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der; partout l'image de la désolation et de la misère: voilà le tableau que la France présentait en 1435, et que l'Université avait chargé ses envoyés de dérouler sous les yeux des puissants personnages réunis au congrès d'Arras (4). Pour mettre fin par une paix solide à de si épouvantables calamités, fallût-il abandonner une partie du territoire de la France à ceux que l'Université appelait encore, dans ses instructions, les adversaires du royaume, adversariis regni, c'est-à-dire aux partisans de Charles VII, elle y consentait; mais, gardienne toujours vigilante de ses priviléges, elle demandait une garantie en faveur des bénéficiers dont les bénéfices feraient partie du territoire abandonné. Elle déclarait d'ailleurs que, si la guerre devait con

(4) Index chronologicus, ibid. : « Sunt enim universe ecclesie manu sacrilega depredate, orbate presbiteris et populo; destructe et in ruinam irreparabiliter collapse; sacre reliquie et vasa sacra violenter asportata; ymo ipsum preciosissimum Christi corpus sepe infideli temeritate irreverenter tractatum, et viliter humi projectum, ad depredationem sacri vasis ad ejus custodiam ordinati. Sunt insuper homicidia innumera, eciam in sacris perpetrata edibus, templa succensa igni, et ad ea confugientes innocentes, qualibet spreta emunitate, absque offensa, inhumaniter trucidati, combusti, aut alias, absque pietate, gladio interempti. Neque vero describi possint tyrannides quibus indifferenter tam religiosi aut ecclesiastici quam scholares impie, immanibus et diversis tormentorum speciebus et penarum generibus sunt afflicti, adeo quod eciam infideles et pagani populum Christianum tanta morum crudelitate tractare vererentur, si eisdem tributum redderetur. Quante insuper mulieres violate, virgines deflorate, conjugia fedata sunt, pregnantes mulieres suffocate; partus et parvuli absque baptismo et sepe in utero matris periclitati sunt! Exprimi non possit preterea que edificiorum demolicio et ruina universa; patens est, et non est qui terras vel agros audeat excedere, neque per vias incedere, solum vite periculo; et, quod pejus est referre, omnium oculis innotuerunt fames, calamitas et miseria, quibus multitudo innumerabilis populi et privatorum hac occasione periit. Et ut multa brevi verbo dicantur in tantum mala excreverunt, quod nulla iniquitas et impietas super excogitari valeat. »

tinuer, il ne restait plus qu'une ressource pour les habitants du royaume, c'était de s'expatrier (1).

Le congrès d'Arras ne répondit pas entièrement aux espérances de l'Université de Paris: il ne rendit pas la paix à la France; mais il amena un rapprochement sincère et définitif entre Charles VII et le duc de Bourgogne, qui ne tarda pas à tourner ses forces contre les Anglais, si longtemps ses alliés. Les affaires prirent alors une face nouvelle et se précipitèrent vers le dénoûment que les exploits de Jeanne d'Arc avaient préparé. L'Université de Paris, qui était restée plus française au fond que quelques-uns de ses actes ne le feraient supposer, n'eut aucune peine à suivre l'essor imprimé par les événements aux idées nationales. Après la réduction de Paris au mois d'avril 1436, elle se hâta de témoigner la part qu'elle prenait à la joie publique, en ordonnant une procession solennelle qui eut lieu en l'église Sainte-Catherine du Val, et dans laquelle parurent environ quatre mille maîtres et écoliers, portant des cierges (2). En même temps elle désigna quelques-uns de ses membres pour se joindre à la députation qui allait porter à Charles VII les requêtes avec les hommages des gens d'église et des bourgeois de la ville (3). Ce qu'elle avait la certitude d'obtenir et que cependant elle sollicitait avec instance comme une faveur difficile, c'était la confirmation de ses priviléges. Charles VII promit « de lui en bailler des lettres en forme, ainsi qu'avoient fait d'ancienneté ses prédécesseurs. » Ces lettres, délivrées à Bourges au mois de mai, furent enregistrées au Châtelet de Paris, le 2 juin suivant; elles étaient conçues dans les termes les plus explicites et les plus favorables. « Désirans de tout nostre cœur,

(4) Ibid. « Aperiatur quomodo pondere guerrarum regnum istud in tantum est depressum, quod amplius guerram sustinere non possit; et ubi pax non interveniet, compellit necessitas regnicolas ad loca extranea transire et partes Franciæ relinquere desertas.

(2) Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 435; Félibien, Hist. de Paris, t. IV, p. 825; Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. II, p. 361. (3) Félibien, ibid., p. 826; t. V, p. 269.

disait le roi, voir de nostre temps nostre fille, première née, l'Université de l'estude de Paris, florir, fructifier, croistre et multiplier en comble et plantureuse abondance de vertus et tous biens, et estre souverainement exaucée et élevée par tous honneurs, graces et liberalitez; voulans toujours persévérer en nos faits, selon les vertueuses œuvres de nos prédécesseurs ..... tous et chacuns les priviléges, libertez et franchises par nosdits prédécesseurs donnez et octroyez à nostredite fille l'Université de l'estude de Paris et aux supposts d'icelle, ensemble les autres droits, coustumes, usaiges d'icelle nostre fille et de sesdits supposts,... Nous iceux ayans fermes et agréables, de nostre grace spéciale, pleine puissance et autorité royal, loüons, approuvons, certifions et confirmons par ces présentes (1). »

Malgré d'aussi forinelles assurances en faveur du maintien de ses priviléges, l'Université de Paris, dès l'année suivante, ne fut pas exemptée de l'emprunt, ou, pour mieux dire, de la contribution de guerre qui venait d'être imposée aux habitants de Paris pour la délivrance de la ville et du château de Montereau, encore aux mains des Anglais. En consentant d'assez bonne grâce à payer sa part de ce subside extraordinaire, elle obtint du moins de Charles VII la déclaration expresse que ce dangereux précédent ne serait pas invoqué contre elle et ne préjudicierait pas dans l'avenir à ses immunités (2).

Deux mois s'étaient écoulés depuis ces derniers incidents, lorsque Charles VII, s'étant décidé enfin à quitter ses fidèles provinces du centre du royaume, rentra dans Paris le 12 novembre 1437, après une absence qui avait duré près de vingt ans, et qui avait eu toutes les amertumes de l'exil le plus navrant. Au parvis Notre-Dame, il trouva le corps de l'Université qui était venu le complimenter (3). Par un caprice, du sort ou de l'élection, l'orateur qui devait porter la parole au nom des

(1) Recueil des priviléges de l'Université, p. 45; Ordonn. des rois de France, t. XIII, p. 219; Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 438, (2) Recueil des Priviléges, p. 95; Ordonn., t. XIII, p. 439. (3) Chronique de Monstrelet, t. V, p. 304.

quatre facultés était ce Nicole Midi que nous avons vu si acharné contre Jeanne d'Arc. Quelle attitude pouvait avoir devant Charles VII victorieux cet ancien adversaire, ce juge inique de la Pucelle? Selon l'usage, Nicole Midi avait reçu des instructions contenant la substance de l'allocution qu'il devait prononcer. Il eut donc à exprimer les élans de l'allégresse générale au retour d'un prince chez lequel resplendissaient, dit-il, toutes les qualités qui conviennent à un roi catholique, la pureté de la foi, la soumission à Dieu et à l'Eglise, l'amour de la justice, la clémence et la miséricorde. Il eut ensuite à retracer tout ce que l'Université avait souffert, alors que, pareille à une orpheline, elle était privée de son protecteur naturel. Enfin, après avoir dépeint les malheurs que la désunion entraîne et les bienfaits de la concorde, Nicole Midi déposa aux pieds de Charles VII les protestations de l'obéissance filiale et du dévouement de l'Ecole de Paris (1).

Ainsi fut scellée, après de longues et mutuelles épreuves, la réconciliation de l'Université de Paris et de la royauté des Valois. Cependant Charles VII, qui ne pardonna jamais à la ville de Paris de l'avoir expulsé et combattu, se souvint également, jusqu'à la fin de son règne, que l'Université avait méconnu ses droits, abandonné et trahi sa cause pour se donner aux Anglais. Il maintint, comme il l'avait promis, ses anciens priviléges, mais sans y ajouter de nouvelles faveurs. Il se garda d'étendre le rôle déjà si considérable de cette corporation, vénérée à juste titre, mais arrogante et présomptueuse, qui s'était mêlée un jour des affaires de l'Eglise et de celles de l'Etat, avec la prétention à peu près avouée d'en rester l'arbitre. Loin d'encourager ses visées ambitieuses, il les réprima elle prétendait relever immédiatement de l'autorité royale, il la soumit à la juridiction du Parlement (2). Elle continua de s'appeler la fille aînée des rois de France; mais elle apprit de Charles VII qu'elle était

(4) Du Boulay, Hist. univ., t. V, p. 442; Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. II, p. 384 et s.

(2) Ordonn., t. XIII, p. 457. ANNÉE 1870.

leur sujette en même temps que leur fille ainée, et elle sentit de plus en plus dans la suite le poids de cette sujétion. Ainsi la décadence politique de l'Université de Paris suivit de près l'extension un peu abusive de son influence. Après avoir rêvé les plus hautes destinées, elle vit, en moins d'un quart de siècle, ses espérances à demi réalisées, puis cruellement déçues. Désormais surveillée, contenue, affaiblie, elle allait se trouver peu à peu amenée au rôle qui était le sien, celui d'une grande école qui a pour mission d'élever la jeunesse, et qui doit se contenter de sa tâche et s'y dévouer exclusivement avec une légitime fierté; car si, par certains côtés, cette tâche laborieuse paraît obscure et même ingrate, il n'en est pas, après tout, qui importe plus aux familles et à l'Etat.

Séance du vendredi 13.

PRÉSIDENCE DE M. RENAN.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la rédaction en est adoptée.

M. le PRÉSIDENT a, dit-il, la douleur de notifier à l'Académie la nouvelle perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. VILLEMAIN, « qui lui appartenait comme membre ordinaire depuis 1844 et qui avait pris une part souvent utile, toujours sympathique, à ses travaux, jusqu'au moment où sa santé, affaiblie par de cruelles épreuves, l'obligea à réserver à l'Académie française ce qui lui restait, non pas d'activité intellectuelle, mais de force physique. Les deux Académies, l'Institut tout entier regretteront longtemps cet éminent esprit qui réunissait tant de mérites divers, le savoir littéraire le plus étendu à la critique la plus sûre, et le talent d'écrire à l'originalité de la pensée.

M. le PRÉSIDENT donne ensuite des nouvelles de M. NAUDET, qu'il a vu tout récemment, et dont l'état, pénible surtout par la nécessité du repos, n'inspire du reste aucune inquiétude.

M. le SECRÉTAIRE PERPETUEL donne lecture d'un acte de dona

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