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sitions que le sens humain repousse comme inadmissibles. A quel esprit de prévention ne faut-il pas, en effet, être livré, pour ne voir qu'une vision étrange, qu'une chimère universelle, dans une croyance aussi constante, aussi uniforme, aussi répandue que l'a été celle de l'attente d'un Libérateur? Il y a au fond, dans cette croyance, quelque chose de réellement étrange et qui demeurerait inexplicable pour nous, si nous n'en connaissions la véritable origine. On sait combien tous les peuples de l'antiquité étaient divisés entre eux par les prétentions de nationalité les plus exclusives. Chacun avait son origine et ses destinées propres ; l'étranger était pour lui un ennemi. Rien donc ne devait autant blesser l'orgueil des nations que cette idée, que ce serait un peuple étranger et peu considérable qui aurait le privilége de donner au monde un libérateur et un maître. Chacun aurait dû s'arroger cette espérance; tous cependant, le seul peuple juif excepté, l'abdiquent; c'est pour tous les peuples d'Europe et d'Amérique, en Orient; et pour tous les peuples des Indes et de la Chine, en Occident, que ce libérateur doit paraître ; et le point du globe occupé par les Juifs est appelé par un ennemi de la révélation, le pôle de l'espérance de toutes les nations.

Tandis que les peuples accueillaient ces pressentiments ou ces vagues annonces d'un Libérateur, les philosophes en comprenaient la nécessité, et jusqu'à un certain point, ils lui préparaient la voie. « Ce qui se » passait parmi les Grecs, dit Bossuet, était aussi une » espèce de préparation à la connaissance de la vérité. >> Leurs philosophes reconnurent que le monde était » régi par un Dieu bien différent de ceux que le vulgaire

>> adorait et qu'ils servaient eux-mêmes avec le vulgaire. » Les histoires grecques font foi que cette belle philoso>> phie venait d'Orient et des endroits où les Juifs étaient >> dispersés; mais, de quelque endroit qu'elle soit venue, >> une vérité si importante répandue parmi les Gentils, » quoique combattue, quoique mal suivie, même par >> ceux qui l'enseignaient, commençait à réveiller le » genre humain et fournissait par avance des preuves » certaines à ceux qui devaient un jour le tirer de son >> ignorance 1. »

<< Cependant, ajoute Bossuet, comme la conversion » de la Gentilité était une œuvre réservée au Messie, et » le caractère propre de sa venue, l'erreur et l'impiété » prévalaient partout 2. » Que l'on ne s'exagère donc pas la portée de tout ce que nous avons dit sur l'attente du Messie et sur les travaux utiles de la philosophie. Nous le redirons avec confiance, car nous aimons bien à le penser, un grand nombre d'âmes simples et droites ont dû se servir de ces lumières pour glorifier Dieu et opérer leur salut; mais, pour les peuples, leur état n'était pas meilleur, il s'en faut de beaucoup. Non, ces peuples ne comprenaient rien aux événements qui se préparaient ; ils n'avaient pas une véritable idée du Messie qui allait paraître, et jamais l'idolâtrie n'avait été portée à d'aussi grands excès qu'elle l'était à cette époque.

Les Juifs eux-mêmes altéraient la pureté du culte divin par des pratiques superstitieuses, et ils donnaient dans de fausses interprétations des prophètes. Impa

1 Discours sur l'hist. univ., IIe part., ch. 15. Même ouvrage, ch. 16.

tients du joug que la République romaine faisait peser sur eux, ils se représentaient le Messie promis à leurs pères, comme un prince conquérant qui, par la force des armes, ferait d'abord respecter l'indépendance de sa nation, et qui étendrait ensuite son empire sur le monde entier.

Quant aux philosophes, ils ont bien pu, dans les desseins de Dieu, contribuer à préparer les voies au Messie, en établissant quelques vérités; mais ils lui ont plus encore préparé les voies en donnant au monde une preuve éclatante que ce n'était pas d'eux que ce monde pouvait espérer le salut. Si la sagesse humaine avait pu le sauver, elle l'eût fait, en Europe et ailleurs, aux siècles qui précédèrent immédiatement l'ère chrétienne; car, dans la plupart des régions, il y avait des hommes d'une science éminente, et que l'on considérait comme des oracles de sagesse. Toutefois, ces hommes qu'ontils fait? Vivant au milieu des peuples livrés à la superstition, abusés pas toutes sortes d'erreurs, souillés par d'abominables habitudes, les ont-ils éclairés ? les ont-ils détournés de ces impiétés ? ont-ils renversé un seul autel élevé à la gloire de ces impures divinités?... Non; ils ont disserté entre eux, ils ont fondé des écoles de rhéteurs et de sophistes, qui ont établi à leur tour d'autres écoles, et la confusion dans les idées n'en a été que plus grande.

Ces hommes ne pouvaient s'entendre sur rien: l'un cherchait à détruire ce que l'autre avait édifié, de sorte que, dans ces interminables débats, plusieurs ne virent d'autre issue que le doute universel et la plus complète indifférence. Voilà ce que les sages de la Grèce et de

l'Italie ont fait pour leurs disciples. Pour le peuple, ils n'ont pas eu même la pensée de l'instruire et de réformer ni ses mœurs ni son culte. Ils l'ont laissé tel qu'il était : une des maximes reçues chez eux était qu'il ne fallait pas toucher à la religion ni aux superstitions des peuples. Il y a plus: joignant l'hypocrisie au dédain, ils ont adoré extérieurement les mêmes dieux que le peuple, ils ont pris part à un culte que dans leurs écoles ils flétrissaient comme une absurdité. Aussi, rien ne fut changé les ténèbres dans lesquelles le monde était plongé ne furent pas moins épaisses, ni les mœurs moins corrompues, après les savantes dissertations des philosophes: tant il est vrai que la lumière devait descendre d'en haut et que la terre ne pouvait espérer son salut que de Dieu seul !

CHAPITRE XVI.

VENUE DE JÉSUS-CHRIST, MESSIE PROMIS DÈS L'ORIGINE DU MONDE. SA DIVINITÉ.

Les temps annoncés par les prophètes étaient arrivés, les Juifs attendaient le Messie, les peuples avaient le pressentiment d'un grand événement qui allait changer la situation du monde, quand Jésus-Christ vint au monde.

Jésus-Christ naquit en Judée, vers l'an 4,000, sous l'empire de César; il passa les trente premières années dans l'obscurité, et ne parut dans le monde pour y precher l'Évangile que la quinzième année du règne de Tibère. Alors on le vit, accompagné de douze disciples qu'il s'était choisis, parcourir la Judée pour annoncer aux hommes les secrets de la miséricorde de Dieu, la réalisation de ses desseins éternels. On le vit secourable aux malades, miséricordieux envers les pécheurs, dont il se montrait le vrai médecin, par l'accès qu'il leur donnait auprès de lui. « Il annonce de hauts mystères, dit >> Bossuet, mais il les confirme par de grands miracles;

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