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sillanimes de la vie pendant la paix; prodigues de leurs jours dans les batailles; vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n'est pas eux; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l'étranger; tour à tour plus doux, plus innocents que l'agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre: tels furent les Athéniens d'autrefois, et tels sont les François d'aujourd'hui.

Ainsi, après avoir balancé les avantages et les désavantages de l'histoire ancienne et moderne, il est temps de rappeler au lecteur que si les historiens de l'antiquité sont en général supéricurs aux nôtres, cette vérité souffre toutefois de grandes exceptions. Grâce au génie du christianisme, nous allons montrer qu'en histoire l'esprit françois a presque atteint la même perfection que dans les autres branches de la litté

rature.

CHAPITRE VI.

VOLTAIRE HISTORIEN.

OLTAIRE, dit Montesquieu, n'écrira jamais une bonne histoire; il est comme les moines qui n'écrivent pas pour le sujet qu'ils traitent, mais pour la gloire de leur ordre. Voltaire écrit pour son couvent. »

Ce jugement, appliqué au Siècle de Louis XIV et à l'Histoire de Charles XII, est trop rigoureux; mais il est juste, quant à l'Essai sur les Mœurs des nations 1. Deux noms surtout effrayoient ceux qui combattoient le christianisme, Pascal et Bossuet. Il falloit donc les attaquer, et tâcher de détruire indirectement leur

Un mot échappé à Voltaire, dans sa Correspondance, montre avec quelle vérité historique, et dans quelle intention il écrivoit cet Essai : « J'ai pris les deux hémisphères en ridicule; c'est un coup sûr. » An 1754, Corresp. gén. t. v, P. 94.

autorité. De là l'édition de Pascal avec des notes, et l'Essai qu'on prétendoit opposer au Discours sur l'Histoire universelle. Mais jamais le parti anti-religieux, d'ailleurs trop habile, ne fit une telle faute, et n'apprêta un plus grand triomphe au christianisme. Comment Voltaire, avec tant de goût et un esprit si juste, ne comprit-il pas le danger d'une lutte corps à corps avec Bossuet et Pascal? Il lui est arrivé en histoire ce qui lui arrive toujours en poésie : c'est qu'en déclamant contre la religion, ses plus belles pages sont des pages chrétiennes, témoin ce portrait de

saint Louis.

<< Louis IX, dit-il, paroissoit un prince destiné à réformer l'Europe, si elle avoit pu l'être, à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes. Sa piété qui étoit celle d'un anachorète, ne lui ôta aucune vertu de roi. Une sage économie ne déroba rien à sa libéralité. Il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut-être est-il le seul souverain qui mérite cette louange. Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats, sans être emporté, compatissant comme s'il n'avoit jamais été que malheureux, il n'est pas donné à l'homme de pousser plus loin la vertu... Attaqué de la peste devant Tunis... il se fit étendre sur la cendre, et expira à l'âge de

cinquante-cinq ans, avec la piété d'un religieux et le courage d'un grand homme. »

Dans ce portrait, d'ailleurs si élégamment écrit, Voltaire, en parlant d'anachorète, a-t-il cherché à rabaisser son héros? On ne peut guère se le dissimuler; mais voyez quelle méprise! C'est précisément le contraste des vertus religieuses et des vertus guerrières, de l'humilité chrétienne et de la grandeur royale, qui fait ici le dramatique et la beauté du tableau.

Le christianisme rehausse nécessairement l'éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux. Renoncer à sa morale tendre et triste, ce seroit renoncer au seul moyen nouveau d'éloquence que les anciens nous aient laissé. Nous ne doutons point que Voltaire, s'il avoit été religieux, n'eût excellé en histoire; il ne lui manque que de la gravité, et, malgré ses imperfections, c'est peut-être encore, après Bossuet, le premier historien de la France.

CHAPITRE VII.

PHILIPPE DE COMMINES ET ROLLIN.

N chrétien a éminemment les qualités qu'un ancien demande de l'historien... un bon sens pour les choses du monde,

et une agréable expression 1.

Comme écrivain de Vie, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n'a souvent que le bon esprit d'être simple; il court volontiers après la pensée : ce n'est qu'un agréable imposteur en tours naïfs.

A la vérité il est plus instruit que Commines, et néanmoins le vieux seigneur gaulois, avec l'Évangile, et sa foi dans les hermites, a laissé,

I

Lucien, Comment il faut écrire l'histoire, traduction de Racine.

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