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La Géographie

Reconnaissance de l'arc du méridien de Quito

I

Dans la Conférence générale de l'Association géodésique internationale tenue à Stuttgart, au mois d'octobre 1898, la question de la revision, avec tous les procédés de la géodésie moderne, de la mesure de l'arc de méridien effectuée au Pérou, de 1736 à 1743, par les académiciens français Bouguer, La Condamine et Godin, question déjà posée en 1889, fut soulevée à nouveau par le délégué des États-Unis d'Amérique. La proposition présentée à la Conférence fut interprétée, à juste titre, comme une mise en demeure pour notre pays d'user des droits de priorité qu'il avait toujours revendiqués à ce sujet : c'était un honneur auquel nous ne pouvions pas nous soustraire.

La commission des délégués français qui se réunit peu après, au commencement de 1899, fut unanimement d'avis qu'il y avait lieu de recommander cette entreprise à toute la sollicitude du gouvernement. Une simple revision de l'ancien arc, qui comportait une amplitude d'à peu près trois degrés, ne répondait plus toutefois aux desirata de la science. La commission jugea indispensable de donner à la nouvelle méridienne un développement atteignant au moins cinq degrés, qui permettrait de la comparer utilement aux arcs calculés dans l'ancien continent, en particulier à la méridienne de France, et à l'arc polaire russo-suédois actuellement en cours de mesure.

Une pareille opération ne pouvait être abordée sans reconnaissance préalable; la Commission conseilla donc l'envoi d'une première mission, composée de deux géodésiens choisis dans les cadres du Service géographique de l'Armée, chargée de recueillir tous les renseignements nécessaires pour la préparation de la campagne définitive.

Telles furent les raisons qui conduisirent M. le ministre de l'Instruction Publique à nous envoyer, le capitaine Lacombe et moi, dans la république de l'Équateur, sur le territoire de laquelle se trouve actuellement l'arc à mesurer.

LA GÉOGRAPHIE. II.

1

Nous sommes restés en Équateur cinq mois (de juillet à novembre 1899), au cours desquels nous avons parcouru une des parties les plus élevées de la Cordillère des Andes, depuis les environs de Pasto, en Colombie, jusqu'aux régions septentrionales du Pérou, choisissant, parmi les nombreux sommets dont nous avons fait l'ascension ceux qui nous ont paru le plus convenables pour porter à six degrés, c'est-à-dire à près de 700 kilomètres l'amplitude de la future méridienne.

Nous n'aurions pu mener à bien notre tâche dans un temps relativement si court, sans l'appui moral et matériel du gouvernement de l'Équateur, appui qui nous fut toujours accordé dans la plus large mesure. Nous sommes heureux de pouvoir adresser ici un témoignage de profonde gratitude au général Alfaro, président de la République, dont l'intervention personnelle et constante nous a été précieuse, et à notre ministre à Quito, M. Frandin, qui nous a puissamment aidés de son expérience du pays et de la haute autorité qu'il a su s'y acquérir. Nous avons, d'ailleurs, rencontré partout, dans ces régions trop peu connues de nous, des sentiments de sincère amitié et de véritable admiration pour la France, considérée comme une sœur aînée; nous y avons trouvé des esprits éclairés, à vues larges, comprenant tout l'intérêt qui s'attachait à l'œuvre scientifique projetée chez eux; nous leur gardons un reconnaissant souvenir à tous, Equatoriens, Colombiens et Péruviens, dont nous avons reçu pendant cinq mois la généreuse hospitalité.

II

Un aperçu succinct des grandes opérations géodésiques entreprises jusqu'ici permettra de mieux saisir le but et la portée de celle qui nous occupe.

Les premières recherches connues sur les dimensions du globe terrestre remontent à l'antiquité grecque. Dès que la forme sphérique de la terre fut admise, il devait venir à l'esprit des géomètres d'en déterminer la dimension. Pour cela, il suffisait de connaître la longueur d'un arc de méridien et son amplitude angulaire, c'est-à-dire, l'angle formé par les deux rayons joignant ses deux extrémités au centre de la terre; la mesure de la longueur de l'arc se faisait directement par des procédés d'arpentage et la mesure de l'amplitude par les procédés grossiers de l'astronomie primitive, en évaluant, par exemple, le même jour, dans les deux stations, la hauteur méridienne du soleil; un calcul très simple donnait ensuite la longueur du degré, celle de la circonférence, et par suite la valeur du rayon. Tel fut le principe des mesures faites par Archimède, Ératosthène, Posidonius, Ptolémée, et, au moyen âge par les astronomes arabes dans les plaines de la Mésopotamie, mesures forcément très imparfaites conduisant à des résultats variables, suivant les opérateurs, du simple au double.

C'est, cependant, toujours à cette méthode que la géodésie moderne à recours, en combinant la mesure de longueur d'arcs, soit de méridiens, soit de parallèles, avec l'exacte détermination de leur amplitude astronomique. Mais, ce n'est qu'à partir du milieu du xvIe siècle qu'elle devint réellement une science positive, grâce aux travaux du Hollandais Snellius et de l'abbé Picard. Le premier imagina de substituer à la mesure directe des distances, totalement impraticable dès que cette distance devient un peu considérable et que le terrain n'est pas parfaitement uni, la méthode de la triangulation, consistant à former, le long de l'arc à mesurer, une chaîne de triangles réunissant ses deux extrémités. L'un des côtés, choisi sur un terrain uni et favorable, est mesuré avec tout le soin possible, à l'aide d'une règle-étalon, et constitue la base; tous les angles des triangles sont mesurés au goniomètre, et le calcul, par les formules rigoureuses de la trigonométrie, fournit, ensuite, de proche en proche, tous les côtés des triangles et la distance des deux extrémités de l'arc. L'abbé Picard rendit la mesure des angles à la fois expéditive et précise en adaptant la lunette aux instruments goniométriques.

La géodésie, en possession de ces puissants moyens d'action, était dès lors en mesure d'élargir le cercle de ses investigations, en suivant le grand mouvement scientifique créé par les théories d'Huyghens sur la force centrifuge et de Newton sur l'attraction universelle, et en cherchant à préciser davantage les formes du globe terrestre.

La théorie indique que la terre a la forme d'un ellipsoïde aplati aux extrémités de son axe de rotation, c'est-à-dire que la longueur du degré doit aller, en augmentant, de l'équateur aux pôles. Or, les mesures effectuées, de 1670 à 1718, par Picard et Lahire entre Paris et Dunkerque, par les Cassini entre Paris et les Pyrénées, surtout en vue d'assurer une base certaine à une carte précise du territoire, conduisirent à un résultat diamétralement opposé : le degré moyen fut, en effet, trouvé de 56 000 toises entre Paris et Dunkerque, de 57 000 environ entre Paris et les Pyrénées. Un vif débat s'engagea entre les savants anglais et français, ceux-ci soutenant que la terre est allongée suivant l'axe polaire. C'est pour le résoudre que l'Académie des Sciences décida, en 1734, l'exécution des deux mémorables triangulations qui fixèrent la valeur du degré à l'équateur et sous le cercle polaire. Maupertuis et Clairaut mesurèrent un arc en Laponie; celui du Pérou le fut par Bouguer, Là Condamine et Godin, pendant que Lacaille, en France, revisait l'œuvre de Lahire et des Cassini. Les résultats de ces expéditions apportèrent une éclatante confirmation aux théories newtoniennes.

Lorsque, à la fin du siècle dernier, la Commission du système métrique, instituée par l'Assemblée Constituante pour fixer une unité fondamentale de longueur à la fois nationale et universelle, eut décidé d'adopter la 10 000 000 partie du quart du méridien terrestre, ce fut l'arc du Pérou qui,

combiné avec la méridienne de France, servit à fixer les dimensions de l'ellipsoïde terrestre qui devait former la base des calculs; mais les opérations de Cassini n'étaient pas suffisamment précises; Delambre et Méchain les reprirent, de 1792 à 1798, entre Dunkerque et Barcelone, en utilisant de nouveaux instruments plus parfaits, créés par Borda.

Je n'insiste pas davantage sur ces travaux universellement connus, d'où est sorti le système de poids et mesures adopté par la presque totalité du monde civilisé.

Depuis cette époque, les autres nations suivirent la France dans la voie géodésique. De nombreux arcs couvrirent successivement l'Europe, les Indes, l'Amérique du nord, le Nord et le Midi du continent africain, serrant toujours la terre de plus près. Legendre, puis Gauss, perfectionnèrent les méthodes de calcul; la théorie des erreurs permit d'asseoir les observations sur des bases rationnelles.

Malgré le haut degré de perfection réalisé par Delambre et Méchain, dans leurs mesures qui furent la base de la grande carte dite de l'État-Major et le point de départ des autres chaînes du réseau français, mesurées, de 1818 à 1850, par les ingénieurs géographes, on fit mieux à l'étranger. Le problème s'était d'ailleurs élevé; il s'agissait d'étudier, sur toute la surface du globe, la forme des courbes méridiennes, de savoir si la terre est réellement un ellipsoïde de révolution, ou si elle se rapproche plus ou moins d'un ellipsoïde à trois axes; d'étudier patiemment les discordances qui existent entre les verticales géodésiques et astronomiques; d'arriver, en un mot, à une connaissance plus approfondie et plus parfaite aussi bien de la forme superficielle du globe que de sa constitution intérieure.

Les géodésiens français, absorbés par le lourd travail de préparation de la carte, durent forcément lui sacrifier ces divers points de vue d'intérêt moins immédiat, et il faut arriver jusqu'à la veille de la guerre de 1870, pour assister au réveil. C'est au général Perrier, dont le nom est dans toutes les mémoires, que revient l'honneur de cette résurrection; c'est en grande partie sur son initiative que fut décidée la réfection de la méridienne de Delambre, qui ne pouvait plus supporter la comparaison avec les travaux étrangers plus récents. Cette importante opération, dont il a été plusieurs fois parlé ici, fut exécutée de 1870 à 1892, sous la direction du général Perrier, puis du colonél, aujourd'hui général Bassot, directeur du Service Géographique, avec toutes les garanties d'exactitude que présente la science moderne.

La nouvelle méridienne de France peut servir de modèle pour toutes les opérations du même genre entreprises actuellement. Elle est reliée au réseau anglais, et, par l'intermédiaire du réseau espagnol, au réseau algérien. Ce fut le général Perrier qui réalisa, en 1879, le rêve grandiose conçu par Biot et Arago de franchir la Méditerranée en jetant par dessus quelques triangles

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