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au milieu desquels il est placé : il a, en un mot, la conscience de lui-même.

Un sens intime l'avertit de l'état de son âme, pour peu qu'il veuille y faire attention. Que de sentiments divers, que de sensations, que d'opérations modifient successivement cet état de l'âme! C'est comme un monde où il se passe bien des révolutions; c'est un travail de pensées, de préoccupations, de réflexions qui ne cesse pas. Il ne se présente rien, il ne se forme pas une idée, pas un acte de volonté qui ne fasse quelque impression, impression souvent fugitive, il est vrai, et qu'efface bientôt celle qui la remplace, mais dont nous aurons une connaissance nette, distincte, si nous nous replions sur nous-mêmes par une observation attentive. Il y a des hommes, dit quelque part saint Augustin, qui sont fugitifs de leur propre cœur ; ils ne discernent pas les mouvements qui l'agitent, les affections qui l'occupent, parce qu'ils sont trop répandus au dehors, et qu'ils se rendent rarement compte de ce qui se passe au dedans; ceux-là connaissent peu les phénomènes de la conscience, et ils se font fréquemment d'étranges illusions sur leurs dispositions. Le sens intime n'est pas en défaut chez eux; l'ignorance où ils vivent de leurs propres pensées, l'erreur où ils sont relativement à l'état de leur âme, ne provient que de leur inattention.

2o Cependant l'homme ne doit pas vivre seul, isolé, dans l'étude exclusive des phénomènes de la conscience; il est en rapport avec le monde, dont les éléments servent à son usage, et avec les autres hommes. Les sens extérieurs, la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le tact, sont les intermédiaires de ses relations; l'âme ne peut, dans les con

ditions ordinaires de son existence ici-bas, connaître ni les autres hommes, ni les objets extérieurs, autrement que par ces divers organes. Elle voit par les yeux, dans lesquels vient se tracer une image des corps par la combinaison des rayons de lumière qui se réfléchissent; elle entend par les oreilles qui reçoivent les sons, quand l'air mis en mouvement par une vibration vient les frapper; elle discerne les odeurs par l'odorat, selon que les molécules échappées des corps viennent affecter diversement les nerfs dont l'organe est composé; elle juge de plusieurs qualités des objets, par le tact, qui est répandu par tout le corps, mais surtout qui est plus délicat à la main. Ce n'est pas que l'âme, par le moyen de ces organes, voie directement le fond, la substance même des corps; elle n'en voit dans la réalité que l'image et les qualités, l'étendue, la largeur, la couleur, mais elle ne doute pas que cette représentation ni que ces qualités ne répondent à un objet réel.

Assurément il y a ici d'impénétrables mystères qui tiennent à celui de l'union de l'âme et du corps. Personne n'ignore que les objets sensibles, mis en contact. avec les sens extérieurs, font une impression sur l'organe, et que cette impression, reçue dans les nerfs, se communique par eux au cerveau, et qu'enfin, à l'occasion de cette excitation, l'âme est avertie de la présence de l'objet, en connaît la forme, peut en étudier les propriétés, le comparer avec d'autres, le soumettre à l'analyse;.... comment tout ceci se fait-il, et quels sont les rapports intimes du cerveau et de l'intelligence? Nous l'ignorons. Qui comprendra jamais comment, par suite d'une légère commotion produite dans l'air par le mou

vement des lèvres, et du son articulé qui en résulte, deux hommes se mettent en rapport, s'entendent l'un l'autre, se communiquent leurs pensées?

Sans s'inquiéter de ces secrets impénétrables de la nature, l'homme sage se contente de recevoir avec circonspection le rapport que les sens lui font, afin de prévenir les méprises ou les illusions auxquelles ils l'exposeraient. Il compte plus ou moins sur eux, selon le degré de garantie qu'ils lui offrent, et il n'acceptera leurs témoignage avec une confiance entière que dans le cas où se trouveraient réunies ces trois conditions: 1° que l'objet soit bien à la portée du sens, par exemple, de la vue ou de l'ouïe; 2o que le rapport que ce sens en fait ne soit contredit par aucun autre sens; 3° et qu'enfin il n'y ait pas de motif raisonnable d'en contester la valeur. Supposons un enfant qui aperçoit son image dans l'eau ou dans un miroir; il la prendra pour un autre enfant qui est dans l'eau ou au dedans du miroir; mais qu'il porte la main dans l'eau, qu'il la porte sur le miroir, il réformera bientôt le sens de la vue par le sens du toucher; il se convaincra qu'il n'y a point d'enfant là ou il croyait en voir un. C'est ainsi qu'avec un peu de prudence, évitant la précipitation, n'étendant jamais nos jugements delà du rapport que les sens nous font, nous sommes assurés d'éviter l'erreur; et si on prétend quelquefois que les sens sont menteurs, qu'il ne faut pas se fier à eux, on ne veut rien dire de plus que ce que nous venons d'observer nous-mêmes: c'est qu'il faut user d'une sage réserve. Quel est celui d'ailleurs, qui doute s'il a un corps ou s'il n'en a pas, si les objets qu'il voit, qu'il touche, qu'il remue, si les hommes avec qui il con

verse sont des réalités ou de simples apparences? Personne au monde, si ce n'est dans un cas de folie! On peut faire des objections, on peut dire que rien ne démontre que les objets soient tels en eux-mêmes qu'ils apparaissent à notre vue; mais toujours est-il que ni ces difficultés ni d'autres ne nous empêchent de croire à la relation des sens, et quand même nous l'essayerions, nous n'en viendrions pas à bout, notre nature ne le permettant pas elle nous empêche d'extranaguer jusqu'à ce point, dit Pascal.

3o Alors même que les objets extérieurs ne sont plus sous nos sens, l'âme peut continuer à se les représenter par l'imagination. La sensation n'est pas aussi vive, la représentation est la même, et de longues années après on continue à voir en quelque façon les choses telles que d'abord elles avaient affecté les organes, telles qu'on les avait vues.

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« Il se forme souvent aussi dans notre imagination, » observe Bossuet, des figures bizarres et monstrueuses, qu'elle ne peut pas forger toute seule, et où il faut » qu'elle soit aidée par l'entendement, Les centaures, les >> chimères, et les autres compositions de cette nature, >>> que nous faisons et défaisons quand il nous plaît, sup» posent quelque réflexion sur les choses différentes » dont elles se forment et quelque comparaison des unes >> avec les autres; ce qui appartient à l'entendement. » Mais ce même entendement qui donne à la fantaisie » occasion de former et de lui présenter ces assemblages » monstrueux, en connaît la vanité. » Évidemment

Bossuet, Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. 1.

dans ce cas l'imagination ne reproduit pas, elle crée ; parfois elle s'égare ou s'amuse en se représentant les chimères dont parle Bossuet; mais cette faculté que nous avons de nous représenter les choses sous une forme sensible, a un tout autre but: elle produit des résultats fort utiles quand elle est convenablement dirigée. Qui n'admire les richesses d'imagination dans certains artistes, la vivacité des tableaux qu'ont tracés les grands orateurs, et la puissance que leur parole y a trouvée pour remuer les peuples? Ces hommes étaient doués d'une belle et heureuse imagination, ils avaient à un haut degré le sentiment du vrai et du beau, que nous avons considéré dans la sensibilité, et ils pouvaient produire leurs impressions sous les formes les plus propres à passionner leurs auditeurs. Si, au lieu de faire servir leur imagination à communiquer la vérité, à inspirer des sentiments vertueux, ils l'avaient employée à séduire les esprits, à corrompre les âmes, comme l'ont fait tant d'autres, ils auraient produit des maux incalculables, parce que les images vives, qui saisissent ce qu'il y a de plus délicat et de plus impétueux dans l'homme, exercent toujours une grande influence sur lui.

4° Il faut donc que la raison préside, il faut que l'intelligence prévale sur l'imagination; ceci nous ramène à l'observation des facultés, dont nous paraissons nous être écartés un moment.

Le sens intime nous rend compte des affections de l'âme; les sens extérieurs nous font connaître les objets matériels posés hors de nous, l'imagination nous les représente quand ils ne sont plus sous nos sens; mais quelle est cette faculté qui examine, qui compare, qui

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