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vrance pour eux-mêmes, et, s'il faut en croire Monstrelet, ils renouvelèrent le serment de résister jusqu'à la mort au roi Charles, qui les voulait, disaient-ils, tous détruire (1). » Cette animosité et ces terreurs presque unanimes des habitants de Paris furent certainement au nombre des causes qui déterminèrent l'attitude de l'Université. Ses instances réitérées, ses lettres, ses démarches pour décider le duc dé Bourgogne et le roi d'Angleterre à faire juger la Pucelle furent l'écho des malédictions que proférait contre l'héroïque jeune fille une foule prévenue et inquiète pour sa propre sécurité.

Lorsque le procès qu'elle avait sollicité avec un zèle aussi bruyant qu'intempestif eut été engagé, l'Université figura dans le tribunal en la personne de quatre de ses anciens recteurs, Denis de Sabevrois, Guillaume Evrard, Pierre Maurice et Thomas de Courcelles, auxquels furent adjoints plusieurs maîtres ès-arts, plusieurs docteurs en théologie ou en décret, entre autres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Girard Fueillet, Jean de la Fontaine, Nicole Midi, Jean Basset. On possède encore l'état des indemnités qui furent, par l'ordre de Henri VI, payées à la plupart d'entre eux pour leur participation au procès, à raison de vingt sous tournois par jour (2).

(1) Chronique de Monstrelet, t. IV, p.355 : « Yceulx Parisiens avoient une commune voulenté d'eulx défendre, sans y avoir division..... Et les dessus diz Parisiens plus que par avant se reconformèrent les ungs avec les autres, prometans que de tout leur puissance ils résisteroient jusques à la mort contre iceluy roy Charles qui les vouloit comme ils disoient, du tout détruire...

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(2) Voyez dans le Proces de Jeanne d'Arc, t. V, p. 497 et s., uu mandat de Thomas Blount, trésorier et gouverneur général des finances du roi en Normandie, adressé à Pierre Sureau, receveur général, pour qu'il ait à payer à maître Jehan Beaupère, Jacques de Thouraine, Nicole Midi, Pierre Morice, Girard Fueillet, docteurs, et à Thomas de Courcelles, bachelier formé en théologie, la somme de vingt sous tournois chacun, par chaque jour qu'ils affirmeront avoir vaqué au procès de Jeanne d'Arc. Donné à Rouen, le 1er mars 1430. Quittance de cette somme, le 4 mars 1430. Lettres du roi d'An

Deux des juges désignés, Jean Tiphaine, docteur en médecine, et Guillaume de la Chambre, licencié de la même Faculté, s'étaient d'abord récusés, en prétextant leur profession qui les rendait inhabiles à donner un avis en pareille matière; mais, nonobstant leurs scrupules, ils se virent contraints de siéger (1). Parmi les plus acharnés contre Jeanne d'Arc, il faut citer Thomas de Courcelles, qui opina pour qu'elle fût soumise à la torture (2), et Nicole Midi, soupçonné d'avoir réduit le procès aux douze assertions qui devaient servir à perdre l'accusée (3). Me Jean Basset, au contraire, inclinait à l'indulgence; il hésitait à se prononcer sur le caractère des visions que Jeanne d'Arc s'était attribuées; il ne les regardait pas nécessairement comme l'œuvre du malin esprit ; il admettait qu'elles pouvaient venir de Dieu sans néanmoins l'affirmer, et se contentait de blàmer ce qui, dans la conduite de la Pucelle, lui paraissait choquer les bonnes mœurs et s'écarter de la soumission due à l'Eglise catholique (4). Son opinion se rapprochait à quelques égards du sentiment exprimé par Gerson, bien qu'il se montrât, sous d'autres rapports, beaucoup moins favorable à Jeanne d'Arc que le pieux chancelier.

Quand l'instruction du procès fut achevée, Jean Beaupère,

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gleterre accordant à Jean Beaupère, docteur en théologie, une gratification de trente livres tournois en sus de ses journées de présence au procès de Jeanne d'Arc. Le 2 avril 1431. - Nouveau paiement de six vingt livres tournois, fait par le receveur général des finances de Normandie aux maîtres en théologie de l'Université de Paris, qui avaient vaqué au procès de Jeanne d'Arc. Le 9 avril 1434.

(1) Procés de Jeanne d'Arc, t. I, p. 196; t. III, p. 47 et 50.

(2) Ibid., t. I, p. 403 : « Magister Thomas de Courcellis dixit quod sibi videtur bonum esse eam ponere [in torturis].

»

(3) Déposition de Thomas de Courcelles dans le procès de réhabilitation. Procés de Jeanne d'Arc, t. III, p. 60: « Fuerunt facti et extracti certi articuli, numero duodecim..., ut sibi videtur ex verisimilibus conjecturis, per defunctum magistrum Nicolaum Midi.

(4) Procés, t. I, p. 342 et s.

Jacques de Touraine, Girard Fueillet et Nicole Midi furent députés à Paris pour communiquer les pièces à l'Université; ils recurent même pour cette mission, s'il est permis de consigner ici ce détail, une indemnité de cent livres chacun (1). L'Université ayant renvoyé l'examen de l'affaire à la Faculté de théologie et à Faculté de décret, ces deux compagnies, au bout de quelques jours, firent connaître leur avis par l'organe de leurs doyens, dans une assemblée générale des quatre Facultés qui se tint aux Mathurins, sous la présidence du recteur Pierre Gonda, le 19 avril 1431 (2). Cet avis, comme on ne pouvait que trop s'y attendre, était sur tous les points d'une rigueur impitoyable contre Jeanne d'Arc. On la déclarait convaincue de mensonge, de superstition, de blasphème, d'apostasie, de trahison, de fourberie, de cruauté, d'orgueil, de révolte, etc. Après en avoir délibéré, l'Université vota ces conclusions farouches, que le recteur fut chargé de transmettre au tribunal ecclésiastique, séant à Rouen. Le prestige que conservait l'Ecole de Paris. donnait à son jugement une autorité presque irrécusable. Les ennemis de Jeanne d'Arc ne man、 quèrent pas de faire valoir qu'elle avait contre elle les plus notables docteurs de la plus, célèbre école qui fût au monde. On nous dispensera de retracer les derniers incidents de ce simulacre de procès. Condamnée une première fois pour ses méfaits prétendus à la prison perpétuelle, à l'eau d'angoisse et au pain de douleur, Jeanne d'Arc, peu de jours après, pour avoir repris des habits d'homme, était condamnée de nouveau comme relapse, et abandonnée au bras séculier. Le même jour, qui était le 30 mai 1434, elle expirait dans les flammes

(1) Lettres du roi d'Angleterre accordant une indemnité de cent livres tournois à maître Jehan Beaupère, Jacques de Thouraine, Nicole. Midi et Girard Fueillet, envoyés à Paris pour soumettre les pièces du procès de Jeanne d'Arc à l'Université. Donné à Rouen, le 24 avril 4431. Procés de Jeanne d'Arc, t. V, p. 203.

(2) Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 395 et s.; Procès de Jeanne d'Arc, t, I, p. 411 el s.

d'un bûcher, après avoir en à subir, à ses derniers moments, les exhortations d'un théologien de l'Université de Paris, de ce Nicole Midi, son persécuteur implacable (1).

Le rôle que l'Université de Paris a joué dans le procès de Jeanne d'Arc, la part qu'elle a eue à sa condamnation, ont pesé longtemps sur elle, comme un reproche que l'histoire était en droit de lui faire, et que ses ennemis ne lui ont point épargné. Deux siècles s'étaient écoulés depuis le tragique événement; et sur la fin du règne de Louis XIII, dans le feu des constestations ardentes qui venaient de se renouveler entre l'Ecole de Paris et la compagnie de Jésus, celle-ci disait, en parlant de sa rivale :

« N'ont-ils pas conspiré contre la Pucelle d'Orléans, envoyée de Dieu miraculeusement pour le salut du royaume très-chrestien, et dans une assemblée générale des Mathurins fait lettre au roy d'Angleterre, Henri VI, pour le supplier, avec toutes les instances possibles, de la faire punir?... Ne l'ont-ils pas condamnée, cette saincte vierge, après de longues consultations, et déclarée sorcière, invoquant les diables, idolâtre, schismatique et hérétique? Et les juges qui lui firent ensuite son procez, ne disent-ils pas dans cette inique et cruelle sentence portée contre son innocence, son honneur et sa vie, qu'ils en ont usé ainsi ayant esgard et respect aux délibérations des maistres des Facultez de théologie et décret en l'Université de Paris, voire et de tout le corps d'icelle Université (2)? »

Ces reproches amers étaient fondés, nous avons pu nous en convaincre; mais, pour être tout à fait juste, il aurait fallu ajouter que, par un revirement, facile à prévoir, de l'opinion publique, Jeanne d'Arc ayant disparu de la scène, l'Univer

(1) Procés de Jeanne d'Arc, t. I, p. 470: « Pro ejus (Joanne) salutari admonitione et populi ædificatione, fuit solemnis prædicatio per eximium theologiæ doctorem Nicolaum Midi... »

(2) Response au livre intitulé Apologie pour l'Université de Paris contre le discours d'un Jésuite, Paris, 1643, in-42, p. 96 et suiv.

sité qui avait poursuivi sa condamnation et pris parti jusque-là pour les Anglais, se sépara d'eux insensiblement, et, sans devenir tout à fait leur ennemie, contraria souvent leur politique. Elle fit encore bon accueil à Henri VI, quand, au mois de décembre 1431, le jeune roi vint à Paris se faire couronner dans l'église de Notre-Dame par les mains du cardinal de Winchester (1); elle sollicita peut-être, et en tout cas, elle reçut de lui avec reconnaissance une nouvelle confirmation de quelques-uns de ses priviléges (2). Mais un mois ne s'était pas écoulé, Henri VI érigeait l'Université de Caen pour l'étude du droit canonique et du droit civil (3): grave sujet de mécontentement, sinon de préjudice, pour les écoles de Paris. Il est vrai que Charles VII, à peu près à la même époque, fondait l'Université de Poitiers (4); mais il récompensait par là les populations qui s'étaient montrées le plus fidèles à sa cause, tandis que le roi d'Angleterre n'avait pas les mêmes motifs de créer une concurrence aux écoles de la ville où il était venu se faire couronner et qu'il pouvait appeler sa seconde capitale. Ce coup inattendu et immérité fut vivement ressenti par l'Université de Paris. Elle s'en plaignit avec amertume; elle représenta que la nouvelle fondation avait été faite contrairement aux clauses du traité de Troyes qui garantissaient les priviléges de l'Ecole de Paris; qu'elle ôterait à ces écoles tout moyen de se relever de leurs ruines; que d'ailleurs elle serait sans utilité, même pour la Normandie, qui, étant un pays de droit coutumier, n'avait nul besoin d'une Faculté de droit canonique ou de droit civil. Ces énergiques réclamations furent portées devant le parlement par M. Guillaume Evrard, que nous avons vu figurer au procès de Jeanne d'Arc; elles furent même adressées aux pères du

(1) Chronique de Monstrelet, t. V, p. 4 et suiv.

Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 469.

(3) Lettres patentes, datées de Rouen, du mois de janvier 4431, ce qui correspond pour nous au mois de janvier 1432. Ibid., p. 176. (4) Lettres patentes du 16 mars 1434. Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 844 et s.; Ordonn., t. XIII, p. 179.

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