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Pascal sur le vide: or, il a expressément déclaré que, lorsqu'il
a publié ces expériences, il ignorait quel était l'auteur de celle
qui avait été faite en Italie; il pouvait donc l'ignorer encore
lorsqu'il écrivait à M. Périer. Et pourquoi Pascal aurait-il évité
de nommer l'illustre disciple de Galilée, lui qui ne l'appelle
jamais autrement que le grand Torricelli ? Les véritables
grands hommes, je l'ai déjà dit, sont faits pour s'estimer mu-
tuellement. Voici comme s'exprime Pascal lui-même, au sujet
de l'expérience de Torricelli, dans sa première Lettre à M. de
Ribeyre Comme nous étions tous dans l'impatience de
» savoir qui en était l'inventeur, nous en écrivîmes à Rome,
» au Cavalier del Posso lequel nous manda long-temps
» après mon imprimé (le Traité Nouvelles expériences tou-
» chant le Vide), qu'elle est véritablement du grand Torri-
»celli, professeur du Duc de Florence aux Mathématiques.
» Nous fumes ravis d'apprendre qu'elle venait d'un génie si
» illustre, etc...... Depuis que nous avons eu cette connais-
»sance, nous avons tous publié, et moi comme les autres
» que Torricelli en est l'auteur etc. » Cela me semble
péremptoire et propre à dissiper tous les nuages.

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(v) De cette expérience devenue célèbre dans l'histoire des sciences, Pascal conclut positivement que la nature, loin de redouter le vide, peut l'admettre sans résistance et ne fait aucun effort pour l'éviter. Il est intéressant de voir Pascal professant d'abord par respect pour l'opinion universellement reçue, la croyance à l'horreur du vide ; passer, ensuite de ses premières expériences, à ce second sentiment, que la nature paraît avoir en effet une sorte d'aversion pour le vide, mais que cette répugnance n'est pas invincible; enfin, rejeter absolument cette horreur du vide, lorsque l'expérience du Puy-de-Dôme lui fait toucher au doigt la cause de la suspension des liqueurs. Nous reviendrons bientôt sur cette marche de Pascal dans la manière de rectifier ses idées et d'arriver par degrés à la dernière opinion à laquelle il se fixe ensuite irrévocablement.

(x) Les découvertes de Pascal firent naître à son beau-frère, M. Périer, la pensée des observations simultanées faites à Paris, à Clermont et à Stockholm ( dans les années 1649, 1650, 1651), première esquisse de ces remarques combinées qui ont beaucoup influé sur la connaissance de l'atmosphère et sur les progrès de la Météorologie; on y peut remarquer aussi, en quelque façon, le germe et les premiers linéamens de l'idée heureuse de ce Physicien de Genève, qui a imaginé de peindre à l'œil les variations que l'air éprouve en même temps à de grandes distances, au moyen de ces intéressantes courbes

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barométriques, déterminées par des abscisses croissant en raison arithmétique selon la succession des jours, et par des ordonnées représentant les hauteurs journalières du mercure dans le baromètre. Les inflexions de ces courbes manifestent, dans leur parallélisme plus ou moins suivi, le degré de correspondance que la nature semble maintenir dans l'état des grandes masses de l'atmosphère.

De toutes les Tables portatives qui ont été publiées pour faciliter l'application du baromètre à la mesure des hauteurs, celle de M. d'Aubuisson paraît mériter une attention particulière , par son extrême commodité, qui égale sa briéveté, ainsi que par la concordance de ses résultats avec ceux des formules les plus complètes. On peut l'appliquer sur le baromètre même; et y adapter avec facilité une courte indication qui en facilite l'usage. Nous ajouterons que la pratique n'a plus rien à désirer après les fruits des recherches de M. Pictet.

(y) On sait que Pascal est l'inventeur de la Brouette dite Vinaigrette, ou Chaise roulante, traînée à bras d'homme; et du Hacquet, ou Charrette à longs brancards, simple et adroite combinaison des puissances fondamentales de la Mécanique, qui est d'un si grand usage' et qui offre une si grande facilité pour la charge et le transport des plus pesans fardeaux. Enfin, on attribue à Pascal l'invention d'une Presse hydraulique, qui a été reproduite en Angleterre, où elle a reçu un prix comme découverte nouvelle.

On montrait encore, en 1805, sur les ruines de Port-Royaldes-Champs, le Puits de Pascal, où l'on prétend qu'un enfant de douze ans pouvait élever plus de 270 livres d'eau avec la Machine de Pascal.

des

(z) Il y a un grand exemple du danger de l'esprit de système dans la recherche de la vérité. Descartes ne s'est pas seulement égaré dans les régions incertaines de la Métaphysique et dans sa Cosmogonie; il a encore erré dans les sciences exactes même. Ne portant dans la Mécanique que les principes abstraits d'une Métaphysique absolue, il s'y perd dès les premiers pas. Il établit d'abord pour fondement de la théorie du choc, lois que contredisent les faits. Le principe de l'immutabilité divine l'entraîne, sur la conservation de la quantité de mouvement, dans un paralogisme d'où dépendent ensuite toutes les erreurs qu'il commet à cet égard. La source primitive de ces écarts est dans les soins que prend cet illustre philosophe de faire cadrer les lois du mouvement avec la base de tout son système cosmologique. Ce mémorable exemple des erreurs d'un grand homme est bien propre à démontrer toute la force de l'influence que l'esprit de système exeroe sur les meilleurs

génies, et à faire voir que tout philosophe qui cherche la vérité, préoccupé d'un système quelconque, outre qu'il a sur les yeux un voile qui doit la lui dérober, ne manquera jamais de faire tous ses efforts pour plier les faits à ses vues et les faire rentrer bien ou mal dans ses hypothèses.

FIN DES NOTES DE LA PREMIÈRE PARTIE.

NOTES DE LA SECONDE PARTIE.

(a) Pascal étant, selon l'opinion commune, le premier auteur en prose qui ait pressenti le véritable génie de la Langue française, et le créateur du premier modèle généralement avoué, j'ai pensé que l'on me pardonnerait la courte exposition qui suit, des principales révolutions que la Langue a subies avant le siècle de Louis XIV; tableau sommaire qui, je le sais, n'apprendra rien au lecteur, mais qui pourra contribuer à mieux marquer la place des écrits de Pascal dans l'histoire d'une langue qu'ils ont fixée, et à faire apprécier avec plus de justesse le caractère qui les distingue. Si ce rapide aperçu a jamais été convenable, il me paraît que c'est en particulier dans cette circonstance.

Lorsque la Langue française était encore voisine de son origine, elle participait de la nature des idiômes dont elle se formait peu à peu; elle montrait à découvert ses traits de famille. N'ayant point encore de règles propres, elle mettait sans gêne à contribution les formes des langues d'où elle tirait principalement son vocabulaire ; de-là sa facilité, son abondance et ses ressources elle déclinait tous ses participes, elle employait ou supprimait à son gré les articles; elle variait ses constructions, elle choisissait ses locutions à volonté, elle s'appropriait tous les mots à sa convenance. Mais bientôt devenue jalouse d'avoir un nom et une existence reconnue, elle se prescrivit une syntaxe particulière. Après avoir enrichi son dictionnaire de matériaux recueillis de part et d'autre, et pourvu rigoureusement à ses besoins, elle mit sagement des bornes à ses emprunts, qui, poussés trop loin, n'eussent été propres qu'à la défigurer, à la priver de toute physionomie, à lui ôter, par une verbeuse fécondité, ce caractère de justesse et de précision qu'elle semblait vouloir atteindre comme le

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terme convenable à son génie. Elle a regardé les grands écrivains dont les chefs-d'oeuvre justement admirés ont porté sa connaissance et son usage dans toutes les parties de l'Europe, comme des législateurs respectables dont l'autorité devait être sacrée elle a puisé dans leurs écrits ces formes sévères et ces règles dictées par le goût, dont elle a composé son code; et elle a frappé d'une juste réprobation les téméraires ou les insensés qui tenteraient dans l'avenir d'introduire un autre langage. Et en effet, la langue de Pascal, de Bossuet Buffon et de J. J. Rousseau, de Corneille, de Boileau, de Racine et de Voltaire, doit suffire à de véritables Français; puissent-ils être assez jaloux de la langue de ces grands hommes, pour ne jamais abandonner de tels modèles, à la place desquels ils n'auraient rien à mettre!

de

Le français, né par degrés du mélange naturel de la langue des anciens habitans des Gaules et de celles des Latins, des Germains et des peuples du nord qui s'y étaient répandues ne prit une forme un peu déterminée que vers le onzième siècle; il conservait sur-tout la couleur de cet idiôme barbare, déplorable reste de la noble langue des Romains, qui était devenue, si je puis m'exprimer ainsi, la langue officielle et la seule admise dans les actes publics. Des débris d'antique tradition dans quelques provinces méridionales, et l'étude des sciences que l'on tenait immédiatement des auteurs grecs, introduisirent dans la langue usuelle d'assez nombreux élémens tirés de celle d'Aristote et d'Hippocrate. Les invasions des Sarrazins, les guerres avec l'Espagne, et plus tard le séjour des Maures chassés de la presqu'ile et accueillis en France par le grand Henri, y laissèrent quelques traces des langues arabe et espagnole. Les expéditions des Rois de France en Italie, et les relations de cette Cour avec celle de Florence, avaient fait adopter d'autres élémens étrangers, puisés dans le langage déjà poli des Italiens, à des époques où le Dante, Pétrarque, Boccace et l'Arioste avaient successivement créé et perfectionné la plus mélodieuse et la plus riche des langues modernes.

François 1er accéléra sur-tout les progrès du français, en abolissant l'usage de la langue latine dans les chartes et les actes des tribunaux. Sous le règne de ce Prince aimable et jovial, qui méritait d'avoir pour son poète le facétieux et élégant Marot, le ton de la Cour et de la nation, tourné à la plaisanterie, imprima à la langue ce caractère de badinage qu'elle conserva plus d'un siècle, et qui, dégénérant si souvent en burlesque et tombant jusque dans le trivial et le bas, en exclut si long-temps la noblesse et la dignité.

Amyot parvint à lui donner quelque sérieux, en l'appliquant

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à l'histoire et à la morale des anciens; l'heureuse ingénuité de son style et de ses expressions lui tint lieu des véritables ressources que la langue lui refusait pour un ton trop nouveau pour elle. Il eut le singulier mérite d'écrire mieux français que ceux qui devaient venir immédiatement après lui. Car, sans nous arrêter au chef de cette risible Pléïade française, à Ronsard, que Boileau a signalé d'un trait de son pinceau, nous pouvons observer que Montaigne, qui apporta, il faut en' convenir, dans la langue française, un naturel, une abondance et une énergie inconnues avant lui; Montaigne, qui avait, pour ainsi dire, sucé le latin avec le lait, pour qui la langue des Romains était la langue maternelle, et qui passait d'ailleurs la plus grande partie de sa vie dans le commerce des anciens; nous pouvons, dis-je, observer que Montaigne dut nécessairement répandre sur sa diction une teinte particulière, et faire, en quelque façon, rétrograder la langue française vers l'une de ses premières sources. Mais, s'il en retarda le génie, combien n'en augmenta-t-il pas la puissance et les richesses, et quelle admirable fécondité ne prit-elle pas sous sa plume originale et facile !

Malherbe opéra une autre réforme, en créant l'harmonie et élevant déjà quelquefois sa poésie à une décence, à une gravité dont la langue française paraissait tout-à-fait incapable; il commença à l'épurer et à montrer l'heureux effet d'un choix judicieux dans l'emploi des mots.

On vit ensuite Balzac et Voiture faire les premiers efforts pour élever la prose, du ton naïf, bouffon où commun, qui lui restait, à une expression plus grave et plus soutenue. Mais la langue ne recueillit pas sur-le-champ tout le fruit que cette innovation salutaire devait produire dans l'avenir; elle perdit alors ses grâces naturelles, son aimable et fertile licence, ses formes libres et ingénues, et n'eut rien d'abord pour remplacer tant d'avantages. Elle n'avait encore acquis aucune de ces heureuses qualités qui devaient en faire le langage de la raison, de l'éloquence noble et mesurée, de la philosophie et de la discussion; l'interprète de la politesse, de la finesse, de l'esprit le plus délicat, et, si l'on veut, de la plus aimable légèreté. A ses charmes antiques et gracieux, succédèrent un style ampoulé et péniblement spirituel, des grâces étudiées dans les constructions, de la roideur dans les mouvemens, des atours ajustés avec effort, un apprêt toujours visible, des recherches convenues et non déguisées, semblables, si l'on me permet cette comparaison, à ces couleurs empruntées dont on se compose ouvertement un teint factice, comme article reçu dans une parure de cérémonie.

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