Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

des livres, ceux des orateurs de l'antiquité ne sont que des discours. Avec quel goût merveilleux les saints docteurs ne réfléchissent-ils point sur les vanités du monde! « Toute votre vie, disent-ils, n'est qu'une ivresse d'un jour, et vous employez cette journée à la poursuite des plus folles illusions. Vous atteindrez au comble de vos vœux, vous jouirez de tous vos désirs, vous deviendrez roi, empereur, maître de la terre un moment encore, et la mort effacera ces néants avec votre néant. >>

Ce genre de méditations, si grave, si solennel, si naturellement porté au sublime, fut totalement inconnu des orateurs de l'antiquité. Les païens se consumoient à la poursuite des ombres de la vie ; ils ne savoient pas que la véritable existence ne commence qu'à la mort. La religion chrétienne a seule fondé cette grande école de la tombe, où s'instruit l'apôtre de l'Évangile : elle ne permet plus que l'on prodigue, comme les demi-sages de la Grèce, l'immortelle pensée de l'homme à des choses d'un moment.

Au reste, c'est la religion qui, dans tous les siècles et dans tous les pays, a été la source de l'éloquence. Si Démosthène et Cicéron ont été de grands orateurs, c'est qu'avant tout ils étoient

1 Job.

religieux. Les membres de la Convention, au contraire, n'ont offert que des talents tronqués et des lambeaux d'éloquence, parce qu'ils attaquoient la foi de leurs pères, et s'interdisoient ainsi les inspirations du cœur 2.

1 Ils ont sans cesse le nom des dieux à la bouche: voyez l'invocation du premier aux mânes des héros de Marathon, et l'apothéose du second aux dieux dépouillés par Verrès.

* Qu'on ne dise pas que les François n'avoient pas eu le temps de s'exercer dans la nouvelle lice où ils venoient de descendre: l'éloquence est un fruit des révolutions; elle y croît spontanément et sans culture; le Sauvage et le Nègre ont quelquefois parlé comme Démosthène. D'ailleurs, on ne manquoit pas de modèles, puisqu'on avoit entre les mains les chefs-d'œuvre du forum antique, et ceux de ce forum sacré, où l'orateur chrétien explique la loi éternelle. Quand M. de Montlosier s'écrioit, à propos du clergé, dans l'Assemblée constituante: Vous les chassez de leurs palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu'ils ont nourri ; vous voulez leurs croix d'or, ils prendront une croix de bois ; c'est une croix de bois qui a sauvé le monde! ce mouvement n'a pas été inspiré par la démagogie, mais par la religion. Enfin Vergniaud ne s'est élevé à la grande éloquence, dans quelques passages de son discours pour Louis XVI, que parce que son sujet l'a entraîné dans la région des idées religieuses les pyramides, les morts, le silence et les tombeaux.

CHAPITRE II.

DES ORATEURS.

LES PÈRES DE L'ÉGLISE.

L

'ÉLOQUENCE des docteurs de l'Église a quelque chose d'imposant, de fort, de royal, pour ainsi parler, et dont l'autorité vous confond et vous subjugue. On sent que leur mission vient d'en-haut, et qu'ils enseignent par l'ordre exprès du Tout-Puissant. Toutefois, au milieu de ces inspirations, leur génie conserve le calme et la majesté.

Saint Ambroise est le Fénélon des Pères de l'Église latine. Il est fleuri, doux, abondant, et, à quelques défauts près qui tiennent à son siècle, ses ouvrages offrent une lecture aussi agréable qu'instructive; pour s'en convaincre, il suffit de parcourir le Traité de la Virginité, et l'Éloge des Patriarches.

[merged small][graphic]

Quand on nomme un saint aujourd'hui, on se figure quelque moine grossier et fanatique, livré, par imbécillité ou par caractère, à une superstition ridicule. Augustin offre pourtant un autre tableau : un jeune homme ardent et plein d'esprit s'abandonne à ses passions; il épuise bientôt les voluptés, et s'étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. Il tourne son âme inquiète vers le Ciel : quelque chose lui dit que c'est là qu'habite cette souveraine beauté après laquelle il soupire : Dieu lui parle tout bas, et cet homme du siècle, que le siècle n'avoit pu satisfaire, trouve enfin le repos et la plénitude de ses désirs dans le sein de la religion.

Montaigne et Rousseau nous ont donné leurs Confessions. Le premier s'est moqué de la bonne foi de son lecteur; le second a révélé de honteuses turpitudes, en se proposant, même au jugement de Dieu, pour un modèle de vertu. C'est dans les Confessions de saint Augustin qu'on apprend à connoître l'homme tel qu'il est. Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au Ciel; il ne cache rien à celui qui voit tout. C'est un chrétien à genoux dans le tribunal de la pénitence, qui déplore ses fautes, et qui les découvre, afin que le médecin applique le remède sur la plaie. Il ne craint point de fa

tiguer par des détails celui dont il a dit ce mot sublime: Il est patient, parce qu'il est éternel. Et quel portrait ne nous fait-il point du Dieu auquel il confie ses erreurs!

« Vous êtes infiniment grand, dit-il, infiniment bon, infiniment miséricordieux, infiniment juste; votre beauté est incomparable, votre force irrésistible, votre puissance sans bornes. Toujours en action, toujours en repos, vous soutenez, vous remplissez, vous conservez l'univers; vous aimez sans passion, vous êtes jaloux sans trouble; vous changez vos opérations et jamais vos desseins... Mais que vous dis-je ici, ô mon Dieu! et que peut-on dire en parlant de vous? »

Le même homme qui a tracé cette brillante image du vrai Dieu, va nous parler à présent avec la plus aimable naïveté des erreurs de sa jeunesse :

« Je partis enfin pour Carthage. Je n'y fus pas plus tôt arrivé que je me vis assiégé d'une foule de coupables amours, qui se présentoient à moi de toutes parts... Un état tranquille me sembloit insupportable, et je ne cherchois que les chemins pleins de piéges et de précipices.

>> Mais mon bonheur eût été d'être aimé aussi bien que d'aimer; car on veut trouver la vie dans ce qu'on aime... Je tombai enfin dans les

« ZurückWeiter »