Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

SERMON XXVII.

LA PATIENCE PARFAITE: SA NATURE.

Jer SERMON SUR JACQUES I, 4:

Il faut que l'ouvrage de la patience soit parfait, afin que vous soyez parfaits et qu'il ne vous manque rien.

Quel étonnant langage! Est-ce bien à l'homme qu'il s'adresse? est-ce à un être faible, changeant, imparfait; estce bien à lui qu'on demande des vertus parfaites et accomplies? Oui, mes frères; mais aussi celui qui les demande est le seul Maître qui puisse donner la force et le moyen de les acquérir. C'est ce Dieu saint et miséricordieux à la fois, qui, prenant l'homme dans son état le plus profond de fragilité, d'impuissance, de corruption, de misère, et, quelque souillé qu'il soit, ne le jugeant pas indigne de ses soins et de ses regards, peut sans rigueur et sans injustice, peut sans décourager sa faible créature lui proposer la perfection pour but, parce qu'il a le pouvoir de l'y conduire. C'est ce Dieu enfin qui, par la bouche de son Fils bien-aimé, a fait entendre aux mortels ce langage sublime : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (1). C'est lui qui veut nous former dans ce jour à la plus touchante des vertus.

Ce sujet n'est pas moins vaste qu'important. Dans un premier discours nous examinerons avec vous la nature et les avantages de la patience chrétienne; dans un second, s'il plaît au Seigneur, nous indiquerons les moyens d'y parvenir; nous verrons comment la religion de notre divin Sauveur la produit dans notre âme. Accordez-nous une attention favorable, et Dieu veuille ouvrir lui-même vos cœurs à sa parole! Amen.

(1) Matt. V, 48.

I. S'il est une vertu nécessaire à l'homme, une vertu parfaitement en harmonie avec sa situation ici-bas, c'est sans doute la patience. Entouré de mystères, de difficultés de tout genre; tourmenté par ses désirs; pressé d'inquiétudes; assujetti aux besoins, aux travaux; associé à des êtres imparfaits dont il doit souffrir les défauts, les manquements, les injustices; trouvant dans son propre cœur des contrariétés, des résistances, il a besoin de patience pour attendre, pour souffrir, pour réussir; il en a besoin pour supporter les obscurités qui l'environnent, pour supporter les autres, pour se supporter lui-même.

La patience est tellement la vertu de l'homme, que tous les esprits sont d'accord sur sa nécessité. Les médecins du corps la demandent à leurs malades; les maîtres des sciences terrestres et des arts frivoles la veulent trouver chez leurs disciples; la sagesse humaine l'enseigne, la politique mondaine l'exige; la simple raison en impose la loi; elle entre dans tous les systèmes, elle est prêchée par tous les docteurs. La religion la recommande aussi; mais c'est une vertu d'un autre ordre, une vertu vraiment digne du Dieu qui la prescrit. Vous l'avez entendu; c'est une patience parfaite. Le monde ne la connaît point. Tous ceux qui invoquent le nom de Jésus en ont quelque notion plus ou moins étendue avec les vérités de la foi, le germe en fut déposé dans leur âme ; mais il est rare de s'en faire une assez vaste, une assez juste idée. Hélas! nous nous croyons fort avancés dans la patience parce que le peu que nous en pratiquons coûte beaucoup à nos passions ou à notre humeur. Ce que nous appelons patience n'est d'ordinaire qu'une impatience contenue en certaines limites. Élevons-nous plus haut; considérons la patience chrétienne en elle-même, considérons-la sous ses véritables traits; essayons d'en retracer le noble et touchant caractère. Elle est supérieure à la patience humaine sous trois rapports principaux : par son étendue, par sa constance ou sa durée, enfin par sa pureté.

1o J'ai dit par son étendue. Elle reçoit avec douceur tous les maux de la vie, de quelque nature qu'ils soient, de quelque part qu'ils viennent. Voilà, mes frères, où pèchent la plupart de ceux qui se croient patients; voilà où la patience humaine se trahit et se trouve en défaut. Les uns supportent les contrariétés qui viennent de la nature, mais ils ne savent pas attendre la Providence ni souffrir les maux qui tiennent à la malignité des hommes; ils s'irritent, et en font même vanité, ils s'irritent de l'impunité du méchant, du triomphe de la fraude et de l'injustice. D'autres se résignent à quelque perte de fortune, mais un trait d'ingratitude les aigrit; une calomnie, une simple mortification d'amour-propre les blesse profondément. Cette personne montre de la force dans les douleurs du corps; mais elle est sans défense contre les blessures du cœur, et s'applaudit de cette sensibilité. Celle-là paraît indulgente pour les faiblesses et même pour les vices des hommes en général ; mais elle ne peut s'accoutumer à certains défauts d'humeur, à certains travers chez ceux qui l'entourent. Une autre demeure calme dans les maux présents, les maux réels, et ne sait point résister aux inquiétudes de l'avenir, aux peines de l'imagination. Celui-ci supporte avec sang-froid des peines légères, mais il est terrassé par de véritables revers. Un autre rassemble en de grandes occasions toutes les forces de son âme, et se laisse inquiéter et surprendre par de petites contrariétés. En un mot, il y a toujours dans notre patience quelque exception, quelque réserve; nous avons toujours quelque partie sensible à laquelle on ne saurait toucher sans nous faire jeter des cris.

Tellen'est point la patience chrétienne: comme les grands motifs qui l'inspirent s'appliquent à toutes les circonstances, elle demeure toujours la même ; elle n'a point de côté faible, elle ne connaît point d'exception. Obscurités dans le gouvernement du monde, maux publics et particuliers, malice des hommes, contradictions, faux jugements, revers, maladies, inquiétudes d'esprit, peines de l'âme, elle

reçoit tout, elle accepte tout; du moins elle s'efforce de tout accepter. Si la faiblesse de l'homme se fait sentir, s'il est des occasions où la patience a plus de peine à s'exercer, la volonté du moins demeure toujours fidèle ; elle veille avec plus de soin et commande avec plus d'empire quand la nature au dedans est prête à se révolter.

2o La patience chrétienne est supérieure à toute autre encore par sa constance et sa durée. La patience humaine est inégale, inconstante; elle tend à se relâcher et ne saurait fournir une longue carrière; elle dépend de la disposition du corps et de l'esprit, des tableaux riants ou sombres que trace l'imagination. Il est des jours d'heureuse insouciance où l'on ne sent point ses peines, des jours de force où l'on se croit capable de tout supporter; il en est d'agitation, d'angoisse, où l'on s'abandonne à l'inquiétude, au murmure; d'abattement, où l'on retombe sur soi-même, où l'on ne trouve de consolation qu'à s'affliger sans contrainte. Dans les premiers moments de contrariété, dans les premiers jours d'une maladie, on s'arme de constance; on se fortifie par la pensée que cela ne peut durer longtemps; on appelle patience l'espoir qui nous soutient et nous console; mais si le mal se prolonge, s'il redouble, ou seulement s'il demeure le même; si l'horizon ne s'éclaircit point; si quelques rayons de bonheur et d'espérance ne percent point le nuage lugubre étendu sur notre tête, oh! alors notre âme se trouble, se flétrit; la pensée d'une longue infortune ne nous laisse plus de force pour y résister; l'édifice humain s'écroule; notre patience superficielle et factice s'évanouit; au plus brillant courage succède l'abattement le plus profond.

Il n'en est point ainsi de la patience chrétienne. Supérieure aux variations de la nature, elle peut les avoir à combattre, mais elle n'en est point surmontée : la source d'où elle coule ne tarit jamais; elle ne se montre aussi jamais épuisée. Je dis plus : à mesure que tombent les appuis humains, le chrétien s'attache plus fortement à CELUI qui

seul peut le soutenir. Son âme s'ennoblit quand sa situation s'aggrave; sa patience prend de nouvelles forces à mesure que son malheur devient plus cruel : elle brille d'un éclat plus radieux à mesure qu'elle est plus exercée; elle prend surtout un caractère céleste en approchant de ce période solennel au delà duquel il n'y aura plus d'infortune pour le juste.

Ainsi, comme la patience chrétienne embrasse tous les maux, elle s'applique à tous les temps. Mais ce n'est pas seulement par son étendue et sa durée qu'elle se distingue de toute autre et qu'elle accomplit son œuvre; c'est aussi par la pureté, la grandeur de ses motifs.

3o En effet, chrétiens, si ce n'est point la religion qui soutient l'homme dans les peines, à quoi tient sa tranquillité? au calme de son tempérament, à la force de sa raison. Sa patience est une patience naturelle ou une patience philosophique. Dans le premier cas elle est toujours fragile, insuffisante; vous l'avez vu. Je l'avouerai pourtant, c'est une heureuse disposition qui doit plaire et dont on peut se féliciter; mais elle n'excite point l'admiration : elle est bonheur plutôt que vertu. Dans le second, l'effort que l'homme fait sur lui-même, la contrainte qu'il s'impose a pour motif l'orgueil, la vaine gloire, tout au moins des considérations terrestres et personnelles. On ne veut point se montrer faible, exciter le mépris, recevoir des avis, des exhortations qui nous humilient; on ne veut point aigrir, fatiguer, éloigner ceux qui nous servent et soulagent nos maux. Quand cette patience forcée ne trahirait point l'effort qu'elle fait par la sécheresse, par l'humeur mal déguisée qui l'accompagnent; quand elle ne serait pas une dissimulation et presque une imposture, je ne vois en elle qu'un amour-propre bien entendu, une combinaison sage et raisonnable, si vous voulez; mais elle n'a rien qui me touche et m'attendrisse, rien qui me paraisse grand et supérieur. La patience religieuse, au contraire, est encore plus belle au dedans qu'au dehors, si je puis parler ainsi à l'extérieur elle offre un charme

« ZurückWeiter »