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Lorsque l'armée des côtes de Brest, réunie à celle des côtes de La Rochelle, forma l'armée de l'ouest sous les ordres du général Léchelle, qui ne sut jamais donner à ses généraux d'autres instructions que celle de marcher majestueusement et en masse, Kléber en exerça par le fait le commandement; il battit l'ennemi à Cholet, dont il s'empara, et força les Vendéens, au nombre de cent mille hommes, femmes et enfans, à passer la Loire. Il fut à cette occasion promu au grade de général de division, en même temps que Marceau à celui de général de brigade.

La guerre continua sur la rive droite; elle débuta par un échec à Laval, grâce à l'incapacité de Léchelle qui, devant le mécontentement de ses troupes et des représentans du peuple, dut se retirer et céder le commandement à Chalbos. La conduite de Kléber dans toute cette campagne ne le mit pas à l'abri des dénonciations, et, comme tant d'autres, il fut plusieurs fois sur le point d'être victime de la haine et de l'envie.

« Le représentant Turreau, dit-il dans ses Mémoires, me prit à part et, s'enfermant avec moi, me donna lecture d'une lettre du comité de salut public, qui lui avait été adressée ainsi qu'à ses collègues Bourbotte, Prieur (de la Marne) et Framastel; il y était question de la déroute de Laval. Après quelques reflexions sur cette affaire, le comité engageait ces représentans à se défier de moi et de Haxo, comme de deux royalistes, ou au moins à nous observer de très près, et à nous mettre hors d'état de nuire à la chose publique. Il me lut aussi la réponse qu'ils avaient faite à ce même comité, dans laquelle ils mettaient en opposition la conduite des deux généraux prétendus royalistes et des prétendus républicains. Les premiers avaient, entre eux deux, remporté vingt victoires depuis quatre mois, tandis que les deux autres s'étaient signalés jusqu'ici par autant de défaites. >>

Une fois l'armée reconstituée à Angers (novembre 1793), les opérations recommencèrent; elles furent déplorablement conduites par Rossignol, Westermann et autres généraux qui n'avaient aucune expérience des choses de la guerre et ne devaient leur grade qu'à leurs violences de langage. Au milieu des difficultés que lui créaient l'incapacité de ces déplorables chefs, les intrigues et les jalousies des représentans du peuple, Kléber se montre toujours le même, patriote sincère et soldat dévoué; il ne se laisse effrayer ni par Prieur (de la Marne) qui le menace de la guillotine, ni par Rossignol qui demande sa destitution et il déconcerte ses ennemis par son sang-froid.

Après de nombreux tiraillemens, Marceau, nommé général de di

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vision, fut mis à la tête d'une petite armée indépendante de celle de Rossignol, mais il ne voulut en accepter le commandement que si Kléber consentait à diriger les opérations de la campagne. « Je garde pour moi, dit-il à celui-ci, toute la responsabilité, et je ne demande que le commandement de l'avant-garde au moment du danger. Je te laisserai à toi le commandement véritable et les moyens de sauver l'armée. Sois tranquille, répondit Kléber, nous nous battrons et nous nous ferons guillotiner ensemble. » Noble exemple de confraternité et d'abnégation dont malheureusement bien peu de généraux ont su s'inspirer.

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Battus au Mans, les Vendéens cherchèrent à repasser la Loire à Ancenis. La Rochejaquelein et Stofflet ayant traversé le fleuve pour y chercher des barques ne purent revenir sur la rive droite et rejoindre l'armée vendéenne. Celle-ci, privée de ses chefs, continua à descendre le fleuve, sans pouvoir le franchir, et s'enfuit, toujours poursuivie, vers la Bretagne. Atteinte par l'armée républicaine à Savenay, elle fut culbutée et jetée dans la Loire et dans les marais où beaucoup se noyèrent; les autres furent pris et mis à mort après avoir été jugés par les tribunaux révolutionnaires. Ce sont les hommes qui se tinrent toujours à l'abri du danger, qui, voulant faire preuve de patriotisme, commirent alors ces atrocités dont la ville de Nantes a gardé le souvenir. La guerre était finie, et ce résultat était dû à Kléber qui, dans les derniers jours, avait dirigé tous les mouvemens de l'armée. En arrivant à Nantes, il y fut avec Marceau l'objet d'une ovation dont s'effaroucha le sans-culottisme du représentant Turreau. Lorsqu'une couronne civique leur fut présentée, celui-ci s'écria que les couronnes n'étaient pas dues aux généraux, mais aux soldats qui gagnent les batailles; que les honneurs rendus à des généraux chargés de broderies lui semblaient puer à plein nez l'ancien régime. Contenant son indignation et tenant sa couronne à la main, Kléber répondit :

« Ce ne sont pas les généraux républicains, ayant presque tous, comme moi, commencé par être grenadiers, qui ignorent que ce sont les soldats qui gagnent les batailles; mais ce ne sont pas non plus les soldats de la république, puisque tous peuvent espérer arriver au commandement, qui ignorent que des milliers de bras ne remportent des victoires que lorsqu'ils sont dirigés par une seule tête. Ce sont les armées, c'est-à-dire les officiers et les soldats, qui font triompher la république. Marceau et moi nous n'acceptons cette couronne que pour l'offrir à nos camarades et l'attacher à leurs drapeaux. »

Il n'y avait plus en Vendée que quelques rassemblemens sans importance, dont on serait venu facilement à bout, si le commande

ment était resté dans les mêmes mains. Mais cela n'eût pas fait le compte de ces rigides républicains, qui refusèrent d'accepter le plan que Kléber leur proposait et qui lui répondirent que leur but n'était pas de pacifier la Vendée, mais de la détruire. Turreau prit en conséquence le commandement de l'armée, il la divisa en douze colonnes qui, parcourant le pays dans tous les sens, brûlèrent tout sur leur passage. Cette habile politique réussit à provoquer un nouveau soulèvement sous les ordres de Jean Chouan et à rallumer une guerre qui pouvait être considérée comme éteinte. Kléber, qui s'était retiré à Châteaubriant avec Marceau, reçut dans cette ville, avec la confirmation de son grade de général de division, l'ordre de rejoindre l'armée du Nord (1794).

II.

La France avait à ce moment à se défendre contre l'Europe coalisée dont les armées, fortes de quatre cent mille hommes, envahissaient ses frontières. Au nord, où se portaient les principaux efforts de ses ennemis, elle n'avait à opposer que trois armées: celle du Nord, commandée par Pichegru, celle de la Moselle, commandée par Jourdan, et celle du Rhin, commandée par Michaud. C'est avec une partie de ces deux dernières que fut formée l'armée de Sambreet-Meuse, dont Kléber eut à commander une division et qui, sous les ordres de Jourdan, poursuivait alors ses opérations avec des alternatives de succès et de revers. La victoire de Fleurus et la prise de Charleroi ayant forcé l'ennemi à se replier vers la Meuse, Kléber, à la tête de l'aile gauche, s'empara de Mons, de Bruxelles et se mit en communication avec Pichegru. Pendant que celui-ci se porte sur Malines à la poursuite des Anglais et des Hollandais, Kléber marche sur Louvain, s'en empare après une lutte dans les rues, chasse successivement les Autrichiens de Tirlemont, de Tongres, de Liège, les force à repasser la Meuse et établit son quartier général au château de Huy. Ces succès avaient su le faire apprécier du représentant Gillet, qui écrivait à Friant, en lui annonçant sa nomination comme général de brigade :

« Tu seras sous les ordres de Kléber, tu seras heureux et charmé de connaître ce brave républicain. Apprends à apprécier la force de son génie. Tu remplaceras le général Chevalier, que j'ai destitué pour son peu d'ardeur. >>

Pendant ce temps, Jourdan, avec l'aile droite de l'armée, était arrivé à Huy, sur la rive droite de la Meuse, et, combinant ses mouvemens avec Kléber, qui opérait sur la rive gauche, remporta

la victoire de l'Ourthe qui rejeta l'ennemi dans Maestricht. Le passage de la Roer fut forcé après une affaire assez chaude, et l'armée tout entière, sauf quinze mille hommes occupés à l'investissement de Maestricht, marcha sur le Rhin et s'empara de Dusseldorf. Après onze jours de tranchée, Kléber prit Maestricht où il trouva trois cent cinquante et une bouches à feu, quatre cents milliers de poudre, vingt mille fusils et des provisions de toute sorte. Après cet exploit, il fut envoyé en observation sur le Rhin, où il mit tous ses soins à instruire et à fortifier son armée, composée en grande partie de recrues. Ses ordres sont des modèles de précision et de clarté qui montrent que ce grand esprit ne croyait pas au-dessous de lui de s'occuper de tous les détails pouvant contribuer au succès des opérations.

Au moment où Kléber s'apprêtait ainsi à prendre ses quartiers d'hiver, le comité de salut public, qui savait que la meilleure part des succès de l'armée de Sambre-et-Meuse lui revenait, l'envoya à l'armée du Rhin prendre le commandement des divisions chargées du siège de Mayence. Kléber fut péniblement affecté de ce changement qu'il n'avait pas sollicité; mais il obéit sans récriminer.

« La vie extraordinairement active que j'avais menée, dit-il, depuis le commencement de la guerre, avait altéré ma santé, et, l'armée de Sambre-et-Meuse étant sur le point de prendre ses quartiers d'hiver, je crus pouvoir demander au gouvernement un congé de deux mois pour me rétablir, mais au lieu de ce congé je reçus du représentant Gillet l'ordre de me rendre sur-le-champ à l'armée du Rhin. Ce coup inattendu me fut sensible. D'un côté je quittais une armée qui venait de se couvrir de gloire, un chef qui était à la fois mon ami et mon maître, et des camarades dont la bonne harmonie ne pouvait faire rêver que des succès; de l'autre j'entrevoyais d'avance que je serais chargé d'une expédition que le concours des saisons rendait impossible et même absurde. >>

Il écrit en même temps à Jourdan :

« Il faudrait, cher camarade, que tu connusses toute l'estime et le sincère attachement que je t'ai voués, pour comprendre la peine que j'ai ressentie en recevant l'ordre de quitter l'armée victorieuse que tu commandes. Pourquoi te le dissimulerais-je ? j'en ai pleuré comme un enfant. Le tribut payé à l'amitié et à la sensibilité de mon âme, que des gens sans entrailles appelleraient faiblesse, j'en ai sans doute dû prendre mon parti et je pars après-demain.

« Je te demande deux faveurs : la première de m'accorder la permission d'emmener Ney avec moi, jusqu'au rétablissement de Bucquet; la seconde d'apostiller le mémoire que j'envoie à Gillet relativement à

l'avancement de mes jeunes gens et qu'il te communiquera. Je t'en serai à jamais reconnaissant.

« Je pense qu'on me chargera de l'expédition de Mayence à cause des connaissances locales que j'ai acquises pendant le dernier siège de cette place. Je ferai, comme partout ailleurs, tout ce qui dépendra de moi. Si j'ai le bonheur de réussir, je ne demande d'autre récompense que celle de rentrer sous tes ordres; c'est là le terme de toute mon ambition... »

La marche victorieuse de l'armée de Sambre-et-Meuse depuis l'Ourthe jusqu'au Rhin avait singulièrement facilité les opérations des armées de la Moselle et du Rhin, qui, sous les ordres de Moreau et de Michaud, avaient forcé l'ennemi à repasser le fleuve et avaient investi Mayence avec cinq divisions. C'est au commandement de ces troupes que Kléber avait été appelé avec l'ordre de pousser vigoureusement le siège de la place; mais, comme il le disait lui-même : « Accoutumé à voir tout céder à la valeur des troupes, le gouvernement se persuadait qu'il dépendait uniquement de l'armée de mettre la France en possession de Mayence enviée depuis longtemps. Il se contenta d'intimer l'ordre de s'en emparer et négligea, comme par le passé, de fournir aux troupes les moyens propres à les seconder. >>

Kléber essaya inutilement de persuader au comité de salut public qu'on ne pouvait rien entreprendre contre Mayence sans l'investir complètement, c'est-à-dire sans faire passer un corps de troupes sur la rive droite; on ne voulut rien entendre.

« En arrivant à Alzey je trouvai, dit-il, Merlin de Thionville, avec son collègue Neveu, au milieu d'une suite aussi nombreuse que dégoûtante et bizarre. Ils avaient réuni autour d'eux les clubistes et les propagandistes de toute la Germanie. Chacun de ces intrigans venait offrir ses secours, ses services, et faisait entrevoir, comme la chose du monde la plus facile, la prise d'une des meilleures places de l'Europe. Déjà l'on désignait les emplacemens des batteries incendiaires, pour battre telle ou telle rue, suivant la vengeance particulière que chacun de ces misérables avait à exercer. On m'entourait, on me pressait pour sonder mon opinion. L'émettre devant toutes ces canailles eût été non-seulement me compromettre, mais engager une lutte au lieu d'une discussion... >>

Quoique peu confiant dans le succès de cette entreprise, Kléber n'en prit pas moins toutes ses dispositions pour commencer le siège; mais les moyens d'attaque faisaient défaut et les opérations ne pouvaient aboutir avec une armée insuffisante et mal pourvue d'ar

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