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Dieu, les merveilles de la Providence, l'influence, les charmes et les bienfaits des dogmes, de la doctrine et du culte de JésusChrist?

En général, on se hâte un peu trop de prononcer sur le plan d'un livre. Si ce plan ne se déroule pas d'abord aux yeux des critiques comme ils l'ont conçu sur le titre de l'ouvrage, ils le condamnent impitoyablement. Mais ces critiques ne voient pas ou ne se donnent pas la peine de voir que si le plan qu'ils imaginent était exécuté, il aurait peut-être une foule d'inconvénients qui le rendraient encore moins bon que celui que l'auteur a suivi.

Quand un écrivain n'a pas composé son ouvrage avec précipitation; quand il y a employé plusieurs années; quand il a consulté les livres et les hommes, et qu'il n'a rejeté aucun conseil, aucune critique; quand il a recommencé plusieurs fois son travail d'un bout à l'autre; quand il a livré deux fois aux flammes son ouvrage tout imprimé, ce ne serait que justice de supposer qu'il a peut-être aussi bien vu son sujet que le critique qui, sur une lecture rapide, condamne d'un mot un plan médité pendant des années. Que l'on donne toute autre forme au Génie du Christianisme, et l'on ose assurer que l'ensemble des beautés de la religion, l'accumulation des preuves aux derniers chapitres, la force de la conclusion générale, auront beaucoup moins d'éclat et seront beaucoup moins frappants que dans l'ordre où le livre est actuellement disposé. On ose encore avancer qu'il n'y a point de grand monument en prose dans la langue française (le Télémaque et les ouvrages historiques exceptés) dont le plan ne soit exposé à autant d'objections que l'on en peut faire au plan de l'auteur. Que d'arbitraire dans la distribution des parties et des sujets de nos livres les plus beaux et les plus utiles! Et certainement (si l'on peut comparer un chef-d'œuvre à une œcuvre très-imparfaite), l'admirable Esprit des Lois est une composition qui n'a peut-être pas plus de régularité que l'ouvrage dont on essaie de justifier le plan dans cette défense. Toutefois la méthode était encore plus nécessaire au sujet traité par Montesquieu qu'à

celui dont l'auteur du Génie du Christianisme a tenté une si faible ébauche.

DÉTAILS DE L'OUVRAGE.

Venons maintenant aux critiques de détail.

On ne peut s'empêcher d'observer que la plupart de ces critiques tombent sur le premier et sur le second volume. Les censeurs ont marqué un singulier dégoût pour le troisième et le quatrième. Ils les passent presque toujours sous silence. L'auteur doit-il s'en attrister ou s'en réjouir? Serait-ce qu'il n'y a rien à redire sur ces deux volumes, ou qu'ils ne laissent rien à dire?

On s'est donc presque uniquement attaché à combattre quelques opinions littéraires particulières à l'auteur, et répandues dans le second volume1; opinions qui, après tout, sont d'une petite importance, et qui peuvent être reçues ou rejetées sans qu'on en puisse rien conclure contre le fond de l'ouvrage : il faut ajouter à la liste de ces graves reproches une douzaine d'expressions véritablement répréhensibles, et que l'on a fait disparaître dans les nouvelles éditions.

Quant à quelques phrases dont on a détourné le sens (par un art si merveilleux et si nouveau) pour y trouver d'indécentes allusions, comment éviter ce malheur, et quel remède y apporter ? <«< Un auteur (c'est la Bruyère qui le dit), un auteur n'est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots qu'on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l'on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer; il est convaincu que, quelque scrupuleuse exactitude qu'on ait dans sa manière d'écrire, la raillerie froide des mauvais plaisants est un

1 Encore n'a-t-on fait que répéter les observations judicieuses et polies qui avaient paru à ce sujet dans quelques journaux accrédités.

mal inévitable et que les meilleures choses ne leur servent souvent qu'à leur faire rencontrer une sottise1. »

L'auteur a beaucoup cité dans son livre, mais il paraît encore qu'il eût dû citer davantage. Par une fatalité singulière, il est presque toujours arrivé qu'en voulant blâmer l'auteur, les critiques ont compromis leur mémoire. Ils ne veulent pas que l'auteur dise, déchirer le rideau des mondes, et laisser voir les abîmes de l'éternité; et ces expressions sont de Tertullien 2: ils soulignent le puits de l'abîme et le cheval pále de la mort, apparemment comme étant une vision de l'auteur; et ils ont oublié que ce sont des images de l'Apocalypse: ils rient des tours gothiques coiffées de nuages; et ils ne voient pas que l'auteur traduit littéralement un vers de Shakespeare4; ils croient que les ours enivrés de raisins sont une circonstance inventée par l'auteur; et l'auteur n'est ici qu'historien fidèle (27): l'Esquimau qui s'embarque sur un rocher de glace leur paraît une imagination bizarre; et c'est un fait rapporté par Charlevoix 5: le crocodile qui pond un œuf est une expression d'Hérodote 6; ruse de la sagesse appartient à la Bible 7, etc. Un critique prétend qu'il faut traduire l'épithète d'Homère, dveis, appliquée à Nestor, au doux

1 Caract. de LA BRUYÈRE.

2 Cum ergo finis et limes medius, qui interhiat, adfuerit, ut etiam mundi ipsius species transferatur æque temporatis, quæ illi dispositioni æternitatis aulai vice oppansa est. (Apolog., cap. XLVIII.)

5 Equus pallidus, cap. vi, v. 8; Puteus abyssi, cap. IX, v. 2.

The clouds cap towers, the gorgeous palaces, etc.

(In the Temp.)

Delille avait dit dans les Jardins, en parlant des rochers:

J'aime à voir leur front chauve et leur tête sauvage

Se coiffer de verdure, et s'entourer d'ombrage.

J'ai cependant mis, dans les dernières éditions, couronnées d'un chapiteau de nuages.

5 <«< Croirait on que sur ces glaces énormes on rencontre des hommes qui s'y sont embarqués exprès ? On assure pourtant qu'on y a plus d'une fois aperçu des Esquimaux, etc. » (Histoire de la Nouvelle-France, toin. 11, liv. X, pag. 293, édit. de Paris, 1744.)

6 Τίκτει μὲν γὰρ ὡὰ ἐν γῆ, καὶ ἐκλέπει. (HÉROD., lib. II, cap. LXVII.)

7 Astutias sapientiæ. (Eccl., cap. I, v. 6.)

langage. Mais dveris ne voulut jamais dire au doux langage. Rollin traduit à-peu-près comme l'auteur du Génie du Christianisme, Nestor, cette bouche éloquenté1, d'après le texte grec, et non d'après la leçon latine du scoliaste, suaviloquus, que le critique a visiblement suivie.

Au reste, l'auteur a déjà dit qu'il ne prétendait pas défendre des talents qu'il n'a pas sans doute; mais il ne peut s'empêcher d'observer que tant de petites remarques sur un long ouvrage ne servent qu'à dégoûter un auteur sans l'éclairer; c'est la réflexion que Montesquieu fait lui-même dans ce passage de sa Défense:

<< Les gens qui veulent tout enseigner empêchent beaucoup d'apprendre; il n'y a point de génie qu'on ne rétrécisse lorsqu'on l'enveloppera d'un million de scrupules vains avez-vous les meilleures intentions du monde? on vous forcera vous-même d'en douter. Vous ne pouvez plus être occupé à bien dire quand vous êtes effrayé par la crainte de dire mal, et qu'au lieu de suivre votre pensée, vous ne vous occupez que des termes qui peuvent échapper à la subtilité des critiques. On vient nous mettre un béguin sur la tête, pour nous dire à chaque mot: Prenez garde de tomber: vous voulez parler comme vous, je veux que vous parliez comme moi. Vat-on prendre l'essor? ils vous arrêtent par la manche. A-t-on de la force et de la vie? on vous l'ôte à coups d'épingle. Vous élevezvous un peu? voilà des gens qui prennent leur pied ou leur toise, lèvent la tête, ct vous crient de descendre pour vous mesurer... Il n'y a ni science ni littérature qui puisse résister à ce pédantisme 2.

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C'est bien pis encore quand on y joint les dénonciations et les calomnies. Mais l'auteur les pardonne aux critiques; il conçoit que cela peut faire partie de leur plan, et ils ont le droit de réclamer pour leur ouvrage l'indulgence que l'auteur demande pour le sien.

1 Traité des Études, tom. I, pag. 375, de la lecture d'Homère.

3 Défense de l'Esprit des Lois, 111* partie,

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DÉFENSE DU GÉNIE DU CHRISTIANISME:

Cependant que revient-il de tant de censures multipliées, où l'on n'aperçoit que l'envie de nuire à l'ouvrage et à l'auteur, et jamais un goût impartial de critique? Que l'on provoque des hommes que leurs principes retenaient dans le silence, et qui, forcés de descendre dans l'arène, peuvent y paraître quelquefois avec des armes qu'on ne leur soupçonnait pas.

FIN DE LA DÉfense du génIE DU CHRISTIANISME)

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