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bon ces lamentations? N'avaient-elles pas été mille fois exprimées? Elles n'apprenaient rien de nouveau à Charles VI; loin de là, par des édits récents, par de pressantes recommandations adressées soit aux généraux commandant les troupes, soit au lieutenant de police (1), le malheureux prince avait fait ce qui dépendait de lui pour épargner aux étudiants les tristes effets de l'état de guerre. Ce qui était plus opportun, et ce qui nous paraît avoir été le véritable objet de la mission confiée à Jean Basset et à Philippe Marescal, c'était d'amener le roi d'Angleterre à exécuter loyalement les articles du traité de Troyes, en faveur des gradués de l'Université, possesseurs de bénéfices ecclésiastiques, ou inscrits, selon l'usage, sur le rôle de présentation, pour être pourvus à la première vacance. La lettre comme l'esprit du traité voulait que les droits des uns et des autres. fussent respectés; que ceux-ci ne fussent pas troublés dans la perception de leurs revenus, ni ceux-là frustrés dans leurs espérances, même quand les bénéfices dépendraient de la province. de Normandie, la récente conquête des Anglais. L'observation loyale des engagements contractés offrait d'ailleurs d'autant moins d'inconvénients, que les négociateurs de la paix de Troyes n'avaient pas stipulé pour tous les bénéficiers indistinctement, sous quelque bannière qu'ils se fussent enrôlés, durant les troubles du royaume, mais seulement pour ceux qui rempliraient les clauses du traité, qui feraient serment de s'y soumettre, et qui se montreraient sujets fidèles du roi de France, partisans dévoués du duc de Bourgogne, ce qui voulait dire alors, ennemis du dauphin et plutôt Anglais que véritablement Français. Il semblait que le serment ne dût être exigé que des candidats aux bénéfices; en réalité, s'il faut en croire Thomas Bazin (2), il fut imposé aussi longtemps que dura la domination

(1) Lettres du 12 juin 1419, et des 48 et 25 avril 1420.

(2) Histor. Caroli VII, lib. I, c. 14, t. I, p. 36 de l'édit. de M. Quicherat : « Quamdiu Universitas Parisiensis mansit sub obedientia Anglorum, omnes scholastici, si ad gradum aliquem in quacumque facultate promovebantur, inter alia, in manu rectorum Universitatis, hujusmodi pacem se servaturos sacramento firmare adigebantur...

anglaise, à tous les écoliers, candidats aux grades dans quelque faculté que ce fût. L'Université se résigna, non sans douleur, nous aimons à le croire, à cette dure condition; elle fit seulement proposer, par l'organe de Me Marescal et de Me Basset, que le serment en question fût prêté entre les mains du recteur, et qu'il pût être prouvé, par un simple certificat de ce magistrat, dont la signature devait faire foi devant l'autorité supérieure, et dispenserait de tout autre témoignage.

Il est constant, par le témoignage de Thomas Bazin, que ce dernier point fut accordé; quant aux autres, nous ignorons quel fut exactement le résultat de la mission confiée à Marescal et à Basset; mais quelques semaines plus tard, l'Université envoyait en députation vers Henri V, deux députés nouveaux, Jean de Bonesque et Eustache Du Mesnil. Ceux-ci avaient pour instructions de gagner tout d'abord les bonnes grâces du duc de Bourgogne et de son conseiller, Jean de la Saulx, seigneur de Courtivron; celles de l'archevêque de Cantorbéry et celles de l'évêque d'Amiens. Il leur était aussi recommandé de mettre à profit, dans l'intérêt de l'Université, le crédit de jour en jour croissant de Pierre Cauchon, récompensé depuis peu, par l'évêché de Beauvais, de son dévouement à la cause anglaise. Les points à débattre et à obtenir étaient d'ailleurs les mêmes qui avaient fait l'objet des requêtes précédentes, c'est-à-dire l'exemption du guet et des autres charges militaires en faveur des suppôts de l'Université et l'octroi de lettres-patentes, pour garantir aux bénéficiers et aux gradués le complet exercice de leurs droits sur les cures, prébendes et abbayes du royaume, même quand elles seraient situées en Normandie (1).

Si ces requêtes répétées trahissaient chez leurs auteurs des préoccupations un peu étroites, elles n'avaient rien d'excessif ni d'insolite; et, comme elles ne paraissent pas s'être renouvelées,

(1) Dans notre Index chronologicus chartarum pertinentium ad historiam Universitatis Parisiensis, no MCLXVI, nous avons publié le texte des instructions qui furent données à Jean de Bonesque et à Eustache Du Mesnil.

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tout porte à croire qu'elles furent accueillies. Mais l'Université de Paris pouvait déjà pressentir, elle comprit mieux encore par la suite que le joug de l'étranger serait pour elle plus lourd à supporter que l'autorité paternelle des princes de la maison de France.

Au mois de décembre suivant, Henri V faisait son entrée à Paris, et, comme il advient fréquemment en de telles conjonctures, un des premiers soins du monarque victorieux fut de convoquer une assemblée de notables où ne siégèrent que ses partisans, de réclamer des subsides et, comme conclusion, de frapper les habitants d'un impôt extraordinaire déguisé sous la forme d'un échange. Ordre en effet fut donné à chacun de porter à l'hôtel des monnaies une certaine quantité de marcs d'argent proportionnée à sa fortune, et en échange de laquelle il devait recevoir des espèces monnayées, mais avec perte d'un huitième sur les valeurs métalliques déposées (1). En vain, l'Université, invoquant ses vieux priviléges, s'efforça d'échapper à la loi commune; en vain ses écoliers et ses maîtres porțèrent en suppliants leurs réclamations au pied du trône; Juvénal des Ursins nous apprend ce qu'ils gagnèrent à cette démarche : « Ils furent rebutés, dit-il, par le roy d'Angleterre qui parla hautement à eux; ils cuidèrent répliquer, mais à la fin ils se turent et départirent; car autrement on en eust logé en prison. Alors aussi falloit-il dissimuler par toutes sortes de personnes, et accorder ce qu'on demandoit; ou autrement, on les eust tenus assez légèrement pour Armagnacs. »

Cet échec, non moins douloureux pour sa fierté que funeste à ses intérêts, ne mit pas fin aux sollicitations de l'Université ; car un mois ne s'était pas écoulé, qu'elle se décidait à députer de nouveau vers Henri V, alors à Rouen. Me Basset, que devaient accompagner Jean de la Fontaine, maître ès-arts, bachelier en droit canon; Guillaume Guignon, maître ès-arts, bachelier en

(1) Juvénal des Ursins, Hist. de Charles VI, collect. Michaud et Poujoulat, p. 562; Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. I, p. 237.

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droit canon et licencié en droit civil; enfin Pierre Amiot, maître ès-arts et bachelier en droit canon (1). Parmi les affaires qui devaient être humblement recommandées au roi d'Angleterre, nous signalerons le payement des gages de Me Paul de Bonnefoy, qui enseignait alors la langue hébraïque dans les écoles de Paris. Henri V avait promis en sa faveur une allocation de 400 fr., sur lesquels 50 seulement avaient été payés et il s'agissait d'obtenir le payement du surplus. Nous voyons figurer pour la première fois une autre réclamation ayant pour objet d'assurer aux écoliers et à leurs maîtres la faculté de circuler librement dans le royaume, tant par eau que par terre, avec leur bagage et les effets à eux appartenans, sans être assujettis à aucun droit de péage. C'était là un privilége accordé de tout temps aux suppôts de l'Université et qui ne pouvait guère lui être enlevé ni même contesté en principe, bien qu'il fût exposé, en des jours si troublés, à de fréquentes violations.

Au mois d'août 1421, tandis que Henri V assiégeait la ville de Dreux, nous trouvons encore la trace d'une députation qui fut envoyée vers lui pour implorer sa royale protection auprès des évêques et même auprès du Saint-Siége, en faveur des gradués de l'Université, candidats aux bénéfices ecclésiastiques. La collation des bénéfices donnait lieu alors à beaucoup de discussions dans l'Eglise et même dans l'Ecole, par la difficulté de concilier les priviléges des gradués et les droits des collateurs. Les documents recueillis par Du Boulay sont incomplets et ne laissent pas voir clairement ce qui se passa devant Dreux entre les envoyés de l'Université. Il en ressort cependant qu'une discussion s'éleva entre l'évêque de Paris, Jean Courtecuisse, prélat très-mal vu de la faction anglaise, et Me Jean Beaupère, de la Faculté de théologie, dévoué aux intérêts de cette faction. On ne parvint pas à s'entendre, et la députation dut regagner

(1) Index chronologicus, p. 245. .

(2) Voyez notre écrit De l'enseignement de l'hébreu dans l'Université de Paris, qui, avant d'être publié à part, avait paru dans la Revue des Sociétés savantes, avril 1863.

Paris sans avoir conclu à rien, ni rien obtenu. A son retour, elle fut accueillie au cloître des Mathurins par l'explosion du mécontentement général; et une partie de l'assemblée invita le recteur à sévir contre ceux qui avaient si mal servi les intérêts de la compagnie (1). Peut-être faut-il rattacher à cet incident la retraite de Jean Courtecuisse, qui peu de temps après quitta le siége de Paris pour aller occuper celui de Genève.

L'année suivante, à quelques semaines de distance, moururent Henri V et Charles VI, l'un le 31 août, l'autre le 21 octobre 1422. Aux termes du traité de Troyes, l'Université de Paris devait reconnaître le fils de Henri V, qui, à peine âgé de quelques mois, venait d'être proclamé roi de France et d'Angleterre, sous le nom de Henri VI. Trop empressée, pour sa gloire, de faire acte de soumission à la domination étrangère, elle se hâta de faire partir pour Londres deux de ses maîtres, Jean Beaupère, que nous avons déjà vu paraître tout à l'heure, et Jean Saquespée, de la Faculté de médecine. Ils étaient porteurs de lettres de créance près la reine mère et le duc de Glocester, qu'ils avaient mission d'entretenir « d'aucunes choses, disent ces lettres, touchant la seigneurie de notre souverain seigneur Henry, roi de France et d'Angleterre, et la paix d'iceux royaumes (2). » Ces démonstrations prématurées de dévouement obtinrent la récompense qu'elles méritaient; et, dès le mois d'août 1423, parurent des lettres patentes de Henri VI, qui étaient conçues dans les termes suivants :

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« Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et d'Angleterre, au prévost de Paris et à tous noz séneschaulx, baillis, prévosts, vicontes, et autres noz justiciers, officiers et subgez, ou à leurs lieutenants, salut. De la partie de nos très chiers et bien amez les recteur, maistres et escoliers de notre très chière et très amée fille, l'Université de Paris, nous a esté exposé en complaignant, que en plusieurs pais et lieux de nostre royaume de France, ilz sont par vous ou aucuns de vous molestez, troublez

(4) Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 349 et s.
(2) Du Boulay, Hist. Univ., t. V, p. 360 et 361.

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