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lacs ont dû se dessécher complètement. Des inondations régulières ne viennent donc pas apporter au sable le limon dont il aurait besoin pour avoir une grande fertilité. Il n'y a autour des lacs qu'une bande d'une dizaine de mètres qui soit cultivée et cultivable. Lorsque nous avons visité le Fati, les lougans que se proposaient de faire les habitants des rives étaient fort peu de chose. Le village le plus important des lacs n'est qu'un point d'eau pour les caravanes qui vont du Sahel à Tombouctou; sans doute on en tire tous les ans une centaine de tonnes de blé dur pour les besoins du ravitaillement, mais c'est, croyons-nous, le maximum de la production. Il semble que l'étroite bande de terre cultivable bordant les lacs soit tout juste suffisante pour nourrir sa population.

La région de grande culture du Niger ne doit donc pas être celle des grands lacs, mais bien celle du delta.

Une fois que le Niger a reçu tous les marigots qui forment son delta, il arrive à Tombouctou, sur laquelle on n'a dit jusqu'ici, au point de vue économique, que des choses très peu précises.

Les personnes qui s'occupent de géographie ont sur la grande ville saharienne deux opinions extrêmes. Pour les uns, Tombouctou n'est qu'un amas de ruines, un lieu dépourvu de la moindre valeur économique. Pour les autres, au contraire, il semble que ce soit le point important de l'Afrique centrale au même titre du reste que le Tchad. Pour eux, il suffira d'arriver à Tombouctou avec un chemin de fer et l'on y trouvera sans peine toutes les richesses désirables, y compris celles qui seront nécessaires pour payer les frais du chemin de fer.

Tout cela est fort exagéré. Tombouctou est autre chose qu'un champ de décombres, et, d'un autre côté, en Afrique tropicale, on ne trouve point de richesses toutes faites, pas plus à Tombouctou qu'ailleurs.

On a dit maintes fois, ce qui est exact, que Tombouctou est né du contact du Niger et du Sahara. Voilà en effet ce qu'il faut avoir toujours en vue. Le Niger amenait à Tombouctou les produits tropicaux et distribuait au travers du Soudan ceux que les caravanes sahariennes avaient apportés.

Tant que la voie du désert a été la seule liaison existante entre le Soudan, le bassin méditerranéen et l'Europe, Tombouctou a été un des marchés les plus importants du continent africain. Les Touareg lui ont été néfastes; mais l'établissement sur la côte occidentale des comptoirs européens lui a porté un coup plus rude que leurs exactions. De ce leurs exactions. De ce jour, nos produits se sont répandus à profusion dans l'Afrique occidentale. Dès lors Tombouctou n'a plus été le grand entrepôt; on a cessé de pouvoir y trouver l'or, les plumes et l'ivoire qui avaient fait sa célébrité. Notre conquête, à ce point de vue, lui a porté le dernier coup.

Il est d'un usage courant de croire que la voie d'accès le meilleur marché à Tombouctou est le Sahara. J'estime que c'est là une erreur. On déclare aussi que les grands commerçants de Tombouctou la préféreront toujours à toute autre, parce que, par elle, ils sont en relation avec les villes du littoral méditerranéen, dont ils sont en général originaires, ou dont tout au moins ils ont la langue et la religion. C'est là mal les connaître; ils ont vite abandonné la voie du Sahara lorsqu'ils ont vu qu'elle était la plus coûteuse. Notre pacification leur a ouvert pour arriver à Tombouctou une nouvelle voie celle du Sahel qui passe par Goundam, Sokolo, Goumbou, Nioro, pour arriver à Médine. A Médine, ils trouvent les mêmes marchandises qu'au Maroc ou à Tripoli. Le général de Trentinian les a invités à venir s'y approvisionner. Milad a commencé à le faire et d'autres ont suivi. Cette route étant devenue moitié moins coûteuse, les commerçants de Tombouctou se sont mis de plus en plus à la suivre. En 1898, sur 200 000 francs de marchandises européennes arrivées dans leur ville, il n'y en a eu que pour 20 000 francs qui soient passées par le Sahara'.

Comme on le voit par ce chiffre, Tombouctou n'est plus le marché qui alimente le Soudan, car elle est devenue par trop excentrique par rapport aux routes suivies par les marchandises qui viennent de la côte occidentale. Tombouctou ne reçoit plus que les marchandises européennes qu'elle consomme. La grande ville a donc perdu la prérogative qui a fait autrefois sa grandeur, d'être le lien entre le bassin méditerranéen et le Soudan occidental. Dans ce sens, on a raison de dire que Tombouctou est déchue de sa grandeur. Mais elle est toujours le plus grand marché de sel de l'Afrique; voilà ce qui a sauvegardé l'importance de cette ville et ce qui probablement la maintiendra toujours.

Nous ne pouvons ici entrer dans les détails des transactions auxquelles donne lieu le commerce du sel; leur mécanisme est presque aussi compliqué que celui des marchés des peuples dits civilisés. Spéculations, accaparements, crises monétaires, rien n'y manque.

Tombouctou est avant tout un entrepôt. Les grands commerçants indigènes qui y sont fixés exploitent, par l'intermédiaire de correspondants, les mines de sel de Taodeni. Les Maures leur paient fort cher leurs services en effectuant les transports d'abord jusqu'à Araouan, ensuite jusqu'à Tombouctou. Les habitants des rives et de la boucle du Niger viennent acheter ce sel en apportant en échange leurs produits. Les cultivateurs de Djenné et du Macina envoient les grains, riz et mil; des commerçants de la boucle, leurs bandes de coton, les kolas du sud et leur fer.

C'est ainsi qu'en 1898 il est arrivé à Tombouctou 46 000 barres de sel

1. Du mois d'août 1898 au 15 février 1899 il a été importé à Tombouctou, provenant de Sokolo : 870 pièces de tissus, de Goumbou: 57, de Nioro: 3000, de Médine: 400, de Kayes: 700.

représentant une valeur de 1 000 000 de francs. Il en a été importé dans la boucle du Niger pour 800 000 francs. Entre autres choses, ce sel avait été échangé contre du grain;

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en l'année 1895, sur 2000 tonnes de sorgho importé à Tombouctou, 1000 avaient pris le chemin du Sahara.

Pendant la saison des basses eaux, les barres de sel sont prises par les âniers qui se rendent sur les marchés de sel de Sarafèré, Korienza et Douentza en emportant en général seulement trois barres chacun. Pendant les hautes eaux, au con

PIROGUE SUR LAQUELLE M. BAILLAUD A DESCENDU LE NIGER.
Reproduction d'une photographie de M. E. Baillaud.

traire, partent les grands navires fluviaux dirigés vers Djenné et San. On peut admettre que, par ces diverses opérations, les commerçants de Tombouctou réalisent un bénéfice de 30 pour 100.

Tel qu'il est actuellement, ce commerce de Tombouctou ne semble point. devoir diminuer d'importance. Il est assez intense pour conserver à la grande ville saharienne son caractère. C'est à nous de savoir profiter de ces grands commerçants pour bénéficier de ce rôle d'entrepôt du Sahara et du Soudan.

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Il y a peu matière à observation depuis Tombouctou à Bamba. Le Niger est entièrement un fleuve du désert. Entre deux dunes de

sable blanc, il laisse cou

DJENNE. MAISON OÙ A LOGÉ CAILLÉ.
Reproduction d'une photographie de M. E. Baillaud.

ler paresseusement ses eaux bleues. Tous ses marigots sont réunis pour la première fois, sa profondeur répond à sa largeur: entre Tombouctou et Gao évoluerait une escadre.

LA GÉOGRAPHIE. II.

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Sur le sable, quelquefois, on aperçoit des cases rondes au toit surbaissé. Quelques noirs cultivent sur le bord du fleuve le tabac connu dans tout le Soudan sous le nom de tabac de Bamba, ou encore de l'orge. Les champs où poussent ces plantes sont fort bien entretenus. Tout près de l'eau est élevée une petite butte dont le sommet forme cuvette. Celle-ci, par une infinité de canaux, communique avec une série de petits carrés dessinés par des talus de terre entre lesquels sont plantés le tabac ou l'orge; à l'aide de calebasses on remplit la cuvette, et peu à peu les champs sont arrosés.

Ce tabac est toute la richesse de ces terres désolées, mais cette richesse n'est pas à dédaigner.

Les indigènes de cette partie du fleuve commencent à nous connaître. Pendant ces deux dernières années, les canonnières le Mage et le Lespiau ont servi de liaison continue entre Tombouctou et les colonnes qui opéraient sur le fleuve.

De Taossaye à Gao, il y a quelques îles, et, dans le lit même du fleuve, de grands champs de bourgou, la plante productrice du sucre de l'avenir. De paisibles populations vivent de l'élevage des troupeaux qui paissent dans le bourgou, et se livrent à un petit commerce; les Maures apportent dans les villages le sel de Taodéni et l'échangent contre du mil, du riz, du tabac et surtout des bestiaux. Les habitants des villages vont à leur tour porter ce sel à Hombori et le donnent contre les tissus de la boucle du Niger.

De Gao il ne reste que quelques cases et les ruines du tombeau du grand Ashia.

C'est le point par lequel l'Aïr était en relations avec la boucle du Niger. Il serait du plus haut intérêt pour nous de renouer ces relations.

Entre Gao et Ansongo est le lieu de passage de Maures qui vont apporter. sur le marché de Dori le sel de Taodéni; à partir de Gao commence une région du fleuve tout à fait intéressante, la région des îles.

On a admis jusqu'ici que de Tombouctou à Saï il n'y avait comme populations groupées d'une façon appréciable que des Touareg. On y rencontrait cependant des représentants de races noires, mais on ne voulait leur reconnaître qu'un rôle tout à fait subalterne. Depuis que la politique du colonel Klobb a débarrassé le fleuve des Touareg, il est aisé de s'apercevoir du rôle joué par les autres races. L'empire Songhay a disparu, mais ce sont encore des populations songhayes qui mettent en valeur le fleuve.

Cette partie du Niger présente, en effet, une multitude d'iles subissant le même régime d'inondations que le delta intérieur, et représentant une superficie cultivable de 150 000 hectares. Les habitants y cultivent du riz et du coton. Leurs récoltes sont si abondantes que, pour les loger, ils sont obligés de construire de grands greniers de forme sphérique, très nombreux (dans les îles occupés par les villages, les cases disparaissent entièrement derrière

eux). J'estime la production totale des îles en riz, d'après la contenance de ces greniers, à 50 000 tonnes annuelles. Le jour où il sera possible d'exporter les grains du Soudan, il y aura là un précieux appoint. De même, on pourra exporter de grandes quantités de coton.

Un autre produit est à signaler, qui, lui, restera spécial aux îles : les plumes d'autruches. Les Songhays des îles élèvent, en effet, de nombreuses autruches. Les îles du Niger sont tout indiquées pour cela les autruches ne peuvent s'échapper, et, d'un autre côté, il est facile de débroussailler ces espaces limités, de fa

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çon que les plumes ne se déchirent pas aux

ronces.

Ici je suis obligé de parler un peu politique.

Il a été de croyance générale jusqu'à ces derniers temps qu'il était nécessaire de respecter la situation des Touareg sur le fleuve, que, sans leur permission il serait impossible de circuler sur le Niger. On n'a guère pactisé

RÉGION SAHARIENNE PRÈS DE BAMBA. Reproduction d'une photographie de M. E. Baillaud.

avec les Touareg dans ces dernières années; il semblerait que cela ait dû fermer tout passage. Pourtant, sans défense aucune, j'ai voyagé pendant un mois sur cette partie du fleuve. J'ai passé mes nuits sans me garder aucunement au milieu des villages du fleuve. A Sansan Haoussa, où je pouvais craindre quelque représaille indirecte, j'ai pu séjourner de longues heures sans inconvénient c'est qu'à côté des Touareg des rives, il y a les habitants du fleuve. Les terres légères» de lord Salisbury existent sur les deux rives; entre elles, il en est qui peuvent être des sources considérables de richesse. Elles ont leur race, les derniers habitants de l'empire songhay, qui doivent pouvoir vivre indépendants de leurs oppresseurs les Touareg et mettre en paix leurs terres en valeur. Depuis ces derniers temps nous empêchons les Touareg de venir les piller; les Songhays ont donc mis leur confiance en nous, et nous ont ouvert le fleuve; nous devons continuer à les protéger.

Nous ne venons pas prétendre qu'il faille chercher l'extermination des Touareg. On a inauguré une politique à leur égard; il faut la suivre, et cela est facile. Ces Touareg viennent régulièrement se ravitailler par leurs pillages au fleuve; il suffira de les en empêcher. Sous peine de mourir de

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