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qui fut jadis mon guide. C'est cet homme qui nous a fourni, un peu plus tard, à Tighammar, les deux guides définitifs qui nous ont conduits jusque dans l'Aïr. Les notables des Azdjer, prévenus à Ghadamès par un homme que je leur avais expédié antérieurement, ont bien envoyé une dizaine de guides, mais, ces derniers sont arrivés en retard à Aïn El-Hadjadj, où nous leur avons fait savoir que nous n'avions plus besoin de leurs services.

L'attaque et la traversée du massif montagneux nommé Tindesset emploient quatre jours, mais des jours mémorables, étant donné les difficultés de terrain à vaincre. De hautes cimes

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de grès noirci par les intempéries, se dressent, menaçantes, devant et autour de nous, en un spectacle morne mais grandiose, dans lequel nous semblons une armée de fourmis montant à l'assaut d'une pyramide d'Égypte. Partout des ravins que l'on ne peut traverser qu'au prix d'efforts constants au milieu des éboulis.

FIG. I. L'AVANT-GARDE DANS LE TINDESSET.

Tout à coup, une Reproduction interdite en France et à l'étranger y compris la Suède et la Norvège. cascade superbe, sans

eau bien entendu, mais d'un splendide aspect, avec sa table de pierre qui surplombe d'une vingtaine de mètres le bassin inférieur de l'ouad Angarab!

Le chaos continue longtemps ainsi; puis, toute cette masse de roches se termine brusquement au sud, et, c'est par une vertigineuse descente qu'il nous faut atteindre la plaine par un sentier en lacets encombré de blocs, qui parfois ne laissent pas même entre eux l'espace nécessaire pour le passage d'un chameau.

En bas, on campe dans l'ouad Oudjidi, au pied de hauts mamelons dont les roches sont couvertes d'inscriptions touareg anciennes, et, dont les flancs portent d'énormes et antiques tombes que la légende assure devoir contenir des trésors. A ce sujet, un Targui qui nous suivait me raconte ceci :

« Un Targui, accompagné d'un nègre, ayant senti s'enfoncer facilement sa lance dans le sol d'une de ces tombes, se mit à la fouiller. Il trouva, à faible profondeur, d'abord, une marmite en terre cuite, vide, puis, en dessous, une seconde marmite remplie de pépites d'or. Comme il cachait sa trouvaille dans un pan de son vêtement, le nègre lui demanda ce que c'était. Ce n'est rien, lui répondit le Targui, dis seulement Bismillahi, etc... Le nègre ayant prononcé la phrase sacramentelle, l'or se changea immédiatement en vieux tessons... >>

<< Le Targui avait oublié, avant sa recherche, d'immoler sur la tombe une chèvre

ou une chamelle, et, les dieux mécontents ne lui permettaient pas de s'approprier le

trésor... >>

La suite de la route, qui nous fait passer à Tighammar et à Ahelledjem, est bien toujours plus ou moins en montagne, mais, de parcours beaucoup plus facile. De ce dernier point, nous atteignons, ensuite, Afara, où nous passons un premier janvier tellement glacé que nous aurions pu croire, pour un instant, n'avoir point quitté la France.

Là, nous sommes dominés par la haute falaise sud du Tassili qui découpe sa fantastique silhouette sur tout le nord de l'horizon profils de cathédrale, obélisques, tours, constructions massives, énormes, à lignes presque géométriques, rien n'y manque.

C'est là que nous rejoignent les deux guides touareg, Sidi et Chaouchi, qui doivent nous conduire au premier village de l'Aïr. Nous sommes donc définitivement en route, ne possédant, il est vrai, que des renseignements confus, souvent même contradictoires, sur les points d'eau intermédiaires, mais, enfin, nous sommes en

route.

Bientôt commence la traversée de la région montagneuse nommée Anahef, où tout n'est que quartz et granit, succession de lignes de montagnes, de plateaux difficiles, de lits de rivières encombrés de roches; au milieu de cette zone, nous franchissons la ligne de partage des eaux des bassins méditerranéen et atlantique, pour aller camper ensuite à Tadent.

Une courte excursion de cinq jours, du 20 au 24 janvier 1899, nous conduit, le commandant Lamy, Dorian, Leroy et moi, au puits de Tadjenout, point où furent massacrés le colonel Flatters et ses collaborateurs. Nous étions tous montés à méhari, et, nous n'avions pour escorte que 30 Chambba, de Ouargla, et, un guide nommé Thâleb, Targui de l'oasis de Djanet.

Cette excursion fut extrêmement pénible, tant à cause de la vitesse de notre marche que des difficultés du terrain et du manque d'eau. Nous avons traversé les gorges imposantes et sauvages de la rivière Obazzer, et, des régions schisteuses et granitiques, d'une tristesse et d'une désolation dont rien ne peut donner l'idée. De puissants massifs, Zerzaro, Sodderai et Serkout, rudes et déchiquetés, hérissés d'aiguilles, s'élevaient au loin, autour de nous, gigantesques témoins qui se dressent imposants sur l'infertile et inhospitalier plateau.

De Tadent, nous gagnons bientôt l'interminable plaine que Barth a si bien dénommée mer de roches, et, que les Touareg appellent l'iniri. Là, le sol de gravier de quartz plan est semé de blocs de granit, de mamelons, de lignes de collines farouches, nues, arides et menaçantes. Pas d'eau; nulle végétation; les chameaux portent en surcharge un peu d'herbe pour leur nourriture, un peu de bois pour la cuisine. Ils tombent les uns après les autres, et, cela du reste, depuis le Tindesset; leurs carcasses viennent se joindre aux innombrables squelettes antérieurs qui bordent cette piste terrible sur laquelle ils ont fourni leurs derniers efforts. C'est la période des marches interminables, fatigantes, décevantes, où l'on chemine sans cesse, sans jamais arriver.

Pourtant la mission atteint, enfin, In-Azaoua, après avoir vainement demandé

au célèbre puits d'Assiou l'aumône de quelques litres d'eau. Ce puits est à sec et In-Azaoua le remplace.

La mortalité qui a sévi sur nos bêtes nous force à laisser ici une partie des charges, d'autant plus qu'un convoi, escorté par le lieutenant de Thézillat, vient de nous apporter des dattes. Un réduit en pierres, auquel est donné le nom de Fort Flatters, abritera, en même temps, ces bagages et 50 hommes de l'escorte, jusqu'au jour où le commandant Lamy reviendra les chercher, pour les ramener à Iferouane où nous devons séjourner.

C'est à In-Azaoua que se rompt le lien qui nous rattachait à la France; c'est là que les derniers courriers, expédiés par les soins du capitaine Pein, nous arrivèrent, et, que nous leur confiâmes nos dernières lettres pour le nord. Après, le silence devint complet et, il me fallut, personnellement, attendre jusqu'à Brazzaville soit dix-sept mois pour retrouver des nouvelles des miens. Seuls, deux télégrammes officiels nous furent remis, dans l'intervalle, à Zinder.

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Une marche de onze jours nous amène à Iferouane, premier village de l'Aïr, situé dans la vallée d'Irhazar. Un seul puits intermédiaire, celui de Taghazi, nous a permis de renouveler notre provision d'eau, en route. C'est là une région montagneuse, parfois très difficile, et, où dominent les quartz, les granites et les gneiss, se présentant, le plus souvent, en roches rondes et en blocs énormes. De larges lits de rivières coupent ces massifs, se dirigeant tous vers l'ouest. La végétation se trouve confinée de ces thalwegs; le gibier, gazelles et antilopes, y est très abondant. Iferouane est un village peu important, composé de huttes très espacées, bien faites et souvent agglomérées en un certain nombre de paillottes entourées d'une enceinte unique en branches sèches de Calotropis procera. Construit sur le bord même de la vallée, ce village possède des jardins et une petite forêt de palmiers. Les habitants sont des Touareg Kéloui, noirs, et, leurs esclaves.

FIG. II.

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GORGES DE LA RIVIERE OBAZZER.

Reproduction interdite en France et à l'étranger y compris la Suède et la Norvège.

Le chef, El-Hadj-Mohamed, nous reçoit de façon convenable; il a connu Erwin de Bary. Il nous présente, peu après, son beau-père, El-Hadj- Yata, vieillard de plus de quatre-vingts ans, encore droit et presque vert, vieux philosophe, parlant fort bien l'arabe et plein d'aménité et d'urbanité. Il a gardé le souvenir du passage de Barth, et, nous entretient d'Erwin de Bary qui fut longtemps son hôte. Il habite le village de Tintaghoda, voisin d'Iferouane.

C'est lui qui, nous recevant un jour dans sa case, me montre un tapis de haute laine, en me demandant si je le reconnais. Je lui réponds que ce tapis est certainement de provenance algérienne, mais, que je suis incapable de lui assigner une origine exacte. Il réplique alors : « Mais c'est toi-même qui en as fait cadeau, il y a quelques années à Guidassen, le sultan des Azdjer, et, ce dernier m'en a vendu la moitié ». J'avais lieu d'être quelque peu surpris de retrouver dans l'Aïr un morceau de mes libéralités de l'ouad Mihero.

Une chaîne de hautes montagnes, le Timgué ou Tenguek, domine Iferouane à l'est et tout près de nous; ce ne sont que pics élevés, abrupts, rugueux, inaccessibles, et, nus, que sillonnent des vallées étroites et profondes. Ces montagnes prennent, le soir et le matin, d'admirables colorations, et, étendent devant nous un imposant et merveilleux panorama.

Nous sommes en pleine lutte pour obtenir des animaux de transport, destinés à remplacer ceux, hélas! trop nombreux, qui ont péri en route depuis l'Algérie; mais, point de chameaux; nul n'en amène, les nomades Kéloui font le vide autour de nous, et, se tiennent hors de portée. Quant aux villageois, ils en ont peu ou point. Nous sommes dans une situation fort embarrassante. Devant l'absence de propositions, le commandant Lamy part, avec nos propres animaux, pour aller chercher l'échelon resté à In-Azaoua, et, après un voyage de vingt-trois jours, très pénible à cause des chaleurs élevées et du manque d'eau, il le ramène à Iferouane; mais il a été mis dans l'obligation de brûler une grande quantité d'objets d'échange, des cotonnades, des dattes, etc., qu'il ne pouvait enlever, faute d'animaux; obligation pénible, désolante et à laquelle nous allions malheureusement être soumis à nouveau, à brève échéance, nos chameaux fondant comme une cire molle autour de nous. Entre temps, le 12 mars, une bande de Touareg, forte de 4 ou 500 hommes, tant montés que fantassins, était venue, au lever du jour, attaquer notre camp, au son des tam-tam, et, en psalmodiant l'invocation musulmane La illa illallah. Attaque aussi folle que vaine; deux ou trois feux de salve dispersent cette horde qui fuit de toutes parts, sans essayer aucun retour offensif, laissant la plaine jonchée de cadavres de méhara et d'hommes. Cette aventure nous met en possession de quelques animaux abandonnés par nos agresseurs.

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Nos vivres sont épuisés; l'achat de mil et de sorgho- qui constituent, maintenant, avec la viande des chameaux invalides, le fond de notre nourriture, est très difficile; on n'en recueille que de très petites quantités, ces denrées venant du Damergou, et, les caravanes de ravitaillement des villages n'étant pas arrivées ou ne voulant pas se montrer.

Des négresses, louées à cet effet, passent leurs journées à piler, au camp, dans de grands mortiers de bois, ces grains indigestes. Quand le temps et la quantité de mil le permettent, elles séparent et enlèvent le son, opèrent un second broyage entre deux pierres préparées à cet effet, et, produisent ainsi une farine passable; dans le cas contraire, qui est le plus fréquent, nous absorbons le tout, sans triage, sous la forme d'une sorte de bouillie grise qui ressemble beaucoup plus à un cataplasme d'hôpital qu'à un potage bisque.

Quelques litres de lait aigre, quelques fromages sees du pays, viennent parfois

varier notre menu, mais, en si petite quantité que c'est insignifiant. Tout le monde saute de joie, quand on a pu acheter une pastèque ou une douzaine d'oignons.

Les tornades sèches, sorte de petites trombes minces et très élevées, soulevées par un vent violent, sont fréquentes et les chaleurs très fortes à cette époque de l'année (mars, avril, mai). Nous sommes dans une énervante attente, préoccupés de la question des vivres et de celle des transports. Chaque jour se produisent de nombreux palabres dans lesquels on discute sur les routes à suivre, sur la position des points d'eau, sur les chameaux à se procurer; malheureusement ces palabres n'aboutissent jamais, et, sauf les quelques chameaux recueillis après la fuite du ghezi et une quinzaine d'autres fournis en location par El-Hadj-Yata, nous n'avons rien vu.

Comme il est impossible d'attendre ici plus longtemps, sans courir le risque peu aimable d'y mourir de faim, il est décidé que nous ferons un pas en avant, en enlevant tout ce que nos animaux disponibles peuvent porter, et, en laissant le reste au camp, sous la garde d'une partie de l'escorte commandée par le capitaine Reibell.

Nous gagnons, ainsi, le 26 mai, le village d'Aguellal, par une marche d'une cinquantaine de kilomètres, et, après un séjour de 90 jours à Iferouane.

Aguellal est situé au pied même d'une haute chaîne abrupte et sombre des montagnes de l'Aïr, en un point où les étroits ravins, venant des sommets, s'épanouissent en un large lit de rivière, abondamment couvert par des fourrés de très beaux gommiers. Nous dominons leurs cimes touffues du haut de notre camp qui est installé sur une éminence isolée, sorte d'îlot de blocs de granit qui nous donne une position tout à fait inexpugnable.

Le village est désert, abandonné par ses habitants qui avaient pris part à l'attaque de notre camp à Iferouane, sous la conduite de leur chef, sorte de marabout, nommé El-Hadj-Moussa.

Nous avions, à cette époque, avec nous, un Targui des Kel-Ferouane, du nom d'Arhaio, sorte de bandit ou d'écumeur de grandes routes, qui était spontanément venu se mettre à notre disposition. Avec lui, des reconnaissances furent exécutées autour d'Aguellal; ces reconnaissances nous firent prendre possession d'un certain nombre de chameaux, de bœufs, d'ànes et de chèvres, appartenant, soit aux gens du village, soit aux autres tribus ayant participé à l'attaque d'lferouane.

C'est dans une de ces reconnaissances, dirigée par le commandant Lamy, qu'une partie de l'escorte fut brusquement assaillie, à Guettara, par un parti de 7 à 800 Touareg qui lui tuèrent un homme et en blessèrent quelques autres. Comme la fois précédente, dès les premiers feux de salve, tout le monde était en fuite, laissant sur le carreau un certain nombre de morts et quelques animaux.

C'est dans le Coran pris dans le harnachement de l'un de ces morts qu'ont été recueillis des fragments de papier, ayant incontestablement appartenu au voyageur Erwin de Bary. Ces fragments portent, écrits au crayon, quelques chiffres et des caractères sténographiques, or, chacun sait que de Bary rédigeait généralement ses notes en sténographie.

Grâce aux prises faites dans les diverses reconnaissances, notre camp est devenu

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