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Dans les conversations, combien n'entendrez-vous pas de maximes mondaines, présentées comme une règle de conduite, qui tournent en dérision cette sévérité de principes inséparable d'une vertu pure et délicate! Elles sont en opposition avec l'Evangile, peut-être même avec l'honnêteté naturelle; elles ne soutiendraient pas le plus léger examen de la raison; mais elles sont reçues, elles font autorité.

On ne blasphème plus les vérités de la religion, je l'avoue; mais, ce qui n'est guère moins dangereux, on les discute; on admet l'une, on rejette l'autre, comme si, marquées du même sceau, elles n'étaient pas inséparables. On se permet de modifier les préceptes, de les juger, de choisir ceux qui plaisent davantage. La raison de l'homme, ô folie! ose citer à son tribunal la raison souveraine: on raisonne, on critique, tandis qu'il faudrait se soumettre et adorer. Ainsi la foi s'affaiblit, elle perd sa docilité, sa simplicité; on ne croit plus sans réserve, on ne croit plus avec abandon, et dès lors tout est perdu; car, dès que la foi n'est plus entière, elle ne sert presque à rien; elle peut encore exciter le remords, mais elle ne saurait le prévenir; ce n'est plus qu'une croyance vague et confuse, trop faible contre les choses de la terre, sans fruit pour le bonheur et la vertu; elle perd le pouvoir de nous consoler et celui d'obtenir des sacrifices; elle ne nous affranchit plus d'aucune peine, et ne nous sauve plus d'aucun péril. Voilà comment les nuages élevés dans l'esprit laissent le cœur sans flambeau, sans guide, en proie à tous les dangers.

Qu'ils sont nombreux et terribles ces dangers dans un monde où tous les objets ont prise sur votre âme, et où, pour être heureuses, pour être fidèles, vous ne devez rien aimer qu'autant que Dieu vous le permet! Passions du siècle d'autant plus à craindre qu'elles trouveront des intelligences au dedans de vous.

Je ne parlerai point de cet amour excessif des biens périssables, qui n'est guère le défaut de la jeunesse, ni de

ces égarements dont la peinture ne convient pas à votre innocence. Laissons ces deux fléaux qui désolent la société humaine; ne parlons que des penchants naturels à votre sexe, à votre âge, et dont plusieurs d'entre vous sans doute ont déjà senti l'empire: la vanité, l'amour du plaisir, la dissipation. Je ne les sépare point, parce qu'ils sont presque toujours unis. La vanité, pour jouir, a besoin des regards; elle a besoin d'exciter l'admiration et même l'envie; elle s'allie à l'amour du plaisir; toutes deux conduisent à la dissipation.

Il n'est pas aisé de vous en défendre; le désir de plaire est naturel à votre sexe; il entre peut-être dans sa destination, et il se change si vite en celui de briller! Tout ce qui présente l'apparence du plaisir enflamme votre imagination vive et mobile qui s'en exagère l'attrait. Quelle force d'âme et de raison ne faut-il pas chez une jeune personne pour choisir le rôle obscur d'une simplicité modeste, et préférer le tribut calme et silencieux de l'estime au bruit des applaudissements, à cet enthousiasme puéril, mais enivrant, qu'excitent des avantages frivoles ! Qu'il lui est difficile de se persuader que prétendre à l'estime est la seule ambition qui lui soit permise, et que ses fruits moins éclatants et plus tardifs sont les plus durables et les plus beaux ! Qu'il est difficile, quand les désirs se portent impétueusement vers tout ce qui promet des sensations nouvelles, de préférer au bruit, au mouvement des fêtes, le cercle monotone des devoirs journaliers! Cependant, si elle ne sait pas faire ce choix et donner cette préférence; si elle se laisse aller à la vanité, à l'amour du plaisir, à la dissipation, quel en sera l'effet, je ne dis pas pour le repos, pour le bonheur, mais pour la vertu, pour la piété ? C'est tout ce que j'envisage ici.

Hélas! dans quel abîme la vanité ne conduit-elle pas les infortunées que l'indigence expose à la séduction! Ce serait peu de dire qu'elles perdent le goût de l'ordre, du travail, des devoirs domestiques, de toutes ces habitudes sa

lutaires qui devaient les protéger, honorer leur humble condition. Insensées! en portant l'enseigne de la vanité, elles-mêmes trahissent leur faible aux yeux de celui qui veut les perdre; elles-mêmes indiquent l'amorce dont il peut user avec succès.

Où l'amour de la louange ne pourrait-il pas mener aussi celles même qui semblent placées plus heureusement? Elles deviendront du moins de vaines idoles, simulacres ridicules, esclaves misérables de la mode et de l'élégance. Ce sont elles qui offriront un jour à la patrie l'exemple funeste du luxe, et, par un enchaînement fatal, porteront la gêne, la détresse dans toutes les classes, avides à se régler les unes sur les autres. Ce sont elles qui introduiront ces usages ruineux, propageront les premières ces modes indécentes, si révoltantes chez les femmes qui semblent alors quitter leur place, étouffer cet instinct de pudeur dont les arma la Providence, et contrarier la nature même. Ce sont elles qui amèneront l'oubli des coutumes de nos pères et précipiteront le déclin des mœurs.

Non, il n'est point de vice, point de travers où ne puissent conduire ces penchants qui semblent n'offrir rien d'odieux, et paraissent au grand nombre de légers défauts. Ils corrompent le jugement, empoisonnent le cœur et perdent doublement ceux qu'ils dominent. On ne prise dans les choses que l'apparence; on ne cherche dans les liaisons que l'éclat ; on met au second rang, au dernier peut-être, le mérite et la vertu; les succès les plus chétifs sont le grand but qu'on se propose; on s'applaudit sottement de fixer les yeux; on croit faire naître l'admiration tandis qu'on provoque la censure; le cœur se resserre et s'éteint, à mesure que l'esprit se rétrécit et s'égare; la jalousie fait sentir ses honteux mouvements. Pour qui veut tout effacer, il n'est que des rivaux et point d'amis; la main se ferme aux malheureux, car les besoins de la vanité ne laissent rien à donner; on consume dans les plaisirs le temps précieux fait pour acquérir des lumières et surtout des

vertus; les égards les plus sacrés ne retiennent point, car les affections les plus saintes parlent faiblement dans une âme que possède la fureur des amusements. La jeune fille compte pour peu, au milieu des fêtes, les veilles, l'attente, le dérangement de ses parents. Elle quitte peut-être, pour y voler, le chevet d'un père malade; un jour elle abandonnera le berceau de ses enfants. Ainsi la vie qui devait se composer de bonnes œuvres et de devoirs remplis n'est plus tissue que de soins méprisables et d'événements frivoles.

Mais le plus terrible effet de ces passions, c'est qu'elles nous séparent de Dieu. Elles nous en séparent, soit parce qu'elles remplissent notre âme et n'y laissent plus de place, soit parce qu'elles l'engourdissent, la relâchent, la matérialisent. Ainsi dégradée, cette âme n'est plus capable de rien de noble et de grand, elle ne peut plus rien sentir que les chétifs intérêts qui l'occupent; plus de moments pour la réflexion; le cœur et l'esprit sont comme l'onde agitée qui ne peut retracer aucune image; la conscience sans cesse étourdie garde le silence; les objets de la foi sont voilés: on vit au hasard sans se connaître soi-même; et, dans les moments rares et courts qu'on donne à Dieu par bienséance, le monde absorbe encore nos sentiments et nos pensées; il possède encore notre imagination; ses fantômes voltigent devant nos yeux dans le sanctuaire; les exercices de la piété, sans profit pour nous, deviennent pour le Seigneur un outrage de plus.

Si ces passions ne conduisent pas toujours jusque-là, toujours au moins produisent-elles un effet proportionné à l'empire qu'elles exercent. Non, elles ne s'introduisent jamais en vain dans une âme ; et, quand elles ne la tuent pas, elles la rendent malade et languissante. Le monde, cet enchanteur, les excite et les réveille en nous, soit par l'effet de cette contagion qu'elles portent avec elles, et de cet instinct d'imitation si fort sur les hommes, surtout dans la jeunesse, soit par les couleurs éblouissantes et trompeuses dont les mondains parent leurs jouissances et

l'encens qu'ils prodiguent à ce qui n'est que vanité. Hélas! il suffit quelquefois de peu d'instants passés sur cette scène d'illusions, pour que le fidèle ne se retrouve plus lui-même et sente se relâcher ses résolutions. Comment ne seraitelle pas à craindre pour vous, catéchumènes, pour vous si faibles encore et sans expérience? Cependant ne perdez point courage; ces périls, je l'avoue, sont inséparables de la vie humaine : j'ai dû vous les faire connaître pour vous préserver de la sécurité qui les rend plus terribles, pour vous faire comprendre quels soins, quelle vigilance vous devez leur opposer; mais, je le répète, ne perdez point courage. Si ces dangers sont inévitables, cela même, en un sens, doit ranimer vos espérances, puisqu'en vous plaçant sur la terre le Seigneur a voulu que vous y fussiez exposées. C'est Dieu qui vous envoie; armez-vous, comme les disciples, de cette grande pensée. C'est Dieu qui vous envoie ; il ne vous laissera point sans secours. Il vous en a préparés partout à côté des périls; il vous en a préparés en vous-mêmes, dans la société, dans l'intérieur de vos familles, surtout auprès de lui, dans la religion.

Soutenez ici votre attention, et toi, grand Dieu ! daigne imprimer pour toujours dans leur âme les vérités, les conseils que je vais leur offrir. Ouvre leurs yeux, te dirai-je avec un prophète, afin qu'elles voient tout ce que tu as fait pour les protéger et les défendre, afin que leur cœur se rassure et se fortifie (1).

II. 1° J'ai dit que Dieu vous a préparé des secours en vous-même. Oui; ce même caractère, qui chez vous donne prise aux tentations, en donne plus encore à la vertu. La pudeur, l'ingénuité, aimable gardienne de l'innocence, le goût des bienséances, la crainte du blâme, le désir de l'estime, la délicatesse craintive de la conscience, l'amour de ce qui est pur, de ce qui est honnête, un sentiment vif et prompt du beau moral, voilà les traits qui vous distinguent. Ah! conservez ces restes précieux de la droiture origi

(1) 2 Rois VI, 17.

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