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qu'ils venaient y chercher pour leurs colonies des îles de la Sonde, des Antilles, du cap de Bonne-Espérance, de l'île Maurice, etc., et qui ont été la plus grande plaie dont ait souffert Madagascar et dont elle souffre encore. « Pauvres ètres, écrit l'un des naufragés du Winterton en 1792, brutalement arrachés à leur famille et à leur pays natal où ils vivaient heureux, jetés dans des navires où l'existence était extrêmement pénible à cause de leur entassement et de la chaleur, et, à leur arrivée, assujettis à un dur labeur et au fouet de gardes-chiourme cruels; l'esclavage ne faisant pas de distinction entre ses victimes, il y en avait qui appartenaient aux hautes classes et tombaient au même degré de misère que les autres ». On trouve dans les Archives du Cap des récits qui montrent la manière de voir qu'on avait à cette époque au sujet des esclaves un capitaine négrier y raconte les péripéties d'un voyage qu'il qualifie de « désastreux » et pendant lequel, ayant surpris au départ de Madagascar des symptômes de mécontentement dans sa cargaison d'esclaves, il jugea bon, pour couper court à une révolte possible, de jeter par-dessus bord les plus mutins; il en parle tout comme si c'étaient des ballots de toile.

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En somme, à Madagascar jusqu'à la fin du xvIIe siècle, les Européens, sans esprit politique et sans clairvoyance, n'ayant pas conscience des fautes -nous dirions aujourd'hui des crimes qu'ils commettaient, entourés de la haine que leurs méfaits avaient suscitée non sans raison, ont fait une mauvaise besogne pour leurs intérêts matériels comme pour les intérêts supérieurs de la morale et de la civilisation; les événements qui se sont succédé pendant les derniers siècles, et dont nous venons de donner un aperçu, sont la juste conséquence de leurs actes inconsidérés. Très heureusement, à l'influence néfaste dont nous venons de parler s'en est substituée, depuis le commencement du XIXe siècle, une autre toute bienfaisante et civilisatrice, dont l'honneur revient pour une grande part aux missionnaires qui ne cessent depuis près d'un siècle de prêcher aux Malgaches les grands principes de morale et d'humanité; aujourd'hui, leurs leçons portent leurs fruits et, depuis quelques années, la civilisation a fait des progrès remarquables dont il y a lieu de se féliciter. Dieu veuille que de nouveaux errements ne compromettent pas l'œuvre accomplie si péniblement.

G. GRANDIDIER.

La toponymie morvandelle

La toponymie qui a fait dans ces derniers temps, et ici même, l'objet de nombreuses études géographiques, permet d'apprécier la progression de l'activité humaine sur l'ensemble d'une région. Le Morvan offre un exemple frappant des ressources que présente cette science pour établir les relations entre le sol et l'homme. Longtemps sans importance économique, en dehors de ses bois, pénétrée d'humidité, placée loin de la route des peuples et récemment encore isolée des voies ferrées qui en faisaient le tour sans oser la pénétrer, cette ancienne contrée est un de ces pays dont Fustel de Coulanges a dit : <<< Les souvenirs et les affections du peuple des campagnes y restent obstinément attachés... (Rien) n'a détruit ces unités vivaces dont les noms mêmes ont traversé les âges jusqu'à nous2.

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Tout voyageur venu des bas pays et qui grimpe sur le massif ancien est frappé, en examinant la toponymie des communes, du vocable en Morvan qui s'accole aux noms de plusieurs d'entre elles. C'est à la limite des marges, dans la zone bordière du Lias et près du « plat pays de Saulieu » que cette appellation s'est surtout conservée de nos jours. La carte de l'État-Major porte cinq communes et un hameau à l'est de la Selle et du Cousin, trois communes à l'ouest de l'Yonne et du Chalaux qui se réclament de cette épithète. Elle s'applique indifféremment à tous les terrains, au Lias de Dompierre-en-Morvan, aux schistes et aux quartzites calcaires de Chissey-en-Morvan, aux gneiss de Saint-André-en-Morvan, aux granites de Saint-Hilaire-en-Morvan, à la granulite de Montigny-en-Morvan. Le vocable en Morvan ne s'applique donc point à une roche spéciale, mais désigne le facies général d'un pays, d'un mauvais pays, nettement différencié des bons pays, des bas pays.

Il y a un demi-siècle, cette nomenclature était encore plus riche. L'abbé Baudiau signale dans sa monographie sur le terrain houiller Rouvray-enMorvan; dans la cuvette permienne d'Autun Tavernay-en-Morvan "; sur les

1. H. Dehérain, La toponymie de la Colonie du Cap de Bonne-Espérance au XVIIIe siècle, in La Géographie, t. IV, 9, 15 sept. 1901, p. 162.

2. Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques de l'ancienne France, I, p. 12.

3. Ardouin-Dumazet, Voyage en France. Paris, Berger-Levrault, 25o série, p. 94.

4. Abbé Baudiau, Le Morvan, 2 vol. in-8°. Nevers, Foy, 1854, vol. II, p. 281.

5. Id., vol. II, p. 164.

LA GEOGRAPHIE.-T. XVIII, 1908.

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rebords de la faille limite du Bazois: Mouron-en-Morvan et Sainte-Péreuseen-Morvan'. Le docteur Bogros note: Villiers-en-Morvan près de l'Auxois. M. Roy, dans une monographie de la forêt3, parle de Planchez-du-Morvan. Les Cahiers des États-Généraux relatent les desiderata de Roussillon-en-Morvan et de Château-Chinon-en-Morvan. Enfin l'usage s'est conservé longtemps dans le pays, des dénominations de Saint-Didier-en-Morvan, la Selle-en-Morvan, Bazoches-du-Morvan.

Ces appellations ont disparu des documents officiels; mais leur diffusion, même à l'intérieur du massif où la confusion n'existait pas, montre combien, de tout temps, le Morvan fut considéré comme une unité naturelle.

Après avoir délimité le massif des terrains anciens et des roches éruptives qui caractérise la contrée, la toponymie morvandelle s'est aidée du vocabulaire topographique pour fixer les différents aspects du pays. Par comparaison avec les environs calcaires, où les mots qui désignent la fontaine sont si fréquents (principalement au nord et à l'est), la pauvreté des termes hydrographiques peut surprendre. A peine peut-on citer le hameau de Belle-Fontaine sur les tufs porphyriques. Mais en Morvan, l'eau sourd de toutes parts, et, par ailleurs, les actions de l'eau sur le sol sont ici de première importance pour l'économie rurale.

Les vallées jouent pour l'élevage le premier rôle; elles ont donné leur nom à une quantité de hameaux ou de communes. Ce terme est caractéristique des roches éruptives qu'il soit accolé au nom du propriétaire (Vaumery, Vaucorniau, Lavault de Farrière); qu'il désigne une agglomération de peu d'importance, ce qui est la forme la plus courante (Levault, Leveau, Lavault, Lavau); qu'il indique un château (Veau, château de Veaux); des peuplements tendant à se rejoindre (Veaux-près-Étang, Veaux-en-Nelle, les Lavaux), ou même le bourg principal (Vauclaix, Lavault de Frétoy); qu'il marque une forme propre de topographie (les Valettes, les petites Valattes, la Velle), un élargissement de la vallée (le Granvau) ou sa fermeture (Vauclaix). Il existe rarement sur le gneiss et la zone bordière du Lias où la roche est plus tendre et plus ruiniforme. On peut cependant distinguer un exemplaire sur le gneiss granitisé au sud de Saint-Léger-de-Fougeret. Généralement cette agglomération est située au point le plus bas et le plus resserré de la vallée, mais parfois aussi elle monte à l'assaut des pentes avec les eaux qui l'avoisinent et qui tendent à donner de plus en plus au massif ancien un caractère de pénéplaine. L'extension géographique des noms formés de vallée ne paraît pas

1. Abbé Baudiau, Loc. cit. vol. I, p. 307.

2. Docteur E. Bogros, A travers le Morvan. Château-Chinon, Dubagne-Bordet, 1883, p. 153. 3. A. Roy, Compte rendu de l'excursion forestière faite en Morvan par la section forestière de la Société des Agriculteurs de France. Nevers, Vallière, 1901, p. 78.

4. Archives parlementaires. 1re série, 1787-1799. Paris, Paul Dupont.

5. Belgrand, La Seine. Paris, 1873, p. 176.

dépasser à l'est le Temin, et ces noms sont les plus fréquents dans l'arrondissement de Château-Chinon.

C'est également à l'ouest du Morvan que se retrouve dans les noms de lieux le préfixe Mont. Au sud-ouest, les populations se sont fixées autour des pitons qui dominent les formes douces du granite, tels le Mont-Dore, le Mont-Dardon, le Mont-Touffin; au nord-ouest, elles se sont agglomérées sur les dénivellations de la zone des gneiss à topographie plus molle, par analogie peut-être avec les oppida des régions liasiques voisines. Dans les deux cas, les localités ont pris les noms des formes qui les abritaient des mauvais vents. Le terme s'applique à toutes les habitations au château (Montmartin); au hameau (Montlouè, Montmardelin, Mont-Charbon, Mont-Julien); au bourg même (Montigny, Montsauche, Montreuillon); tantôt entrant dans la composition de l'appellation, tantôt seul sous sa forme la plus fréquente: le Mont.

Enfin l'état de pénéplaine (qui fut celui du Morvan aux différentes époques de sa structure géologique) n'est indiqué que dans deux vocables dont l'un, Plainefort, dénomme un hameau au nord-ouest de Brassy, et l'autre, Bierreles-Semur, autrefois Bierre-en-Morvan, rappelle un pays plat, d'étendue quelconque'.

Le souci d'affecter chaque parcelle du sol au mode d'exploitation agricole qui lui convient le mieux se révèle dans l'étude de la carte du Morvan. Cependant l'élevage, qui est un des soins de cette rude population, y a laissé peu de traces. Si les communes de Villapourçon et de Préporché, sur la zone occidentale des porphyres, indiquent l'importance de l'élevage des porcs, les bovidés ne sont représentés que par le hameau de Franvache, et rien ne rappelle les troupeaux de moutons.

Pour ces raisons, les noms de lieux provenant des prés sont rares, à peine peut-on citer : La Prée au nord-ouest de Chissey et près d'Alligny; GrandPré au nord de Lormes; Pré-Coulon de Chène-Rocroi au sud de Gouloux. Les mots en Chaume, qui tendent à disparaître depuis les bienfaits du chaulage, se rencontrent encore au sud et au sud-est du Morvan « au milieu d'un désert complètement aride. Pas un arbre, pas un rocher pour se mettre à l'abri 2. » C'est le domaine des moutons. On rencontre ce vocable sous les formes Chaume, les Chaumes, la Chaume, la Chaumelle, Chaumont, Chaumey, Chaumier, rarement avec le nom du propriétaire (Chaume-Martin, Chaume-Cotentin), car la transhumance des ovidés demande des espaces étendus et généralement impersonnels.

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Les champs ont donné une nomenclature plus riche et plus variée, générale

1. L. Berthoud et L. Matruchot, Essai historique et étymologique des noms de lieux habités, villes, villages et principaux hameaux du département de la Côte-d'Or, in Bulletin de la Société des Sciences de Semur, 1905, p. 50.

2. Dupin, Le Morvan : Scènes morvandelles, Paris, Plon, 1853, p. 49; et L. Berthoud et Matruchot, Loc. cit., p. 289.

ment suivie du nom du possesseur. On peut noter: Champ-Chameau, ChampComeau, Champ-Martin (les plus nombreux), Champ-des-Blonds, Champ-Foussier, Champ-Robert, Champ-Denot. Ailleurs, l'épithète indique seulement le mode d'exploitation du sol: Les Champs, Champy, Champagne; la forme du terrain Champ-Creux, Champ-Vé, Champ du Couloir; — la qualité de la terre Champ-Coulant; ou une culture exceptionnelle Champ de la Vigne. Ces dénominations se concentrent principalement dans l'arrondissement de Château-Chinon, face aux riches terres du Bazois. Elles sont plus rares à l'est, dans les cantons de Saulieu et de Liernais; car les terres, proches de l'Auxois, y sont plus fertiles et, par conséquent, plus souvent livrées à la grande culture. Dans cette région se trouvent quelques noms de lieux dérivés de granges. Encore qu'ils ne soient pas fréquents, ils sont cependant plus nombreux que les vocables, ouches, qui désignent les meilleures terres morvandelles. A peine pourrait-on remarquer : Les Ouches, La GrandeOuche.

De même, on retrouve dans la forêt de Glaine et le Mont-Glaine, piton de quartz dans ces mêmes bois, un nom local réservé au district très agreste, mais composé de mauvaises terres, sol « à la fois granitique, porphyrique et dévonien qui comprend les sommités du Morvan1». On trouve encore dans la monographie de l'abbé Baudiau 2 le souvenir de Glux-en-Glaine et de Verrièressous-Glaine, deux bourgs assez importants. Aux Archives Nationales 3, dans un dossier relatif aux propriétaires du sol, il est fait mention de la terre et seigneurie de Glennes, près La Rochemillay.

Par contre, l'étude des noms de lieux forestiers nous montre le rôle qu'à joué, de tout temps, la forêt dans la vie économique des habitants. Les grands bois se reconnaissent, noms de Cottets, Quincize, Cuzy, Cussy, dénominations qui dépassent rarement au nord la ligne des granites; les taillis sont représentés par Breuil, Brenot, Brenet; les fourrés par la forêt de Brénil, la Rocheen-Brénil sur les granulites. Ailleurs, les termes de Mouille-Forêt et la riche collection des Vævre marquent, bien qu'au milieu de territoires agricoles, l'existence passée d'anciennes contrées humides et boisées. La forme Vævre avec les orthographes les plus variées Vèvre (la plus nombreuse), Vaivre, Vesne (le long des marges calcaires), Vouavre, Wouavre (dans le haut Morvan des granites), s'applique indifféremment à une usine, à des granges, des bois, des hameaux, à un bourg même. La toponymie forestière indique encore d'anciens cantonnements de bûcherons devenus permanents: Vente Italienne, les Ventes; l'emplacement de l'exploitation: Vente en dessous; l'utilisation

1. A. de Lapparent, La géologie en chemin de fer. Paris, Masson, p. 113.

2. Loc. cit., vol. 1, p. 279, et vol. II, p. 365.

3. Q., 823.

4. L. Gallois, La Voëvre et la Haye, in Annales de Géographie, 1904, p. 123.

5. Abbé Baudiau, Loc. cit., vol. II, p. 111.

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