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ces groupes représentaient les deux Augustes et les deux Césars et qu'ils étaient les témoignages historiques de la grande révolution que Dioclétien accomplit dans l'organisation de l'Empire romain. L'Académie daigna réserver mon mémoire pour le Recucil consacré aux travaux des savants étrangers. Cette distinction redoubla mon ardeur et m'inspira la résolution de m'en rendre tout-à-fait digne par la découverte de nouvelles preuves et de nouveaux arguments. J'osc espérer que l'Académie voudra bien excuser les retards involontaires que j'ai imposés à la publication de mon travail et à l'expression de sa bienveillance, en considérant les monuments inédits que je vais mettre sous ses yeux, et qui justifient pleinement mes conclusions.

» Pline nous a laissé, dans un passage célèbre, l'acte de naissance de la sculpture en porphyre. Grâce à lui, nous savons que Vitrasius Pollion, procurateur de Claude, envoya d'Egypte des statues en porphyre. Cette innovation n'eut aucun succès, <«< non admodum probata novitate, nemo certe postea imitatus est », et personne assurément n'imita dans la suite cet exemple. On a disserté sur ce passage, et Viseonti plus tard, approuvé par Letronne, a soutenu par de très-bonnes raisons que l'innovation de Vitrasius Pollion consistait à tailler la statue tout entière dans un seul bloc de porphyre, sans distinguer la tête et les chairs par l'emploi d'une autre matière. En effet, s'il s'était agi uniquement de traiter les parties nues en marbre blanc par exemple et les draperies ou les cuirasses en porphyre, il n'y aurait eu aucune innovation, et Pline n'eût pas pris la peine de déclarer que les statues de porphyre « statuæ ex porphyrite ne furent pas goûtées par Claude et sa cour.

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» Il nous faut descendre jusqu'au règne des Philippes pour trouver un buste antique de porphyre. A Dresde, à Rome dans la galerie Borghèse, à Paris dans la galerie Pourtalès, dans la galerie de Versailles, à Florence, se trouvent il est vrai de nombreux bustes en porphyre représentant les douze Césars. Quelques-uns pourraient donner lieu à des observations intéressantes, mais, jusqu'à présent, je n'ose pas déclarer antique un buste en porphyre qui soit antérieur au buste de

Philippe le Jeune. Ce buste qui orne le palais Barberini a été illustré par une notice due à la plume de Visconti et publié dans le Museo Pio Clementino. Il a été fort mal gravé, et j'ai pu, grâce à l'aimable intervention de M. Léon Renier et à l'obligeance de M. Rosa, m'en procurer une excellente photographie qui me permettra de publier plus sûrement ce remarquable monument. » L'insigne rareté des bustes antiques de porphyre fixe le prix que nous devons mettre à leur découverte.

>> C'est l'Egypte qui s'est, chargée d'enrichir l'histoire de l'art d'un pareil monument. Le buste dont je soumets à l'Académie les premières épreuves figure sous le n° 16 dans le petit vestibule du musée de Boulaq. M. Mariette lui a consacré, dans le catalogue de ce musée, trois lignes que je reproduirai textuellement: « Buste représentant un empercur romain, probablement Maximien Hercule. Le monument a tous les caractères de l'époque, et ne se recommande que par sa parfaite conservation. » Il a été trouvé à Athribis, qui, suivant Ammien Marcellin, était de son temps une des villes les plus considérables du Delta et un point militaire fort important. Le lieu de la découverte s'accorde avec le caractère du monument pour justifier l'opinion de M. Mariette qui considère ce buste comme le buste d'un empereur romain et lui assigne comme date la fin du troisième siècle.

» D'abord, ce buste est-il le buste d'un empereur romain? - Tout nous porte à le croire. Peut-être dira-t-on que la tête n'est pas laurée; mais cette objection n'est pas décisive: on commençait à cette époque à relever le sombre porphyre par l'éclat de l'or et de l'argent. De plus, il était rare qu'on sculptàt dans le porphyre des bustes qui ne fussent pas destinés à reproduire les traits des empereurs. Enfin ce buste lui-même résume, dans l'ensemble comme dans le détail, le type généralement adopté sur les monnaies de la tétrarchie de Dioclétien, pour représenter les deux Augustes et les deux Césars.

» On peut remarquer dans le bonnet des Augustes et des Césars de Venise des trous qui avaient été pratiqués pour recevoir des ornements ou des pierreries. Une statue d'Hélène en porphyre était couverte de perles. Les sarcophages des empereurs de

Constantinople étaient enrichis de guirlandes dorées, et rien ne nous empêche de supposer que cette tête nue ne fût destinée à porter une couronne ou un diadème.

» Il faut l'avouer, l'histoire iconographique de Dioclétien, de ses collègues et de ses successeurs, offre à l'antiquaire de bien grandes difficultés.

» Nos musées sont remplis de statues de Trajan, d'Hadrien, d'Antonin, de Commode; ils nous offrent encore des Sévères, des Philippes, des Gordiens; Rome seule possède un buste de Dioclétien, et ni Paris, ni Berlin, ni Venise, ni Florence, ni Naples n'en possèdent un véritablement authentique de Maximien Herculius, de Galère, de Maxence, de Maximien Daza, de Sévère et de Licinius. Si l'on recourt à la numismatique pour combler le vide que laisse la sculpture, si l'on interroge les médailles pour distinguer des traits que les statues devraient graver dans notre mémoire, il faudrait au moins, par des légendes sincères ou par des différences de type, pouvoir saisir le caractère de chaque physionomie. Il semble que les monétaires de ce temps cherchent à confondre les Augustes et les Césars sous les mêmes traits. Tous par exemple, Césars et Augustes, portent la même coupe de cheveux et la même coupe de barbe. Avant Hadrien, les empereurs étaient rasés. Pour cacher une verrue, Hadrien laissa croître sa barbe, mais Probus la coupe court, et cette mode lui survit. On peut remarquer que Probus était né en Pannonie, Dioclétien en Dalmatie, Maximien Herculius en Pannonie, Constance Chlore dans la Rhétie supérieure, Galère en Dacie, Licinius et Sévère II en Illyrie; et que Probus, Dioclétien, Maximien Herculius, Constance, Galère, Licinius, Sévère étaient des empereurs soldats. Peut-être cette coupe de cheveux et de barbe était-elle en usage dans ce groupe de provinces; peut-être avait-elle été adoptée comme une mode militaire, peut-être comme une mode païenne; et, en effet, elle cessa tout à coup lorsque Constantin et ses fils devinrent chrétiens ou s'abandonnèrent aux modes de l'Orient? Quoi qu'il en soit, cette coupe de cheveux et de barbe est caractéristique; nous la trouvons sur les groupes de Venise,

sur les groupes de Rome, sur le buste de Boulaq, et la numismatique la fixe sans conteste à la fin du troisième et au commencement du quatrième siècle.

» Puisque les cheveux et la barbe ne peuvent nous servir à distinguer le personnage représenté par le buste de Boulaq, reprenons tour à tour les rares indications que nous laissent les auteurs en les rapprochant sans cesse des monnaies antiques. Quel est ce mytérieux et farouche personnage? Serait-ce Dioclétien? Je parcours Eutrope, Lactance, Aurelius Victor, les Panégyristes, et je cherche en vain des passages qui nous permettent de refaire en notre imagination le portrait de ce grand homme. Je vois bien qu'il était fin, prudent, dissimulé, fertile en expédients, capable de frapper un grand coup s'il était nécessaire, habile à pénétrer les autres et à se cacher lui-même, tenant à dominer sans en avoir l'apparence et à régner sans en avoir la responsabilité, avare et dépensier suivant les intérêts de sa fortune, doux ou cruel suivant les nécessités de la politique; un administrateur, un homme d'État, un courtisan de la gloire. Comment son attitude, ses traits, son regard n'auraientils pas porté l'empreinte de ses qualités supérieures, et dès lors comment pourrait-on lui attribuer le buste de porphyre conservé au musée de Boulaq? Il est vrai que nous retrouvons sur les monnaies, sans parler de la coupe des cheveux et de la barbe, la forme de la tête, les deux rides qui sillonnent le front, l'arête du sourcil et presque la forme du nez. Malala, qui écrivait au septième siècle et qu'on est obligé de citer sans lui accorder de confiance, trace de Dioclétien le portrait suivant : « Il était grand, dit-il, maigre, il avait le visage tiré et pâle, les » yeux bleus, un gros nez, sa taille était un peu courbée. » Je ne sais à qui Malala a emprunté le portrait de Dioclétien vieilli, et le gros nez, par exemple, qu'il attribue à Dioclétien ne se trouve pas sur les médailles; le nez de Dioclétien est droit, parfois même court, comme dans notre buste, mais gros, jamais. Le personnage qui, dans ce temps, a le nez retroussé et gros, c'est Maximien Herculius; or Malala nous dit que Maximien était grand, robuste, qu'il avait les cheveux plats, la barbe noire,` le nez bien fait, les yeux beaux. En vérité, il semble que

Malala confonde tout. Je ne prétends tirer aucune conclusion de ces assertions de notre chroniqueur; mais je n'ai pu m'empê→ cher de les citer, puisqu'il nous fournit un des rares témoignáges iconographiques que les auteurs nous aient laissés.

» Mamertin, dans le panégyrique de Maximien Herculius, déclare que les deux Augustes, Dioclétien et Maximien Herculius, ne se ressemblaient pas : « quos in summis rebus æquavit, non vultuum similitudo, sed morum, » et Eutrope dit : « Herculius autem propalam ferus et incivilis ingenii, asperitatem suam etiam vultus horrore significans », « Maximien Herculius, ouvertement farouche, sauvage, trahissait sa rudesse par les traits de son visage, et il ajoute : « Vir ad omnem asperitatem sævitiamque proclivus, infidus, incommodus, civilitatis penitus expers. » Considérez maintenant le buste de Boulaq et dites s'il ne faut pas, pour rester fidèle aux textes et à la vraisemblance morale, condamner ce buste à représenter Maximicn Herculius. Voyez si l'artiste n'a pas pour ainsi dire sculpté dans le porphyre le sentiment d'effroi que répandait le visage du farouche collègue de Dioclétien, s'il n'a pas subi l'ascendant redoutable du modèle qu'il essayait de rendre. Aussi M. Mariette s'est-il écrié : « C'est Maximien Herculius, et moi-même je l'ai cru fermement, mais l'étude attentive du type de Maximien Herculius m'a ramené sans cesse aux doutes les plus graves. Je retrouve bien sur les monnaies de Maximien, comme sur celles de Dioclétien, la coupe des cheveux et de la barbe, les rides, l'œil, en un mot tous les signes qui caractérisent les empereurs de ce temps, mais le nez se retrousse et se retrousse si nettement qu'il devient une des marques de la physionomie et fait un contraste avec le nez droit du buste que possède le musée de Boulaq.

>> Si nous avons toute raison d'écarter du débat Constance Chlore, qui ne se rapproche des deux Augustes que par la coupe des cheveux et de la barbe, mais dont le type et en particulier le nez aquilin s'accusent avec une grande netteté de forme, Galère au contraire, par des raisons historiques, nous arrêtera un moment. Galère, comme Maximien, était de la plus basse naissance et n'avait reçu aucune éducation; comme Maximien, il conserva toujours un air sauvage. C'est Aurélius Victor qui

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