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§ III.

CE QUE DIEU EST PAR RAPPORT A NOUS.

I. Tandis que le spectacle du monde, en nous élevant à l'idée d'une première cause, nous aidait à connaître Dieu, il nous avertissait que Dieu est seul le principe de la vie, du mouvement, de l'ordre, de la perfection que l'on remarque sur la terre et au ciel. Nous avons également dû conclure que Dieu avait créé tous ces êtres ; car comment se seraient-ils faits eux-mêmes? S'ils reçoivent de Dieu le mouvement et la perfection que nous admirons en eux, comment n'en auraient-ils pas reçu l'existence?

L'étude attentive de l'homme et de la nature dans les choses même les plus incontestables, les plus universellement admises, a dû nous habituer aux mystères; nous en rencontrerons bien d'autres, car telle est la condition de l'esprit humain, qu'il ne peut pénétrer le fond des vérités, qu'il possède d'ailleurs avec une pleine certitude. La création est une de ces vérités difficiles à comprendre, mais qu'il serait plus difficile encore à un esprit sage et éclairé de ne pas admettre.

Quelque incompréhensible que soit en effet pour nous la création, la raison nous dit qu'il faut y croire, parce qu'il est impossible d'expliquer autrement d'une manière satisfaisante l'existence du monde. Si le monde n'a pas été créé, il faut admettre qu'il existe nécessairement; sa manière d'être, sa forme, les conditions de son existence, seront également nécessaires, attendu

que les modifications diverses d'une substance ne sont pas des êtres à part, elles sont la substance elle-même existant d'une certaine manière, et elles ont, par conséquent, la même nature. Tout sera donc nécessaire dans l'univers, tout y sera également éternel; il n'a pas eu de commencement, il n'aura pas de fin; la raison de son existence étant toujours la même, il ne peut pas plus pour lui que pour Dieu être assigné un moment ou il n'existait pas.

Mais qui osera soutenir sérieusement que le monde est nécessaire et éternel? Nous sommes, nous, une partie de ce monde où étions-nous il y a une centaine d'années? On dira peut-être que nous étions dans nos pères; mais nos pères et leurs aïeux ont-ils toujours été? N'y en a-t-il pas un qui a commencé la chaîne des générations, lequel n'avait pas eu de père? Et notre âme existait-elle dans les siècles passés ? Personne ne se persuadera avoir ainsi existé sans aucun commencement; personne, hors le cas de folie, ne croira que nous soyons éternels... D'ailleurs, nous concevons très-bien comme possible un état de choses où ni nos âmes, ni nos corps, ni les autres objets qui nous entourent, n'existeraient; ces êtres divers ne sont donc pas nécessaires. S'ils étaient nécessaires, l'esprit ne pourrait pas s'arrêter à la supposition qui vient d'être faite; ce serait allier deux idées contradictoires, d'une part la nécessité absolue d'être, d'autre part la possibilité de n'être pas.

Plus on réfléchira sur ces preuves bien simples, plus on demeurera convaincu qu'il faut admettre la création si l'on veut se rendre compte de sa propre existence; et

sans examiner si nous comprenons ou si nous ne comprenons pas cette action créatrice de Dieu, on ne conclura pas moins que Dieu a dû véritablement créer le monde, qu'il l'a tiré du néant. Remarquez bien que le néant n'est pas une sorte de chaos dans lequel tous les éléments du monde se seraient trouvés primitivement confondus, abîme d'où la puissance divine les aurait fait sortir pour les disposer selon ses desseins. Non, le néant est le rien, c'est l'absence de l'être; dire que Dieu a tiré le monde du néant, c'est dire qu'il a donné l'existence à ce qui n'était pas; ce n'était d'abord que possible, il l'a réalisé, voilà la création. « L'ouvrier, » dit saint Augustin, façonne une matière préexistante, >> ayant en soi de quoi devenir ce qu'on la fait, comme la » terre, le bois, l'or, ou toute autre matière ; mais d'où >> toutes ces choses tiennent-elles leur être, si vous n'en » êtes le Créateur? C'est vous qui avez créé le corps de >> l'ouvrier et l'esprit qui commande à ses organes; vous » êtes l'auteur de cette matière qu'il travaille, de cette >> intelligence qui conçoit l'art, et voit en elle ce qu'elle » veut produire au dehors; de ces sens, interprètes fidè>> les qui font passer dans l'ouvrage les conceptions de » l'âme, et rapportent à l'âme ce qui s'est accompli. >> Toutes ces créatures vous glorifient, Seigneur, et vous >> proclament le Créateur de toutes choses; mais vous, >> comment les avez-vous faites? Comment avez-vous » fait le ciel et la terre? Ce n'est ni sur la terre ni dans » le ciel que vous avez fait le ciel et la terre, ni dans les » airs, ni dans les eaux qui appartiennent au ciel et à la >> terre. Ce n'est pas dans l'univers que vous avez créé » l'univers, car il n'était pas avant d'être. Vous n'aviez

» rien entre les mains dont vous pussiez vous servir pour › créer le ciel et la terre; d'où vous serait venue cette › matière que vous n'auriez pas créée pour former votre › ouvrage? Que dire, enfin, sinon que cela est parce que › vous êtes. Vous avez parlé et cela a été; vous avez tout fait par votre parole 1. »

II. Le monde sorti du néant par la volonté de Dieu ne se conserve que par la même volonté, de sorte que son existence continue est comme une création de chaque moment. Que la main de Dieu se retire, que son action s'arrête, et tout cessera d'exister; car les choses ne peuvent être conservées que par la même cause qui les a produites.

Les hommes, habitués à l'ordre invariable qui règne dans l'univers, seraient tentés de croire que ces phénomènes se produisent tout seuls; la moindre réflexion éloigne bientôt une pareille idée, et il importe que nous soyons bien pénétrés des vrais principes pour demeurer dans la dépendance où nous devons être à l'égard de Dieu. Comment se fait-il, par exemple, que mon corps demeure dans son état normal, que mes doigts tiennent à la main, que les bras demeurent suspendus aux épaules? On me parle d'os, de nerfs, de veines, de peau qui se lient et se tiennent ensemble; mais ces os, ces nerfs, sont eux-mêmes composés d'un nombre infini de molécules; quelle est donc la force qui les conserve unies entre elles, et forme par cette union le nerf ou toute autre partie? Vous répondrez peut-être que c'est une loi de la nature, que c'est la cohésion... Mais cohé

1 Saint Augustin, Confessions, liv. XI, chap. 5.

sion, attraction, répulsion, tous ces termes, si on les comprend bien, expriment des effets; ce ne sont pas des causes; la seule vraie cause ne peut être que la volonté de Dieu.

Non-seulement Dieu conserve le monde, mais il le gouverne avec une sagesse et une puissance à laquelle rien ne résiste : c'est cette action continue de Dieu dirigeant toutes choses vers l'accomplissement de ses desseins, que nous appelons la Providence. Les cieux et la terre, les astres qui brillent dans le firmament, les herbes qui croissent et portent leurs fruits sur la terre, les montagnes et les collines, les mers et les fleuves, chaleur, les froids, les neiges, les glaces, les pluies et les tempêtes, bénissent le Seigneur ; ces éléments divers glorifient à leur manière la main intelligente et souveraine qui les conduit, et tout lui demeure soumis.

Cette providence se révèle aux yeux les moins attentifs, par l'ordre constant, par l'inépuisable fécondité de la nature, qui a été pour nous une des preuves les plus sensibles de l'existence de Dieu. Les peuples en ont toujours été si persuadés, que les païens eux-mêmes attribuaient à la justice, ou à la miséricorde de leurs dieux, les accidents les plus fortuits en apparence, qui leur étaient contraires ou favorables, comme les orages, les mortalités, la sérénité de l'air, les bonnes récoltes. Ils s'efforçaient de détourner les calamités par des prières et des sacrifices, en apaisant la divinité qu'ils supposaient irritée contre eux : ils avaient recours à elle, ils lui adressaient des vœux pour en obtenir les biens de la terre, une heureuse navigation, tant l'idée d'une providence qui dispose de tout, et que servent les éléments

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