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et gais, l'autre des airs lents et tristes, précédoient la pompe. Les anciens philosophes se figuroient que l'âme (qu'ils disoient n'être qu'une harmonie) remontoit au bruit de ces concerts funèbres dans l'Olympe, pour y jouir de la mélodie des cieux, dont elle étoit une émanation (Vid. MACROBE sur le Songe de Scipion). Le corps étoit déposé au sépulcre, ou dans l'urne funéraire, et l'on prononçoit sur lui le dernier adieu. Vale, vale, vale. Nos te ordine quo Natura permiserit sequemur!

Le lecteur trouvera ici avec plaisir une citation du beau poëme de M. de Fontanes, sur le Jour des morts dans une campagne:

Déjà du haut des cieux le cruel Sagittaire
Avoit tendu son arc et ravageoit la terre;

Les coteaux et les champs, et les prés défleuris,
N'offroient de toutes parts que de vastes débris:
Novembre avoit compté sa première journée.
Seul alors, et témoin du déclin de l'année,
Heureux de mon repos, je vivois dans les champs.
Et quel poëte, épris de leurs tableaux touchants,
Quel sensible mortel des scènes de l'automne
N'a chéri quelquefois la beauté monotone!
Oh! comme avec plaisir la rêveuse douleur,
Le soir, foule à pas lents ces vallons sans couleur,
Cherche les bois jaunis, et se plaît au murmure
Du vent qui fait tomber leur dernière verdure!
Ce bruit sourd a pour moi je ne sais quel attrait.
Tout à coup si j'entends s'agiter la forêt,
D'un ami qui n'est plus la voix long-temps chérie
Me semble murmurer dans la feuille flétrie.

Aussi, c'est dans ce temps que tout marche au cercueil,

Que la Religion prend un habit de deuil :
Elle en est plus auguste; et sa grandeur divine
Croît encore à l'aspect de ce monde en ruine.

Aujourd'hui, ramenant un usage pieux,

Sa voix rouvroit l'asile où dorment nos aïeux.
Hélas! ce souvenir frappe encor ma pensée.

L'aurore paroissoit, la cloche balancée,

Mêlant un son lugubre aux sifflements du Nord,
Annonçoit dans les airs la fête de la Mort.

Vieillards, femmes, enfants, accouroient vers le temple.
Là, préside un mortel, dont la voix et l'exemple
Maintiennent dans la paix ses heureuses tribus,
Un prêtre, ami des lois, et zélé sans abus,

Qui, peu jaloux d'un nom, d'une orgueilleuse mître,
Aimé de son troupeau, ne veut point d'autre titre,
Et des apôtres saints fidèle imitateur,

A mérité comme eux ce doux nom de pasteur.
Jamais dans ses discours une fausse sagesse
Des fêtes du hameau n'attrista l'allégresse.
Il est pauvre, et nourrit le pauvre consolé;
Près du lit des vieillards quelquefois appelé,

Il accourt; et sa voix, pour calmer leur souffrance,
Fait descendre auprès d'eux la paisible espérance.
« Mon frère, de la mort ne craignez point les coups,
>> Vous remontez vers Dieu, Dieu s'avance vers vous. »
Le mourant se console, et sans terreur expire.
Lorsque de ses travaux l'homme des champs respire,
Qu'il laisse avec le bœuf reposer le sillon,

Ce pontife sans art, rustique Fénélon,

Nous lit du Dieu qu'il sert les touchantes paroles.

Il ne réveille pas ces combats des écoles;

Ces tristes questions qu'agitèrent en vain
Et Thomas, et Prosper, et Pélage, et Calvin.
Toutefois, en ce jour de grâce et de

vengeance,

A ses enfants chéris que charmoit sa présence,
Il rappela l'objet qui les rassembloit tous;
Et loin d'armer contre eux le céleste courroux,
Il sut par l'espérance adoucir la tristesse.

« Hier, dit-il, nos chants, nos hymnes d'allégresse

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» Célébroient à l'envi ces morts victorieux,

>> Dont le zèle enflammé sut conquérir les cieux.

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»

Pour les månes plaintifs, à la douleur en proie,

>> Nous pleurons aujourd'hui; notre deuil est leur joie.

» La puissante prière a droit de soulager

>> Tous ceux qu'éprouve encore un tourment passager.

» Allons donc visiter leur funèbre demeure.

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L'homme, hélas ! s'en approche, y descend à toute heure.

Consolons-nous, pourtant: un céleste rayon
Percera des tombeaux la sombre région.

» Oui, tous ses habitants, sous leur forme première,
S'éveilleront surpris de revoir la lumière :

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Et moi, puissé-je alors, vers un monde nouveau,
En triomphe, à mon Dieu, ramener mon troupeau!

Il dit, et prépara l'auguste sacrifice.
Tantôt ses bras tendus montroient le ciel propice;
Tantôt il adoroit humblement incliné.

O moment solennel! Ce peuple prosterné;

Ce temple dont la mousse a couvert les portiques;

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Ses vieux murs, son jour sombre, et ses vitraux gothiques; Cette lampe d'airain, qui, dans l'antiquité,

Symbole du soleil et de l'éternité,

Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue;

La majesté d'un Dieu parmi nous descendue;

Les pleurs, les vœux, l'encens, qui montent vers l'autel;

Et de jeunes beautés qui, sous l'œil maternel,
Adoucissent encor, par leur voix innocente,
De la Religion la pompe attendrissante;

Cet orgue qui se tait, ce silence pieux;
L'invisible union de la terre et des cieux;
Tout enflamme, agrandit, émeut l'homme sensible;
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Où sur des harpes d'or, l'immortel séraphin
Aux pieds de Jéhova chante l'hymne sans fin.
C'est alors que sans peine un Dieu se fait entendre.
Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre;
Il doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir.
Mais du temple, à grands flots, se hâtoit de sortir
La foule qui déjà, par groupes séparée,
Vers le séjour des morts s'avançoit éplorée:
L'étendart de la croix marchoit devant nos pas.
Nos chants majestueux, consacrés au trépas,
Se mêloient à ce bruit précurseur des tempêtes;
Des nuages obscurs s'étendoient sur nos têtes.
Et nos fronts attristés, nos funèbres concerts,
Se conformoient au deuil et des champs et des airs.

Cependant du trépas on atteignoit l'asile.
L'if, et le buis lugubre, et le lierre stérile,
Et la ronce, à l'entour, croissent de toutes parts;
On y voit s'élever quelques tilleuls épars;

Le vent court en sifflant sur leur cime flétrie.
Non loin s'égare un fleuve; et mon âme attendrie
Vit, dans le double aspect des tombes et des flots,
L'éternel mouvement et l'éternel repos.

Avec quel saint transport tout ce peuple champêtre,
Honorant ses aïeux, aimoit à reconnoître
La pierre ou le gazon qui cachoit leurs débris;
Il nomme, il croit revoir tous ceux qu'il a chéris.
Mais, hélas! dans nos murs, de l'ami le plus tendre
Où peut l'œil incertain redemander la cendre?
Les morts en sont bannis, leurs droits sont violés;
Et leurs restes, sans gloire, au hasard sont mêlés.

Ah! déjà contre nous, j'entends frémir leurs mânes.
Tremblons! malheur au temps, aux nations profanes,
Chez qui, dans tous les cœurs affoiblis par degré,
Le culte des tombeaux cesse d'être sacré!

Les morts ici du moins n'ont pas reçu d'outrage;
Ils conservent en paix leur antique héritage.
Leurs noms ne chargent point de marbres fastueux;
Un pâtre, un laboureur, un fermier vertueux,
Sous ces pierres sans art, tranquillement sommeille.
Elles couvrent peut-être un Turenne, un Corneille
Qui dans l'ombre a vécu, de lui-même ignoré.
Hé bien! si de la foule autrefois séparé,
Illustre dans les camps, ou sublime au théâtre,
Son nom charmoit encor l'univers idolâtre,
Aujourd'hui son sommeil en seroit-il plus doux ?

De ce nom, de ce bruit dont l'homme est si jaloux,
Combien auprès des morts j'oubliois les chimères !
Ils réveilloient en moi des pensers plus austères.
Quel spectacle! d'abord un sourd gémissement
Sur le fatal enclos erra confusément.

Bientôt les vœux, les cris, les sanglots retentissent;
Tous les yeux sont en pleurs, toutes les voix gémissent;
Seulement, j'aperçois une jeune beauté

Dont la douleur se tait et veut fuir la clarté.
Ses larmes cependant coulent en dépit d'elle;
Son œil est égaré; son pied tremble et chancelle;
Hélas! elle a perdu l'amant qu'elle adoroit,
Que son cœur pour époux se choisit en secret :
Son cœur promet encor de n'être point parjure.

Une veuve, non loin de ce tronc sans verdure,
Regrettoit un époux : tandis qu'à ses côtés
Un enfant, qui n'a vu qu'à peine trois étés,
Ignorant son malheur, pleuroit aussi comme elle.

TOME XIII.

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