à nos yeux,

Sous l'emblème immortel d'un pain mystérieux !
La foule tout à coup, prosternée en silence,
Du Roi de l'univers adora la présence.

Chacun crut que son Dieu descendoit dans son cœur,
Non, ce maître irrité, ce monarque vengeur,

Qui doit, au dernier jour, s'armant d'un front sévère,
Au fracas de la foudre apparoître à la terre,

Et, juge sans pardon, au monde épouvanté
De ses arrêts divins proclamer l'équité;

Mais un Dieu, tempérant tout l'éclat dont il brille,
Tel qu'un père adoré se montre à sa famille,
Accueillant l'infortune, et portant dans les cœurs
L'espoir d'un meilleur sort et l'oubli des douleurs.

Vers le séjour antique où se plaît la Prière,
Le hameau dirigeoit sa modeste bannière.
Quel groupe harmonieux, marchant confusément,
Non loin du dais sacré se montre en ce moment?
J'aperçois, de respect et d'amour entourées,
Les mères du hameau de leurs enfants parées.
Tout sourit à leurs yeux dans ce jour de bonheur,
Et leurs yeux laissent voir les plaisirs de leur cœur.

Là, de jeunes beautés, de lin blanc revêtues,
Unissant à l'envi leurs grâces ingénues,
Semblent à l'œil charmé reproduire en ce jour
Ces anges embellis d'innocence et d'amour.
Toutes suivoient le Dieu que fêtoit la nature;
Leur voix comme leur cœur ignoroit l'imposture:
La Piété fidèle, aux charmes si touchants,
Par leur bouche exhaloit la douceur de ses chants;
Et, portés dans les airs jusqu'aux divins portiques,
Ces chants sembloient s'unir aux célestes cantiques.
Bientôt du temple saint le cortége pieux
En foule vint remplir les murs religieux;
Et bientôt commença l'auguste sacrifice :
Ce mystère d'amour qui rend le ciel propice,
Qui peut même des morts abréger la douleur,
Des pompes de ce jour termina la splendeur.

NOTE T, page 175.

L'auteur du poëme de la Pitié, Jacques Delille, n'a pas dédaigné d'emprunter aussi quelques traits au chapitre sur la fête des Rogations,

Enfin, on la revoit, dans la saison nouvelle,

Cette solennité, si joyeuse et si belle,

Où la Religion, par un culte pieux,

Seconde des hameaux les soins laborieux;

Et, dès que Mai sourit, les agrestes peuplades

Reprennent dans les champs leurs longues promenades.

A peine de nos cours le chantre matinal,

De cette grande fête a donné le signal,

Femmes, enfants, vieillards, rustique caravane,

En foule ont déserté le château, la cabane.

A la porte du temple, avec ordre rangé,
En deux files déjà le peuple est partagé.

Enfin, paroît du lieu le curé respectable,
Et du troupeau chéri le pasteur charitable.
Lui-même il a réglé l'ordre de ce beau jour,
La route, les repos, le départ, le retour.

Ils partent: des zéphyrs l'haleine printanière,
Souffle, et vient se jouer dans leur riche bannière;
Puis vient la croix d'argent ; et leur plus cher trésor,
Leur patron enfermé dans sa chapelle d'or,
Jadis martyr, apôtre, ou pontife des Gaules.
Sous ce poids précieux fléchissent leurs épaules.
De leurs aubes de lin, et de leurs blancs surplis,
Le vent frais du matin fait voltiger les plis;
La chappe aux bosses d'or, la ceinture de soie,
Dans les champs étonnés en pompe se déploie;
Et, de la piété l'imposant appareil

Vient s'embellir encore aux rayons du soleil.
Le chef de la prière, et l'âme de la fête,
Le pontife sacré, marche et brille à leur tête,
Murmure son bréviaire, ou, renforçant ses sons,
Entonne avec éclat des hymnes, des réponds.
Chacun charme à son gré le saint itinéraire :
Dans ses dévotes mains l'un a pris son rosaire;
Du chapelet pendant l'autre parcourt les grains;
Un autre, tour à tour in voquant tous les saints,
Pour obtenir des cieux une faveur plus grande,
Épuise tous les noms de la vieille légende;
L'autre, dans la ferveur de ses pieux accès,
Du prophète royal entonne les versets.

Leurs prières, leurs vœux, leurs hymnes se confondent.
L'Olympe en retentit, les coteaux leur répondent;
Et, du creux des rochers, des vallons et des bois;
L'écho sonore écoute, et répète leurs voix;
Leurs chants montent ensemble à la céleste voûte.
Ils marchent : l'aubépine a parfumé leur route;
On côtoie en chantant le fleuve, le ruisseau;
Un nuage de fleurs pleut de chaque arbrisseau ;

Et leurs pieds, en glissant sur la terre arrosée,
En liquides rubis dispersent la rosée.

On franchit les forêts, les taillis, les buissons,
Et la verte pelouse, et les jaunes moissons.
Quelquefois, au sommet d'une haute colline,
Qui sur les champs voisins avec orgueil domine,
L'homme du ciel étend ses vénérables mains;
Pour la grappe naissante, et pour les jeunes grains,
Il invoque le ciel. Comme la fraîche ondée
Baigne, en tombant des cieux, la terre fécondée,
Sur les fruits et les bleds nouvellement éclos,
Les bénédictions descendent à grands flots.
Les coteaux, les vallons, les champs se réjouissent,
Le feuillage verdit, les fleurs s'épanouissent;
Devant eux, autour d'eux, tout semble prospérer,
L'espoir guide leurs pas : prier, c'est espérer.
L'Espérance au front gai plane sur les campagnes,
Sur le creux des vallons, sur le front des montagnes.
Trouvent-ils en chemin, sous un chêne, un ormeau,
Une chapelle agreste, un patron du hameau...
Là s'arrêtent leurs pas; le simulacre antique
Reçoit leurs simples vœux et leur hymne rustique.
La nuit vient: on repart, et, jusques au réveil,
Des songes fortunés vont bercer leur sommeil;
Un rêve heureux remplit leurs celliers et leurs granges
D'abondantes moissons, de fertiles vendanges;
Et, jusques à l'aurore, ils pressent, assoupis,
Des oreillers de fleurs et des chevets d'épis.

Ils pensent voir les fruits, les gerbes qu'ils attendent,

Et jouissent déjà des trésors qu'ils demandent.

O riant Chanonat! ô fortuné séjour!

Je croirai voir encor ces beaux lieux, ce beau jour,
Où, fier d'accompagner le saint pèlerinage,
Enfant, je me mêlois aux enfants du village!
Hélas! depuis long-temps, je n'ai vu ces tableaux!...
(Note de l'Éditeur.)

NOTE U, page 196.

Les Feralia des anciens Romains différoient de notre jour des morts en ce qu'elles ne se célébroient qu'à la mémoire des citoyens morts dans l'année. Elles commençoient le 18 du mois de février, et duroient onze jours consécutifs. Pendant tout ce temps, les mariages étoient interdits, les sacrifices suspendus, les statues des dieux voilées, et les temples fermés. Nos services anniversaires, ceux du septième, du neuvième et du quarantième jour, nous viennent des Romains, qui les tenoient eux-mêmes des Grecs. Ceux-ci avoient ¿vayiouara, les obsèques et les offrandes qu'on faisoit pour les âmes aux dieux infernaux; vexúata, les funérailles ; ταρχήματα les enferrements; εννατα la neuvaine; ensuite les Triacades et Triacondates, le trentième jour.

Les Latins avoient Justa, Exequiæ, Inferiæ, Parentationes, Novendalia, Denicalia, Februa, Feralia.

Quand le mourant étoit près d'expirer, son ami, ou son plus proche parent, posoit sa bouche sur la sienne pour recueillir son dernier soupir; ensuite le corps étoit livré aux Pollincteurs, aux Libitinaires, aux Vespilles, aux Désignateurs, chargés de le laver, de l'embaumer, de le porter au sépulcre ou au bûcher avec les cérémonies accoutumées. Les pontifes et les prêtres marchoient devant le convoi, où l'on portoit les tableaux des ancêtres du mort, des couronnes et des trophées. Deux chœurs, l'un chantant des airs vifs

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