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parfois nous avons de la peine à traverser. Lors des hautes eaux de l'Euphrate tout le pays est inondé.

Enfin, après deux jours de route, nous arrivons à Niffer et plantons notre camp dans les ruines mêmes, en face de la maison où, depuis onze ans, habitent les membres de la mission américaine.

M. et Mme Hynes, véritables pionniers de la science, nous offrent l'hospitalité la plus gracieuse. Nous sommes, je crois, les premiers Européens qui soient venus leur rendre visite.

Les travaux de la mission américaine sont considérables. Les ruines ont été attaquées sur tout leur

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pourtour, et, aujourd'hui, c'est

sur le Zigourat que sont concentrés les efforts. Les résultats scientifiques de ces travaux sont très importants.

Du sommet du tell de Niffer, la vue s'étend, vers l'est, sur une vaste plaine sans cultures et sans eau, au milieu de laquelle s'élèvent de nombreux monticules, restes de villes antiques. A l'ouest, ce sont les marais que nous avons tournés, les canaux et les cultures des nomades Afèks, dont

RUINES A TELLO.

Reproduction d'une photographie de M. J. de Morgan.

les groupes de tentes noires se distinguent, à perte de vue, au milieu des joncs et des roseaux.

A Niffer commencent les pays qui, dans la haute antiquité, furent les plus peuplés; les ruines s'élèvent en grand nombre, accompagnées de leurs canaux aujourd'hui comblés; des monticules de moindre importance signalent les sites des anciens villages.

Les tells les plus remarquables que nous ayons rencontrés sur notre route entre Niffer et Chatra, sont: Delayin, Boland, El Mezba, Bismaya, et enfin, El-Hammam, Djokha et Oum-el-Agareb. Ces trois derniers renferment les vestiges de la ville célèbre de Ouh-hou1.

Toute la région ne présente pas de ruines régulièrement distribuées. Il est de vastes espaces qui jamais n'ont été habités et où le sol, couvert de coquilles lacustres, n'est que le fond d'anciens marais.

Ailleurs, ce sont des dunes de sable fin, mobiles comme celles de l'Égypte

1. Textuellement Gis-UH-Ki, d'après les cartes cunéiformes.

et opposant au voyageur de réelles difficultés; plus loin, on rencontre de véritables forêts de tamaris occupant des terrains bas où l'eau salée se trouve à peu de profondeur. Entre Niffer et le Chatt-el-Haï l'eau potable fait entièrement défaut, et, sauf près de Djokha où les nomades ont creusé quelques puits fournissant un liquide saumâtre, nous n'avons rencontré aucun canal permettant d'abreuver nos bêtes.

Il est aisé de voir, d'après les débris qu'on rencontre à la surface des tells, que cette région était encore florissante, à l'époque où elle subissait la domination des rois sassanides de Perse. Son absolue stérilité ne date que de la conquête arabe.

Mais, si certains vestiges nous amènent jusqu'au vir siècle de notre ère, d'autres nous font remonter beaucoup plus avant dans la nuit des temps. Quelques ruines reposent sur des couches épaisses de cendres et de poussières où abondent les silex travaillés par la main de l'homme.

Quelle date pouvons-nous assigner à ces couches profondes? Nulle évaluation ne peut être faite; elles sont beaucoup plus anciennes que les monuments laissés par les Patesis, elles sont antérieures à la connaissance des métaux, et, peut-être aussi de l'écriture.

Chatra, où nous sommes arrivés en longeant le Chatt-el-Haï, est une bourgade de quelque importance; c'est la résidence des autorités civiles, et, en même temps, le centre d'où les troupes ottomanes peuvent tenir les Arabes nomades dans l'obéissance. Dans cette localité, chacun fut pour nous on ne peut plus gracieux, et, je dois le déclarer, j'ai été surpris de rencontrer dans ce district éloigné des troupes aussi bien tenues et une police aussi bien faite. Tout ce qui nous avait été dit par nos gendarmes au sujet de l'insécurité du pays n'était que pure fantaisie les braves gens voulaient faire valoir leurs services. Il existe bien des colonies européennes, réputées pour leur bonne administration, dans lesquelles la sécurité est moindre qu'en Chaldée.

Turcs et Arabes vivent en assez bons termes; les seules causes de troubles sont la perception des taxes qui, bien que légères, n'en sont pas moins un lourd fardeau pour la pauvreté des nomades. Quant à l'action des officiels, civils ou militaires, elle est généralement très douce, et, si la rigueur doit être parfois employée, ce n'est que, lorsque les nomades se fiant à la force des armes qui leur sont fournies par des mains étrangères, ennemies de l'ordre, commettent quelques méfaits ou se mettent ouvertement en révolte contre le gouvernement.

De Chatra, nous avons traversé le Chatt-el-Haï, pour nous rendre, en quelques heures, à Tello, localité célèbre par les belles collections qui en ont été rapportées au Louvre par M. de Sarzec.

Tello était une ville de province, une bourgade de peu d'importance, mais qui, ayant ses chefs particuliers, jouissait de son autonomie.

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Il existe, dans la basse Chaldée, une foule de localités présentant autant d'intérêt que Tello et que Niffer. Malheureusement, jusqu'ici les fouilles ont été peu nombreuses, par suite des difficultés naturelles du pays. S'il avait été tenté en Chaldée autant d'efforts que dans la vallée du Nil, la civilisation antique de ce pays nous apparaîtrait sous un tout autre jour que celui sous lequel nous l'envisageons. Malgré les efforts des missions françaises, américaines et allemandes, nous ne possédons encore que des documents bien vagues et sans liens sur les générations qui précédèrent Naramsin et ses contemporains.

La steppe entre Chatra et Amara n'avait jamais été parcourue par des Européens; nous l'avons visitée en quatre jours.

En quittant Tello, nous avons rencontré, sur notre droite, de vastes marécages que nous avons dù tourner; puis, ce fut une plaine semblable à celle que nous venions de parcourir entre Niffer et Chatra, avec cette différence qu'on n'y voit aucune trace de végétation et que le sol est couvert de croûtes salines.

Les ruines sont très nombreuses dans cette région; elles n'ont pas, il est vrai, la grandeur des tells situés au nord du Chatt-el-Haï, mais leur multiplicité, compensant leur défaut d'étendue, montre combien ces pays étaient autrefois peuplés.

Les Arabes, lors de la conquête, trouvèrent là un district florissant; si nous en jugeons par les débris d'époque sassanide qui abondent dans les ruines, eux-mêmes s'y fixèrent pendant quelques siècles, et, le tombeau vénéré de Seïd Akhmed El-Roufaï, qui s'élève à une journée d'Amara, en est une preuve. Mais peu à peu les canaux se comblèrent et la stérilité envahit la plaine.

Les restes des travaux d'irrigation sont extrêmement nombreux; on voit même encore, aux approches de certaines ruines, les divisions du sol pour les cultures.

Entre le tombeau de Seïd Akhmed El-Amara, la plaine basse est, en grande partie, couverte par les eaux, et, ailleurs le sol est semé de coquilles lacustres. Les villages antiques s'élevaient dans des îlots au milieu des marais.

Aujourd'hui, cette plaine est habitée par les nomades arabes et la tribu des Abou-Dorradj, gens redoutés, dans tout le pays, comme d'intrépides pillards, mais qui nous laissèrent fort poliment traverser leur territoire.

Au fur et à mesure qu'on avance vers le Tigre inférieur, les ruines remontant aux premières civilisations deviennent plus rares; on ne rencontre plus que des restes du moyen âge. Ces régions étaient, il y a peu de temps encore, couvertes par les eaux, et, nous savons que la fondation de Bassorah est de peu d'années antérieure à la conquête musulmane.

C'est principalement sur les bords de l'Euphrate et dans la plaine du Djezireh, située au nord du Chatt-el-Haï, que se développa, dans la haute antiquité, la civilisation chaldéenne; c'est là que s'élevèrent les villes les plus impor

tantes, à commencer par Ourou, patrie d'Abraham, et tant d'autres cités dont les sites n'ont pas encore été nettement précisés.

L'Euphrate et le Tigre, tout comme le Nil, sortent, périodiquement chaque année, de leur lit, et, leurs eaux couvrent le pays. Il serait donc aisé, en rétablissant les anciens canaux, de rendre la fertilité à ces vastes plaines; mais il faudrait des bras pour de semblables travaux, il en faudrait pour les cultures, et, c'est ce qui manque le plus à la Chaldée. L'on peut reprocher aux musulmans d'avoir laissé tomber dans la pauvreté ces riches pays; il serait, cependant, injuste d'accuser l'administration actuelle ottomane: elle ne dispose plus aujourd'hui de la main-d'œuvre nécessaire pour rendre aux champs l'eau qui leur fait défaut et pour les cultiver.

La Chaldée est un pays au climat rude; les grandes chaleurs de l'été qui parfois atteignent 45 ou 50 degrés sont le plus grand obstacle à la colonisation au moyen de populations venant d'autres parties de l'empire ottoman. Seuls, les Arabes et les Chaldéens peuvent endurer les températures extrêmes. En hiver, il n'est pas rare de voir le thermomètre indiquer 6 ou 8 degrés au-dessous de zéro, mais ces froids sont de courte durée.

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TRANSPORT DE CADAVRES A KERBALA.

Vue prise sur la route de Khanéghin à Bagdad. Reproduction d'une photographie de M. J. de Morgan.

En quittant Amara, ville d'une certaine importance, je suis retourné à Badgad, sur un bateau turc remontant le Tigre, et, sans une quarantaine de dix jours établie à Kout-el-Amara pour arrêter les progrès du choléra vers le nord, je serais arrivé en trois jours dans le chef-lieu de la Mésopotamie.

La navigation sur le Tigre est assez difficile par suite des sinuosités sans nombre que fait le fleuve et aussi à cause de l'extrême mobilité des bancs de sable. Toutefois, elle se fait très régulièrement; c'est la seule voie pour les marchandises entre la mer et Bagdad.

Au cours de ce voyage, j'ai vu les ruines informes de Séleucie, celles de Ctésiphon, dont l'arc monumental a été, dans ces dernières années, en partie détruit par un pacha désireux de se procurer des matériaux pour construire une école.

Par suite de la difficulté actuelle des communications, Bagdad est, peut-être aujourd'hui, l'une des villes du monde les plus éloignées des centres de civili

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