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gigantesques, dont les côtés atteignent 270 kilomètres. L'amplitude de l'arc qui s'étend depuis les îles Shetland, au nord de l'Écosse jusqu'au cœur même du Sahara, dépassera 30 degrés, lorsque sera terminée la triangulation actuellement en cours d'exécution entre Ghardaïa et Ouargla; le temps n'est d'ailleurs peut-être pas éloigné où la géodésie, suivant pas à pas la conquête, atteindra les oasis d'In-Salah.

Devant une telle œuvre, l'arc péruvien de trois degrés, élément indispensable d'une bonne détermination des dimensions du géoïde ne peut plus entrer en ligne de compte; une rapide comparaison de la précision des deux mesures fera encore mieux ressortir toute la distance qui les sépare :

1° Mesure des angles. - La précision de la mesure des angles d'un triangle est caractérisée par ce qu'on appelle l'erreur de fermeture, différence par rapport à 180° ou 200 G. de la somme des trois angles du triangle. Dans la chaine de Bouguer, l'erreur moyenne de fermeture est de 21 secondes sexagésimales ou 65 secondes centésimales; dans la méridienne de France, la même erreur est inférieure à une seconde centésimale.

2o Mesure des coordonnées astronomiques. Les latitudes déterminées par Bouguer pouvaient être erronées de 4 ou 5 secondes; on les observe aujourd'hui à moins de 2 dixièmes de seconde près.

Les longitudes ne pouvaient être obtenues à l'aide des signaux de feu qu'à 1 ou 2 secondes de temps; aujourd'hui le télégraphe les donne avec une approximation de 1 centième de seconde de temps, ou de 15 centièmes de seconde d'arc.

3o Les bases étaient mesurées au moyen de perches qu'on plaçait bout à bout; la précision ne dépassait guère 1/100 000; aujourd'hui, l'emploi des règles bimétalliques et des viseurs à microscopes assure une approximation de 1 millimètre par kilomètre, soit de 1/1 000 000.

Toutes ces causes d'erreur réunies conduisaient à craindre, pour la longueur de l'arc du Pérou, une erreur relative d'à peu près 1/2000; or, en étudiant les imperfections qui affectent la nouvelle méridienne de France, on arrive à cette conclusion que l'erreur à craindre est inférieure à 1/200 000, soit 100 fois moindre.

On voit maintenant de quelle importance est la reprise de l'arc péruvien et son extension, puisque l'erreur à craindre sur la détermination de la position. des extrémités se trouve répartie sur une distance plus considérable.

III

Il me reste à décrire brièvement l'ancienne triangulation et à dire ce que sera la nouvelle, si nos propositions sont acceptées.

L'arc de Bouguer s'étendait des environs de Quito à ceux de Cuenca, sur

une amplitude un peu supérieure à trois degrés, déterminée par la différence des latitudes observées aux deux stations de Cotchesqui, au nord, et de Mamatarqui, au sud. Deux bases, d'une douzaine de kilomètres, mesurées au nord dans la plaine de Yaruqui, au sud dans celle de Tarqui, permirent de calculer de proche en proche les côtés de la triangulation et d'en déduire la longueur du segment de méridienne compris entre les deux stations extrêmes. Les sommets des triangles ou stations géodésiques, au nombre de 32, se trouvaient répartis sur les contreforts de deux chaînes parallèles orientées nord-sud, distantes entre elles d'une trentaine de kilomètres en moyenne, formant les bords d'une sorte de cuvette allongée dont l'altitude au fond varie entre 2,500 et 3,000 mètres, et qui fut un des centres les plus brillants de l'ancienne civilisation des Incas.

L'altitude des stations, dont la connaissance est indispensable pour rendre les triangulations comparables entre elles en les réduisant au niveau moyen des mers, fut déduite d'observations d'angles de hauteur et barométriques très incertaines; l'erreur à craindre pour ces altitudes dépasse certainement une cinquantaine de mètres.

De tous ces travaux nul vestige précis n'existe plus; les observateurs se servaient de leurs tentes comme signaux et jugeaient inutile de laisser derrière eux des repères de quelque importance. Les Indiens, d'ailleurs, se fussent probablement vite chargés de les démolir, dans l'espoir de trouver au-dessous quelque trésor; les pyramides qui marquaient les extrémités de la base de Yaruqui furent démolies jusque dans leurs fondations après le départ des académiciens, les inscriptions qu'elles portaient ayant été jugées injurieuses pour le roi d'Espagne! Des protestations s'élevèrent après la chute de la domination espagnole :

« Des Pyramides, dit Caldas, un des hommes de science les plus éminents de l'Amérique du Sud, en rendant un juste hommage à l'œuvre des savants français, il n'y a plus trace; elles périrent du fait d'une sotte vanité, par la fanatisme de la barbarie; les lys qui les couronnaient gisent maintenant sur le sol; les Indiens de Yaruqui et de Puembo foulent aux pieds les œuvres d'une savante académie! Un Hottentot eût-il fait davantage? Mais la postérité est juste; elle vengera les injures faites aux sciences. »

Ce noble langage fut entendu; le gouvernement de Quito fit restaurer les pyramides à peu près sur leurs anciens emplacements, déterminés malheureusement d'une manière trop incertaine pour qu'on puisse attacher quelque importance à une nouvelle mesure comparative de la base dont elles marquent les termes.

La partie sud de cet arc comprise entre Riobamba et Cuenca, serait conservée intégralement, en reprenant à peu près les anciennes stations; la partie nord, au contraire, présentait des parties défectueuses; nous l'avons

modifiée en nous élevant au-dessus des stations primitives, non sans peine, car nous nous heurtions d'un côté aux masses du Pitchincha (4,800 m.), de I'Iliniza (5,300 m.), du Carihuairazo (5,100 m.) et du Chimborazo (6,300 m.), de l'autre à l'Altar (5,400 m.) et aux

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grands volcans encore en activité de la Cordillère orientale, le Tungourahua (5,100 m.) et le roi des Andes, le merveilleux Cotopaxi, dont le sommet atteint 6,000 mètres.

L'extension de l'ancienne chaîne présentait également de sérieuses difficultés. Au nord, les deux Cordillères, se rejoignent en un massif confus, hérissé de nombreux sommets atteignant 5,000 mètres (je ne citerai que la Cayambe, 5,800 m.; le Cotacachi, 5,000 m.; le Yana Urcu, 4,600 m.; l'Imbabura, 4,600 m.; le Cumbal et le Chiles, 4,800 m., etc.); au sud de

UN SOMMET DU RUCU PITCHINCHA (4,740 m.)
Après une chute de neige.

(Collection du capitaine Lacombe.

Cuenca, la Cordillère s'abaisse; on tombe dans une région fiévreuse, très humide, couverte de forêts où la marche est des plus pénibles.

Nous avons pu cependant gagner au nord un degré environ jusqu'au-delà de la frontière de Colombie; au sud, à peu près deux degrés jusqu'aux environs de la ville péruvienne de Sullana.

L'amplitude du nouvel arc serait donc de six degrés; le nombre total des stations serait de cinquante deux; nous aurions trois stations astronomiques fondamentales, une près de Quito, les deux autres aux extrémités de la chaine, où seraient déterminées la latitude et la longitude télégraphiques. Des observations de latitudes intermédiaires permettraient l'étude des déviations de la verticale; trois bases de 8 à 9 kilomètres seraient mesurées; une centrale, près de Riobamba, reliée à la mer par un nivellement de précision dont l'erreur ne dépasserait pas quelques centimètres; deux de vérification, une en Colombie, l'autre au Pérou; enfin, pour donner à l'œuvre toute la portée qu'une pareille entreprise doit

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LE MOJANDA DE MALCHINGUI (4,300 m.) (Cordillère occidentale.) (Collection du capitaine Lacombe.)

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avoir aujourd'hui, les opérations géodésiques proprement dites seraient complétées par de nombreuses observations de pesanteur, de magnétisme, par des études topographiques, géologiques, et accessoirement par toutes celles qui peuvent intéresser les sciences naturelles, vaste programme, auquel un commencement d'exécution vient d'être donné. Quito possède un observatoire astronomique et météorologique installé dans d'excellentes conditions, pourvu d'instruments des plus récents modèles et qui acquiert une importance toute spéciale du fait de sa situation, à quelques minutes seulement de la ligne équinoxiale (latitude 0°14' sud), à 3000 mètres environ d'altitude, et au pied du Pitchincha, dont le sommet, qui s'élève à 4800 mètres, est d'accès relativement facile et permettrait à peu de frais l'établissement d'une annexe. Le gouvernement de l'Équateur, par décret du mois de février dernier, en a confié la direction à un astronome français, monsieur Gonessiat, de l'observatoire de Lyon, qui vient de partir pour rejoindre son poste; c'est un nouveau et important succès à l'actif de notre pays. Une difficulté financière faillit en compromettre la réalisation : nos ressources budgétaires ne permettant pas d'assurer à notre astronome le traitement que l'Équateur ne pouvait davantage prendre à sa charge; la science possède heureusement de généreux protecteurs, à qui on ne s'adresse jamais en vain quand il s'agit de patronner une œuvre française et dont les magnifiques libéralités ont fait disparaître tout obstacle; nous leur devons, et tous les amis des sciences leur doivent, un nouvel hommage de profonde reconnaissance.

IV

Pour exécuter la mesure du nouvel arc équatorial et entreprendre toutes les études complémentaires qu'il paraît indispensable d'y joindre, nous estimons que cinq géodésiens devront y consacrer quatre années de labeur ininterrompu. Ils auront à lutter, pendant de longues journées, contre le froid, contre les brouillards, contre l'isolement dans des solitudes désolées dont l'altitude atteint celle des plus hauts sommets des Alpes, et trop souvent contre le mauvais vouloir et le fanatisme superstitieux des Indiens; la tâche sera lourde; tout le zèle, tout le dévouement de ceux qui auront l'honneur d'y participer ne seront pas de trop pour la mener à bien; mais les difficultés matérielles qui les attendent, loin de les rebuter, seront pour eux le plus actif des stimulants, et ils auront pour les soutenir dans les moments difficiles le souvenir de leurs devanciers et la noble ambition d'ajouter leur part au patrimoine de gloire scientifique de leur pays.

E. MAURAIN.

Les territoires français du Niger

Leur valeur économique

M. le ministre des Colonies a bien voulu me charger, en 1898, d'aller étudier quels procédés et quelles méthodes doivent être appliqués pour la mise en valeur des territoires du Soudan français.

Peu de temps après, M. le général de Trentinian, organisant une mission d'études techniques pour rechercher quelles matières premières peut produire le Soudan et dans quelles conditions on peut obtenir ces matières, me demanda d'étudier quelles relations commerciales existaient actuellement entre nos possessions et les possessions anglaises de l'Afrique centrale dans sa partie occidentale, et de quelle façon nous pouvions en tirer parti.

Pour m'acquitter de ces différentes missions j'ai fait des observations économiques que je voudrais résumer ici en les groupant d'une manière géographique.

Pour se rendre de la côte au Niger la voie la plus connue passe par Dakar, Saint-Louis, Kayes, Bafoulabé, Bammako; c'est la ligne appelée communément ligne de ravitaillement que suivent les Européens. D'après elle, ils décrivent le Soudan comme un pays formé par une succession de montagnes au milieu desquelles la chaleur anémie toute activité, alors qu'ils connaissent seulement le massif montagneux s'étendant de Kayes au Niger; cela c'est le Sénégal, non le Soudan.

La route la plus fréquentée n'est pas celle dont il vient d'être question; de Médine, elle passe par Nioro et se dirige vers le Niger par Banamba. Trois espèces de produits alimentent son trafic les marchandises européennes, qui arrivent par elle au Niger, la gomme, que les Maures du Sahel apportent à nos comptoirs, le sel, que les mêmes Maures apportent au Niger.

Trois catégories de gens se rencontrent dans ce commerce : les commerçants européens, les Maures et les Dioulas. Les commerçants européens sont les représentants des maisons bordelaises établies à Médine. Leur commerce, tout entier basé sur le crédit, est trop compliqué pour être décrit ici dans ses détails. Les seules marchandises européennes que l'on vende au Soudan sont, dans leur grande majorité, des tissus ou des filés. Nos commerçants trouvent

LA GEOGRAPHIE. II

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