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tout ignorant qu'il étoit, des mémoires pleins d'enseignement. Chez les anciens, il falloit être docte pour écrire; parmi nous, un simple chrétien, livré, pour seule étude, à l'amour de Dieu, a souvent composé un admirable volume; c'est ce qui a fait dire à saint Paul : « Celui qui, dépourvu de la charité, s'imagine étre éclairé,

ne sait rien. »

Rollin est le Fénélon de l'histoire, et, comme lui, il a embelli l'Égypte et la Grèce. Les premiers volumes de l'Histoire ancienne respirent le génie de l'antiquité : la narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille; et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles. Ses écrits décèlent cet homme de bien dont le cœur est une fête continuelle1, selon l'expression merveilleuse de l'Écriture. Nous ne connoissons point d'ouvrages qui reposent plus doucement l'âme. Rollin a répandu sur les crimes des hommes le calme d'une conscience sans reproche, et l'onctueuse charité d'un apôtre de Jésus-Christ. Ne verrons-nous jamais renaître ces temps où l'éducation de la jeunesse et l'espérance de la postérité étoient confiées à de pareilles mains!

I Ecclesiastic. c. xxx, V. 27.

CHAPITRE VIII

BOSSUET HISTORIEN.

AIS C'est dans le Discours sur l'Histoire

universelle

que l'on

peut admirer l'influence du génie du christianisme sur le génie de l'histoire. Politique comme Thucydide, moral comme Xénophon, éloquent comme Tite-Live, aussi profond et aussi grand peintre que Tacite, l'évêque de Meaux a de plus une parole grave et un tour sublime dont on ne trouve ailleurs aucun exemple, hors dans le début du livre des Macchabées.

Bossuet est plus qu'un historien, c'est un Père de l'Église, c'est un prêtre inspiré, qui souvent a le rayon de feu sur le front, comme le législateur des Hébreux. Quelle revue il fait de la terre! il est en mille lieux à la fois! Patriarche sous le palmier de Tophel, ministre à la cour de Babylone, prêtre à Memphis, législateur à Sparte, citoyen à Athènes et à Rome, il change de temps

TOME XIII.

et de place à son gré; il passe avec la rapidité et la majesté des siècles. La verge de la loi à la main, avec une autorité incroyable, il chasse pêle-mêle devant lui et Juifs et Gentils au tombeau; il vient enfin lui-même à la suite du convoi de tant de générations, et, marchant appuyé sur Isaïe et sur Jérémie, il élève ses lamentations prophétiques à travers la poudre et les débris du genre humain1.

La première partie du Discours sur l'Histoire universelle est admirable par la narration; la seconde par la sublimité du style et la haute métaphysique des idées; la troisième par la profondeur des vues morales et politiques. Tite-Live et Salluste ont-ils rien de plus beau sur les anciens Romains, que ces paroles de l'évêque de Meaux?

« Le fond d'un Romain, pour ainsi parler, étoit l'amour de sa liberté et de sa patrie; une de ces choses lui faisoit aimer l'autre : car, parce qu'il aimoit sa liberté, il aimoit aussi sa patrie comme une mère qui le nourrissoit dans des sentiments également généreux et libres.

» Sous ce nom de liberté, les Romains se figuroient, avec les Grecs, un État où personne ne fût sujet que de la loi, et où la loi fût plus puissante que personne. »

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A nous entendre déclamer contre la religion, on croiroit qu'un prêtre est nécessairement un esclave, et que nul, avant nous, n'a su raisonner dignement sur la liberté : qu'on lise donc Bossuet à l'article des Grecs et des Romains.

Quel autre a mieux parlé que lui et des vices et des vertus? quel autre a plus justement estimé les choses humaines? Il lui échappe de temps en temps quelques uns de ces traits qui n'ont point de modèle dans l'éloquence antique, et qui naissent du génie même du christianisme. Par exemple, après avoir vanté les pyramides d'Égypte, il ajoute : « Quelque effort que fassent les hommes, leur néant paroît partout. Ces pyramides étoient des tombeaux; encore ces rois qui les ont bâties n'ont-ils pas eu le pouvoir d'y être inhumés, et ils n'ont pu jouir de leur sépulcre 1.>>

On ne sait qui l'emporte ici de la grandeur de la pensée ou de la hardiesse de l'expression. Ce mot jouir, appliqué à un sépulcre, déclare à la fois la magnificence de ce sépulcre, la vanité des Pharaons qui l'élevèrent, la rapidité de notre existence, enfin l'incroyable néant de l'homme, qui, ne pouvant posséder pour bien réel ici-bas

1 Disc. sur l'Hist. univ. III part.

qu'un tombeau, est encore privé quelquefois de ce stérile patrimoine.

Remarquons que Tacite a parlé des pyramides, et que sa philosophie ne lui a rien fourni de comparable à la réflexion que la religion a inspirée à Bossuet; influence bien frappante du génie du christianisme sur la pensée d'un grand homme.

Le plus beau portrait historique dans Tacite, est celui de Tibère; mais il est effacé par le portrait de Cromwel, car Bossuet est encore historien dans ses Oraisons funèbres. Que dironsnous du cri de joie que pousse Tacite, en parlant des Bructaires, qui s'égorgeoient à la vue d'un camp romain? «Par la faveur des Dieux, nous eûmes le plaisir de contempler ce combat sans nous y mêler. Simples spectateurs, nous vîmes, ce qui est admirable, soixante mille hommes s'égorger sous nos yeux pour notre amusement. Puissent, puissent les nations, au défaut d'amour pour nous, entretenir ainsi dans leur cœur les unes contre les autres une haine éternelle ! »

Écoutons Bossuet.

« Ce fut après le déluge que parurent ces ra

* Ann. lib. 11, 61.

2 Tacite, Moeurs des Germains, 33.

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