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mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l'impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d'un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant :

« Enfin, au milieu de ces tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s'entr'ouvre d'ellemême, tout son esprit frémit; et, par ce dernier effort, son âme s'arrache avec regret de ce corps de boue, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable '.>>

A ce tableau de l'homme impie dans la mort, joignez celui des choses du monde dans le néant.

Regardez le monde tel que vous l'avez vu dans vos premières années, et tel que vous le voyez aujourd'hui; une nouvelle cour a succédé à celle que vos premiers ans ont vue; de nouveaux personnages sont montés sur la scène, les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs : ce sont de nouveaux événements, de nouvelles intrigues, de nouvelles passions, de nouveaux héros, dans la vertu comme dans le vice, qui sont le sujet des louanges, des déri

I Mass. Avent. Mort du Pécheur, prem. part.

sions, des censures publiques. Rien ne demeure, tout change, tout s'use, tout s'éteint: Dieu seul demeure toujours le même. Le torrent des siècles qui entraîne tous les siècles, coule devant ses yeux, et il voit avec indignation de foibles mortels emportés par ce cours rapide, l'insulter en passant. »

L'exemple de la vanité des choses humaines, tiré du siècle de Louis XIV, qui venoit de finir (et cité peut-être devant des vieillards qui en avoient vu la gloire), est bien pathétique! Le mot qui termine la période semble être échappé à Bossuet, tant il est franc et sublime.

Nous donnerons encore un exemple de ce genre ferme d'éloquence qu'on paroît refuser à Massillon, en ne parlant que de son abondance et de sa douceur. Pour cette fois, nous prendrons un passage où l'orateur abandonne son style favori, c'est-à-dire le sentiment et les images, pour n'être qu'un simple argumentateur. Dans le sermon sur la vérité d'un avenir, il presse ainsi l'incrédule:

Que dirai-je encore? si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles; l'honneur qu'on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu'il est ridicule d'honorer ce qui n'est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les

cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu'il faut jeter au vent, et qui n'appartient à personne; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d'une machine qui se dissout; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée; les rois et les souverains, des fantômes la foiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes; la loi des mariages, un vain scrupule; la pudeur, un préjugé ; l'honneur et la probité, des chimères; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.

que

» Voilà où se réduit la philosophie sublime des impies; voilà cette force, cette raison, cette sagesse qu'ils nous vantent éternellement. Convenez de leurs maximes, et l'univers entier retombe dans un affreux chaos; et tout est confondu sur la terre; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées; et les lois les plus inviolables de la société s'évanouissent; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n'a plus de règle; et toute l'harmonie des corps politiques s'écroule; et le genre humain n'est plus qu'un assemblage d'insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés,

qui n'ont plus d'autres lois que la force, plus d'autre frein que leurs passions et la crainte de l'autorité, plus d'autre lien que l'irréligion et l'indépendance, plus d'autres dieux qu'euxmêmes: voilà le monde des impies; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c'est que vous êtes dignes d'y occuper une place.

>>

Que l'on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l'on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées; dans les orateurs chrétiens, un ordre d'idées plus général, une connoissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, et ignorée de l'antiquité.

Massillon a fait quelques oraisons funèbres; elles sont inférieures à ses autres discours. Son Éloge de Louis XIV n'est remarquable que par la première phrase: « Dieu seul est grand, mes frères ! » C'est un beau mot que celui-là, prononcé en regardant le cercueil de Louis-leGrand 1.

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AIS que dirons-nous de Bossuet comme orateur? à qui le comparerons-nous? et quels discours de Cicéron et de Démosthène ne s'éclipsent point devant ses Oraisons funèbres? C'est pour l'orateur chrétien que ces paroles d'un roi semblent avoir été écrites: L'or et les perles sont assez communes, mais les lèvres savantes sont un vase rare et sans prix 1. Sans cesse occupé du tombeau, et comme penché sur les gouffres d'une autre vie, Bossuet aime à laisser tomber de sa bouche ces grands mots de temps et de mort, qui retentissent dans les abîmes silencieux de l'éternité. Il se plonge, il se noie dans des tristesses incroyables, dans d'inconcevables douleurs. Les coeurs, après plus d'un siècle, retentissent encore du fameux cri, Ma

1 Prov. cap. 20, v. 15.

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