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procédé qu'à Ottajano; mais la comparaison ne peut être poursuivie pour ceux trouvés dans la cendre, puisqu'en 1906 aucune mort d'homme n'a été constatée pendant la dernière phase de l'éruption. Beaucoup de ces moulages du Musée de Pompéi, qui nous ont restitué avec une si admirable perfection la forme et jusqu'aux jeux de physionomie des victimes, portent le stigmate de l'asphyxie, vraisemblablement déterminée par aspiration de poussière fine (fig. 21).

Quant à la plupart des attitudes violentes de quelques autres, devant

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lesquels s'émeuvent les âmes sensibles, pas plus que celles de beaucoup des morts de Saint-Pierre, elles n'ont la signification dramatique qui leur est prêtée d'ordinaire: elles sont dues à des contractions post mortem.

Voyons maintenant le récit d'un témoin de marque'; dans sa première lettre, Pline le Jeune raconte la mort de son oncle, l'illustre naturaliste, Pline l'Ancien. En voici le résumé, interprété à l'aide des observations géologiques qui précèdent.

Le 24 août, vers 1 h. 15 du soir, une colonne de vapeurs et de cendres

1. J'ai longuement discuté ces deux lettres de Pline dans un chapitre de La Montagne Pelie après ses éruptions (page 104 à 133), en éclairant le texte de l'auteur latin par des photographies prises au cours de l'éruption de 1906.

d'une hauteur et d'une forme extraordinaires, s'élève du volcan. Pline la décrit d'une façon saisissante; sa comparaison si heureuse avec le pin d'Italie a fait fortune et les Napolitains appellent encore « il pino >> le panache des éruptions du Vésuve.

Pline l'Ancien veut étudier de près ce phénomène. Il quitte Misène et fait voile dans la direction du volcan; mais il ne peut aborder. Poussé par le vent du nord, il se dirige alors vers Stabies et y débarque. Dans la soirée, les lapilli tombent en telle abondance, qu'ils menacent de bloquer les habitants

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dans leurs maisons, et cette grêle de petites pierres se prolonge jusque dans la matinée du 25; Pline se rend alors sur le rivage, avec l'intention de fuir par mer, mais le vent est toujours contraire; il se couche à terre pour prendre du repos. L'éruption augmentant alors d'intensité, ses serviteurs s'enfuient, à l'exception de deux; soutenu par ces derniers, le vieillard se dresse, puis retombe aussitôt sans vie. Son corps, retrouvé trois jours plus tard, présentait l'attitude du sommeil, si frappante dans plusieurs des moulages de Pompéi.

Il est vraisemblable que cette mort tragique survint au cours d'un paroxysme explosif, analogue à celui qui, le 8 avril 1906, a substitué la cendre aux lapilli. Elle coïncide, en effet, comme temps, avec l'apparition du grand

nuage noir, sillonné d'éclairs, qui vint envelopper Misène et que Pline décrit dans sa seconde lettre. Quelques géologues ont voulu y voir l'équivalent d'une nuée ardente. mais il est facile d'y reconnaître un nuage ordinaire de cendre, entraîné dans les hautes régions de l'atmosphère et ne laissant tomber sa poussière qu'une fois arrivé à une certaine distance du volcan (fig. 22).

Cette rapide analyse démontre à l'aide d'arguments multiples que Pompéi n'a pas subi la destruction foudroyante de Saint-Pierre sous le souffle brûlant d'une nuée ardente. Le Vésuve, en refaisant, il y a deux ans, une page de sa vieille histoire, a fourni la démonstration expérimentale des déductions qu'il est légitime de tirer aussi bien de l'étude géologique des ruines que des récits de Pline. La mort de Pompéi, longue à venir, a été due à un ensevelissement progressif par des matériaux lancés dans l'espace et retombés sur le sol à la façon de la grêle ou de la pluie.

Ainsi, d'une part, presque instantanéité de l'anéantissement sous le choc de matériaux brûlants, violentes actions mécaniques s'exerçant suivant une trajectoire presque horizontale, sans aucun mouvement du sol et, d'une autre, écrasement, étouffement lent sous des matériaux froids ou tièdes, actions mécaniques se développant de haut en bas, secondées par des tremblements de terre; telles sont les formules, par lesquelles on peut résumer l'action destructrice des deux types principaux d'explosions volcaniques, illustrés, hélas! l'un et l'autre, par deux des plus mortels cataclysmes qu'ait à enregistrer l'histoire de la Physique du Globe.

Si le mécanisme destructeur des éruptions du Vésuve et de la Montagne Pelée n'a pas été le même, on peut, au point de vue humain, relever de frappantes analogies entre ces dramatiques événements. Dans ses lettres, Pline s'est montré aussi bon observateur des hommes que des choses. En lisant le récit de sa fuite de Misène, il me semble revivre des heures que j'ai moimême vécues; il me semble que, dans l'obscurité d'une chute épaisse de cendre, à peine éclairée par un soleil blafard, je vois s'agiter devant moi des ombres, déjà vues aux Antilles ou sur les flancs du Vésuve, je crois reconnaître des cris d'angoisse ou de détresse, des prières et des imprécations déjà entendues. A dix-huit siècles de distance, en face des mêmes dangers, l'àme des hommes est restée la même, alors qu'autour d'eux tant de choses ont changé. Ils sont secoués par les mêmes terreurs et ils ne trouvent que les mêmes termes pour les exprimer!

Les conclusions qui viennent d'être formulées au sujet de Pompéi ne peuvent s'appliquer à Herculanum', dont les ruines sont ensevelies à quel

1. La bibliographie des mémoires concernant Herculanum est loin d'être aussi touffue que celle qui concerne Pompéi. M. le professeur Hughes a publié récemment un intéressant travail,

ques kilomètres de distance, sous l'emplacement de l'actuelle Résina. La ville antique se trouvait au pied occidental du Vésuve, bâtie près de la mer, sur une pente creusée de plusieurs ravins.

Aucun document historique contemporain ne peut être utilisé pour la recherche qui nous occupe; à peine peut-on se demander si une phrase de la première lettre de Pline n'y fait pas allusion.

L'opinion, longtemps admise, qu'Herculanum a été noyé dans un flot de lave, était basée sur une méprise géologique. La surface du sol à Résina est

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FIG. 22. UN NUAGE DE CENDRES S'AVANÇANT SUR LES RUINES DE BOSCOTRECASE
ENVELOPPÉES PAR LA LAVE RÉCENTE. (AVRIL 1906).

bien constituée par des coulées de roches massives, mais celles-ci datent des éruptions de 1631 et de 1792; elles se trouvent à quelque trente mètres audessus des ruines. La structure des matériaux, qui enveloppent ces dernières, conduit à éliminer, avec non moins de certitude, l'hypothèse d'un ensevelissement sous des matériaux transportés par une voie aérienne quelconque.

Aucun des procédés destructeurs directs ne peut donc être invoqué, et l'on doit faire appel à l'un des phénomènes secondaires du volcanisme, aux

torrents de boue.

Dans toute éruption, l'origine de ceux-ci peut être diverse, cratérienne ou périphérique; mais toujours, la source de l'eau doit être cherchée dans l'atmosphère et non dans la profondeur'.

Dans le premier cas, elle s'accumule avant l'éruption dans un ancien

dans lequel il a tenu compte du résultat des observations sur la Montagne Pelée, rappelées plus haut et plus loin (Cambridge Antiquarian Society's Communications, XII, 1906, 25).

1. Cette opinion est celle à laquelle j'ai été conduit par mes observations personnelles aux Antilles et au Vésuve et par la discussion d'observations antérieures faites par plusieurs auteurs sur divers volcans. De nombreux géologues ont formulé parfois à cet égard un avis différent, donnant à l'eau une origine profonde ou la faisant venir de la mer. Je ne pense pas que de semblables opinions puissent aujourd'hui résister à un examen sérieux.

cratère; les premières explosions rejettent cette eau pluviale, transformée en boue par son mélange avec des débris du vieux sol et de la cendre récente. J'ai eu l'heureuse chance d'assister de près à un phénomène de ce genre, précurseur d'une grande éruption de la Soufrière de Saint-Vincent. J'étais sur le bord même du cratère, dont le fond était occupé alors par un petit lac. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, celui ci fut soulevé, puis projeté tout entier par une subite et formidable explosion. La colonne boueuse, chargée de vapeurs, haute de plus de mille mètres, que j'ai vue alors passer devant mes yeux', constituait un spectacle que je recommande aux amateurs de sensations fortes et rares.

En réalité, ces émissions cratériennes de boue impliquent des conditions fort spéciales, très exceptionnellement réalisées; la plupart des torrents boueux sont dus à d'autres causes.

La plus générale, la seule qui soit applicable au Vésuve2, résulte de l'action directe des pluies torrentielles, si fréquentes au cours des éruptions, sur la masse énorme de matériaux incohérents, accumulés sur les flancs du volcan par les grandes explosions3.

Quelle que soit du reste l'origine du phénomène, celui-ci conduit à la production de coulées d'une boue épaisse, pouvant charrier d'énormes quartiers de roches, qui semblent flotter à sa surface. Les matériaux ainsi transportés s'étalent et s'accumulent à la base de la montagne, produisant, suivant leurs dimensions, des conglomérats ou des tufs, à structure chaotique.

Ce sont des dépôts de ce genre, des tufs, formés essentiellement de menus fragments de ponces, de débris de roches compactes ou cristallines et de fine poussière, qui ont enseveli Herculanum. Par places, notamment dans le théâtre, ils sont fortement consolidés, alors qu'ailleurs ils sont presque incohérents. A ces tufs de structure chaotique sont associés des lits stratifiés, œuvre des ondes plus liquides, qui suivent parfois et ravinent la boue épaisse.

Des courants boueux successifs ont envahi la ville, rempli ceux de ses édifices et celles de ses maisons qui ont résisté à leur choc, moulé leurs cavités; ils ont enveloppé sur place tous les objets que renfermaient ces

1. Les planches XXI et XXII de La Montagne Pelée sont la reproduction de deux photographies que j'ai pu faire au cours de cette explosion.

2. Il ne saurait être question, en effet, ici de la fonte brusque de la neige ou de la glace sous l'influence de matériaux incandescents. Cette cause est souvent en œuvre dans les volcans des régions polaires et dans ceux de très haute altitude. On connait des exemples de son intervention à l'Etna (éruption de 1755, par exemple).

3. J'ai discuté le mécanisme de formation de semblables torrents à l'aide de mes observations aux Antilles en 1902, et en utilisant aussi les constatations faites depuis longtemps dans les Alpes sur des phénomènes tout à fait identiques, bien que ne mettant pas en œuvre des matériaux volcaniques (La Montagne Pelée, p. 421-459).

4. On peut comparer ces tufs à certains types de cinérites, remaniées du massif du Mont-Dore. J'ai traité en détail la question de la structure et de l'origine de ces formations dans un mémoire récent, Contribution à l'étude des brèches et des conglomérats volcaniques, in Bull. Soc. géol, France, VI, 1906, 635-685, pl. XIX à XXII.

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