Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

mologique; ses exemples sont bien trouvés, et l'on voit qu'il s'est tenu au courant de la philologie romane, ce qui est d'un bon augure pour le succès de l'œuvre plus complète qu'il nous promet. Ces qualités sont d'ailleurs assez rares pour que la Commission, malgré ce qu'il y a d'indécis dans le plan du travail soumis à son examen, ait cru devoir accueillir cette publication avec faveur et ne pas refuser ses encouragements à un genre de recherches longtemps négligé.

Vos commissaires n'ont pas été sans éprouver quelques scrupules avant de se prononcer sur l'ouvrage auquel ils n'ont pu attribuer que la quatrième mention. Ces scrupules provenaient surtout de la difficulté de déterminer exactement dans l'édition des Familles d'outre-mer la part de travail fournie par M. Guillaume Rey, qui avait recueilli la succession du regrettable M. Taranne, primitivement chargé de cette laborieuse entreprise. L'Académie n'a pas oublié que, dès 1849, la publication de ce manuscrit de Du Cange avait été décidée par le Ministère de l'instruction publique dans la forme adoptée pour la Collection des documents inédits, et qu'on avait en même temps résolu, pour mettre ce travail inachevé à la hauteur des progrès accomplis par la science historique, de le faire continuer et compléter au moyen d'additions et, s'il le fallait, de notes rectificatives. La question de savoir si l'impression tardive d'un manuscrit laissé imparfait par Du Cange était chose opportune et propre à ajouter beaucoup à la renommée de l'illustre érudit, restait en dehors des appréciations de la Commission. Nous n'avions pas non plus à juger le programme imposé à l'éditeur. Nous avions seulement à apprécier la valeur et la mise en œuvre des documents appelés à combler les nombreuses lacunes du large cadre tracé par Du Cange. Après avoir payé un juste tribut d'éloges aux efforts persévérants tentés par M. Taranne pour réunir de nouveaux matériaux et pour les ajuster à la construction commencée, nous avons reconnu qu'à M. Rey revenait le mérite d'avoir contribué pour plus d'un tiers à l'œuvre collective et qu'à cette part déjà considérable il fallait ajouter la révision générale et finale ainsi que l'édition pénible et longue d'un volume de mille pages. Toutefois, nous avions encore à nous demander si l'éditeur avait pu se préparer suffisamment à une tâche devant laquelle d'autres avaient reculé, et si des voyages de découvertes en Syrie, accomplis il est vrai avec autant d'intelligence que de courage, lui avaient laissé tout le temps nécessaire pour les fortes études de diplomatique indispensables en pareil cas. A l'enquête qu'il a faite de son mieux manquent certaines sources manuscrites ou imprimées dont une au moins, le Liber jurium reipublica Genuensis, publié à Turin, en 1854, était sous sa main et aurait pu lui fournir, notamment sur les officiers de la principauté d'Antioche, de sûrs et utiles renseignements. On a été frappé aussi de l'inexpérience en fait de bibliographie qu'annonce la table des auteurs et des ouvrages cités, table qui perd beaucoup de sa valeur dès qu'elle laisse à désirer sous le rapport de l'exactitude. Par ces motifs la Commission n'a pas assigné un meilleur rang à l'édition des Familles d'outre-mer, malgré les peines que ce travail a dû coûter à M. Rey; mais en même temps elle déclare que rarement labeur plus épineux fut confié à un érudit, tant à cause du défaut de concordance entre les textes que par la difficulté d'établir des rapports de filiation ou de parenté entre des personnes du même nom et qui peuvent cependant avoir été très-diverses d'origine ; là où l'éditeur, malgré son zèle, a pu

se tromper, les savants les plus consommés n'auraient peut-être pas échappé non plus à toute chance d'erreur.

· Re

Après le gros livre de M. Rey, la commission a placé trois brochures qui, sous un mince volume, élucident d'une manière très-substantielle différents points de l'histoire du XVe siècle. Leur auteur est M. du Fresne de Beaucourt, qui a attaché son nom à d'autres travaux conçus dans la même intention de rectifications historiques. Les rectifications faites de parti pris peuvent souvent inspirer quelque méfiance, mais ici, en face de sujets purement historiques et nettement définis, la Commission n'a pas eu à se tenir sur ses gardes. Le premier mémoire de M. de Beaucourt a pour titre : Les Chartier cherches sur Guillaume, Alain et Jean Chartier, et pour objet d'établir que Guillaume, l'évêque de Paris, et Alain, le poète et le diplomate, étaient frères, tandis que Jean Chartier, le chroniqueur, chantre de l'abbaye de Saint-Denis, a pu être le parent, mais n'était assurément pas le frère de Guillaume et d'Alain. En effet, ce troisième frère Chartier ne s'appelait point Jean, mais Thomas; c'était un secrétaire de Charles VII dont il est fait mention dans une lettre de Louis XI, imprimée pour la première fois par M. de Beaucourt. Il y a donc là pour l'histoire littéraire quelques renseignements bons à recueillir. Le but du second mémoire est de décider sur ce qu'il faut penser de la prétendue influence politique exercée par Agnès Sorel sur Charles VII. M. de Beaucourt combat l'opinion introduite par l'historiographe du Haillan dans les récits courants et qui tend à faire considérer cette favorite comme ayant suscité par ses conseils énergiques la délivrance du territoire et le salut du royaume. Au moyen d'une discussion trèsserrée, il démontre, contrairement à l'opinion du plus récent historien de cette époque, de M. Vallet de Viriville, qu'Agnès a dû naître après 4420, qu'elle ne devint maîtresse déclarée qu'en 1444 au plus tôt, quoique des relations non avouées avec le roi aient pu commencer dès 4444; que, par conséquent, même à cette dernière date, l'heureux changement dont on lui attribue l'honneur était depuis longtemps accompli dans le caractère de Charles VII. La troisième dissertation traite du Meurtre de Montereau. L'auteur s'attache à prouver ou du moins à fortifier l'opinion de ceux qui pensent que tout fut fortuit dans ce tragique événement; qu'il faut écarter la préméditation reprochée aux gens du Dauphin, qu'au milieu de paroles aigres échangées de part el d'autre un conflit s'engagea et que les anciens serviteurs de la maison d'Orléans, plus prompts que leurs adversaires à tirer l'épée, saisirent cette occasion de se venger du duc de Bourgogne. Des pièces inédites viennent à l'appui de cette manière de voir, qui est développée avec beaucoup de rectitude dans le jugement et de sûreté dans la méthode. Sans aucun doute on ne saurait prétendre que ces trois mémoires aient le mérite d'une complète originalité ni que leur auteur n'ait point fait son profit des recherches entreprises sur ces questions spéciales par son savant devancier; mais ce qu'on ne peut lui contester, c'est une netteté d'exposition, une discussion logique, une sobriété de narration qui ne laissent aucune place aux digressions et aux faux ornements. C'est ce double mérite du fond et de la forme qui a déterminé la Commission à décerner la cinquième mention à ces trois opuscules.

Le sixième rang parmi les mentions honorables est occupé par l'ouvrage de M. l'abbé Eugène Bernard, professeur à la Faculté de théologie de Paris, dont le sujet, Les origines de l'Eglise de Paris ·

Etablissement du christianisme dans les Gaules Saint Denis de Paris, nous ramène à une polémique déjà ancienne, sur laquelle l'Académie, par la voix de ses commissaires, a eu l'occasion de se prononcer, et ne peut aujourd'hui que maintenir son premier sentiment. L'objet spécial de la thèse de M. Bernard est de prouver que saint Denis, premier évêque de Paris, ne fonda cette église que dans la seconde moitié du troisième siècle et ne doit pas être confondu avec son homonyme Denis de l'Aréopage, dont il est question dans les Actes des apôtres; son objet général est de discuter et de combattre l'opinion qui fait remonter aux premiers temps apostoliques la prédication du christianisme et même l'établissement des églises dans la majeure partie de la Gaule et jusque dans la Gaule septentrionale. Les deux propositions soutenues par M. l'abbé Bernard sont tellement certaines, elles s'appuient sur un si grand nombre de témoignages authentiques et ont en leur faveur l'autorité de tant de savants ecclésiastiques dont on ne saurait suspecter ni la piété ni le désintéressement, qu'il semble presque superflu d'avoir entrepris de les examiner et de les discuter à nouveau; mais il faut se rappeler que, dáns ces dernières années, les opinions contraires ont été reproduites avec une ardeur de parti pris qui résiste de plus en plus aux objections les mieux fondées. M. l'abbé Bernard, ayant surtout en vue de répondre à un ouvrage récent sur saint Denis l'Areopagite, a jugé nécessaire de rassembler toutes les forces de sa dialectique et de son érudition pour venir à bout d'une erreur, invétérée sans doute, puisqu'elle remonte à Hilduin, abbé de Saint-Denis et contemporain de Charles le Chauve, mais bien souvent réfutée depuis Sirmond, qui, parmi les savants modernes, lui porta les premiers coups. La Commission pense que l'auteur aurait pu arriver à son but par un chemin beaucoup moins long, qu'il aurait produit un effet plus démonstratif, s'il s'était abstenu de dissertations qui peuvent passer pour surabondantes, d'images et de comparaisons épiques déplacées dans un pareil livre; mais elle a tenu grand compte du mérite, on peut même dire du courage qu'a eu M. l'abbé Bernard à soutenir la cause de la vérité historique contre les légendes auxquelles une grande partie du clergé français continue malheureusement à prêter créance en cette question. Quoiqu'on puisse faire un reproche à l'auteur de se montrer trop disposé à admettre comme suffisamment prouvé l'apostolat de saint Trophime d'Arles au Ier siècle, l'esprit général de son livre procède d'une saine critique, et sa qualité de professeur dans une faculté de théologie donne une plus grande autorité à l'indépendance de ses opinions, qui ne portent d'ailleurs aucune atteinte à l'orthodoxie du prêtre chrétien.

L'énumération et les appréciations que vous venez d'entendre laissent dans l'ombre plusieurs travaux estimables soit par la nouveauté de certains aperçus, soit par la bonne direction des recherches. Si ces ouvrages n'ont pu parvenir aux distinctions dont la commission dispose, il convient pourtant de vous les signaler et d'en rappeler au moins les titres. Ce sont, dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs l'Etude sur l'origine des Basques, par M. Bladé; l'Etude historique et topographique sur le plan de Paris de 1540, dit plan de tapisserie, par M. Franklin; l'Histoire d'Alphonse, frère de saint Louis, et du comté de Poitou, par M. Ledain; La seigneurie de Hohengeroldseck et ses possesseurs successifs — Les dynastes de Geroldseck-és-Vosges, par M. Ernest Lehr; le Compte des dépenses faites par Charles VII pour secourir Orléans

:

pendant le siége de 1428, précédé d'Etudes sur l'administration des finances, par M. Loiseleur; l'Histoire de Toulon au moyen-âge, par M. Teissier. Quelques autres ouvrages n'ont été écartés que pour des motifs qui réservent leur droit éventuel à un succès ultérieur, par exemple, l'Hagiographie du diocèse d'Amiens, par M. l'abbé Corblet, et les Bénéfices de l'Eglise d'Amiens ou Etat général des biens, revenus et charges du clergé du diocèse d'Amiens en 1730, avec des notes, par M. Darsy. La lice reste ouverte à ces deux auteurs, qui n'ont point terminé leur œuvre et qui se trouvent précisément placés côte à côte par la nature même du sujet qu'ils ont choisi.

Avant de clore ce rapport, qu'il nous soit permis de consigner ici une réflexion qui pourra passer pour un conseil à l'adresse de beaucoup des concurrents. Dans un rapport fait au nom de la commission des Antiquités de la France, il y a quelques années, un de nos savants confrères, comparant l'histoire nationale à un vaste édifice du sommet duquel nous contemplerons un jour le passé, disait avec raison qu'il ne suffit pas d'avoir posé les pierres du monument, qu'il faut aussi que ces matériaux, par leur parfaite harmonie, leur complète homogénéité, soient susceptibles de s'assembler, de s'adapter rigoureusement; qu'il faut qu'ils arrivent tous à une égale solidité. » Or, en mettant à part le petit nombre d'ouvrages qui, dans le concours actuel, ont un caractère achevé, la plupart des autres matériaux présentés à notre contrôle nous ont semblé encore loin d'être taillés avec une précision telle qu'on puisse leur assigner une place marquée dans le monument définitif. Cela tient surtout à ce que les travailleurs se cantonnent dans la localité qui les intéresse, sans se préoccuper suffisamment de l'histoire provinciale ni de l'histoire générale, ou bien à ce que, par un excès contraire, ils veulent à tout propos se rattacher au grand ensemble, en se laissant entraîner à des généralisations hasardées. Ce défaut de proportions, toujours sensible, ne pourra être entièrement corrigé que par l'application de plus en plus rigoureuse des vrais principes de la méthode scientifique, laquelle consiste à ne traiter un sujet qu'après en avoir exploré toutes les avenues, et, en se renfermant dans ce sujet, à le considérer néanmoins comme la partie d'un tout qu'il s'agit d'élargir et d'éclairer davantage.

Les Membres de la commission des Antiquités de la France:

DE SAULCY, DE LONGPERIER, L. RENIER, A. MAURY, F. DE Lasteyrie, Hauréau, J. Desnoyers, Huillard-Bréholles, rapporteur.

Certifié conforme : Le Secrétaire perpétuel, J.-D. GUIGNIAUT.

1

« ZurückWeiter »