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juge, dans tes temples tu souffres un autre Dieu 1! » Cette idée de Dieu demeurait donc dans les âmes comme une étincelle précieuse que le souffle du démon n'avait pas pu atteindre; entretenue par les inspirations secrètes de la conscience et par la vue, par l'observation du monde extérieur, dont le spectacle a été toujours si propre à élever les hommes à la pensée de Dieu. Saint Jean-Chrysostome, s'arrêtant à ces paroles de l'Apôtre saint Paul ce qui est connu de Dieu leur est manifesté (aux gentils), lui dit: Montrez-moi que la connaissance » de Dieu leur a été donnée, et que c'est bien par leur >>> faute qu'ils ne l'ont pas cultivée. Comment donc Dieu » s'est-il manifesté à eux? Leur a-t-il fait entendre une » parole? Non, mais il a fait quelque chose qui pouvait » les attirer plus qu'une parole, quelle qu'elle fût; il a >> mis l'univers sous leurs yeux, de sorte que le »sage, l'idiot, le Scythe, le barbare pût, instruit par la » seule vue des beautés visibles du monde, s'élever à >> Dieu. C'est bien ce que dit aussi le prophète : les cieux » racontent la gloire de Dieu. Que diront les Gentils au » jour du jugement? Diront-ils à Dieu : nous vous avons » ignoré? Mais quoi ! n'avez-vous pas vu le ciel, qui vous » parlait par le seul spectacle de ses magnificences? N'a» vez-vous pas vu l'harmonie des êtres, et leur concert qui résonne plus distinctement que la trompette? Et la >> loi immuable qui sépare les jours et les nuits, et l'or» dre constant des saisons, et les flots et les tempêtes de » la mer, n'annoncent-ils pas le Créateur??

1 Tert., De Testimonio anima.

2 IIIe homélie de saint J.-Chrysostome sur le Ier chap. de l'épître aux Romains.

Ces réflexions n'étaient point particulières à Tertullien et à saint Jean-Chrysostome; nous les voyons reproduites dans les écrits d'un grand nombre de docteurs très-célèbres qui s'en servaient pour justifier les voies de la Providence. La plupart d'entre eux ont eu à résoudre le difficile problème que posaient les ennemis du Christianisme : quel soin Dieu a-t-il pris du salut des hommes dans les siècles qui précédèrent la venue du Messie? Saint Cyrille d'Alexandrie s'applique à repousser les attaques de Julien l'Apostat, qui prétendait que le Dieu des chrétiens avait abandonné tous les autres peuples, à l'exception de la seule nation juive: «Non, » dit-il, le Seigneur n'est pas seulement le Dieu des >> Juifs, mais il est le Dieu des Gentils, comme il l'a >> montré par les lois qu'il a mises et profondément >> imprimées dans le cœur de tous les hommes: c'est » de lui que viennent ces idées du bien, ces inclinations >> naturelles à la vertu. L'homme les trouve spontanément » en lui-même, et c'est un don qu'il a reçu de son Créa»teur. La divine Providence ne veille donc pas seule» ment sur ceux qui sont issus du sang d'Israël, mais » sur tous ceux qui sont répandus dans le monde entier1. » Clément d'Alexandrie, développant cette idée dans son livre des Stromates, considère la philosophie, cultivée parmi les nations, comme un moyen que Dieu leur donnait pour faciliter le salut des hommes.

La philosophie dont il parle n'est pas celle de telle ou telle école, ni celle des stoïciens, ni celle de Platon, ni celle d'Aristote; ce sont les maximes de

1 Contra Julianum, lib. III.

sagesse, les vérités que Dieu entretenait dans le monde, voilà cette philosophie qui vient de Dieu, source et principe unique de tout ce qui est bon, et qui fut, quoique d'une manière sans doute beaucoup plus imparfaite, qui fut pour les hommes ce que la loi de Moïse fut plus particulièrement pour les Hébreux, un acheminement à Jésus-Christ, un moyen éloigné de salut 1. C'est à peu près dans le même sens que l'illustre saint Jérôme explique les paroles de l'Apôtre saint Jean: Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde. « Il résulte manifestement de là, dit-il, que l'idée de >> Dieu est naturellement dans tous, que personne ne >> vient au monde sans être sous l'action bienfaisante du >> Verbe, et sans avoir en soi la semence, le germe de la » sagesse, de la justice et des autres vertus; voilà pour» quoi plusieurs, sans avoir la foi, sans connaître l'Évan>> gile, font des actions sages; comme quand ils respectent >> leurs parents, qu'ils tendent au pauvre une main secou>> rable, qu'ils ne violent pas le droit d'autrui 2. >> Ces vérités et ces semences de vertus naturelles suffisentelles au salut? Non; mais elles étaient d'un grand secours pour conduire les hommes à Dieu. « Quel est celui, » demandait Origène, qui a écrit la loi dans le cœur des >> hommes, sinon Dieu qui l'a imprimée de son doigt? >> C'est cette loi naturelle qu'il a donnée au genre hu>> main, qu'il a mise dans le cœur de tous, et qui nous >> aide à embrasser la vérité. Nous recevons par elles des » semences qui, bien cultivées, amèneront en nous des

1 Clém. Alex. Stromat, liv. I.

2 Saint Jérôme, Comment. de l'épître aux Galates, chap. 1.

>> des fruits de vie en Jésus-Christ Notre-Seigneur.» Les docteurs dont nous venons de citer les paroles considéraient l'idée de Dieu qui, malgré les altérations qu'elle avait subies, demeurait néanmoins dans les âmes, comme une étincelle précieuse dont Dieu se servait pour rallumer en elles le flambeau de la foi. Ils considéraient comme un autre bienfait inappréciable du Créateur ce reste de droiture et d'inclination vers le bien, qui nous est demeuré malgré la perte de la justice originelle et qui, dans les desseins de la même Providence, peut devenir, et devient effectivement pour plusieurs, un moyen éloigné de salut. Saint François de Sales résume et explique ainsi, dans son traité de l'Amour de Dieu, la doctrine que nous venons d'exposer: « Ah! Théo>> time, que Dieu nous a été bon !... Selon les entrailles » de sa miséricorde, il ne voulut pas du tout ruiner, ni » nous ôter le signe de sa grâce perdue, afin que le re» gardant et sentant en nous cette alliance et propension » à l'aimer, nous tâchassions de le faire. Car, encore » que par la seule inclination naturelle nous ne puissions >> venir au bonheur d'aimer Dieu comme il faut, si est>> ce que si nous l'employions fidèlement, la douceur de » la piété divine nous donnerait quelque secours par le » moyen duquel nous pourrions passer plus avant. Que >> si nous secondions ce premier secours, la bonté pa>> ternelle de Dieu nous en fournirait un autre plus grand, >> et nous conduirait de bien en mieux, avec toute sua>>vité, jusqu'au souverain amour auquel notre inclina» tion naturelle nous pousse, puisque c'est chose cer

↑ Origène, homélie X sur le livre des Nombres.

» taine que celui qui est fidèle en peu de choses et qui » fait ce qui est en son pouvoir, la bénignité divine ne >> refuse jamais son assistance pour l'avancer de plus en » plus,»

§ II.

DIEU SUSCITE DES PROPHÈTES AU MILIEU DES peuples,
VOCATION D'ABRAHAM.

Indépendamment de ces notions sur Dieu et sur la loi naturelle, qui se sont conservées dans les monde comme un moyen éloigné de salut, plusieurs saints docteurs ont cru que la divine Providence avait de temps en temps suscité de vrais prophètes au milieu des peuples, pour procurer à tous les moyens de parvenir au salut. » S'il » y a eu des prophètes chez le peuple juif, dit saint Au» gustin, il y en a eu aussi chez les autres peuples, et >> ils ont prédit des choses qui regardent Jésus-Christ... >> On croit avec raison qu'il y a eu chez les autres nations » des hommes à qui les mystères de Jésus-Christ ont été >> révélés et qui ont été poussés à le prédire. » Il le prouve par l'exemple de Job, qui n'appartenait pas à la famille d'Abraham, et il pense que Dieu a voulu nous faire entendre par là, que bien d'autres saints personnages ont été suscités, pour le salut des peuples, quoique nous ne les ayons pas connus. Saint Grégoire le Grand

Traité de l'amour de Dieu, liv. I, chap. 18.

2 De civit. Dei, lib. XVIII, cap. 47. Non incongruè creditur fuisse et in aliis gentibus homines, quibus hoc mysterium revela» tum est, et qui hoc etiam prædicere impulsi sunt,

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