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sont-elles les seules? Au reste, on retrouve dans ce conte cet agrément de style qui est un des principaux mérites des ouvrages de l'auteur.

Les deux descriptions de la Prime-vère des Jardins et de la Violette, ont aussi beaucoup d'éclat, et l'on y reconnoît le pinceau qui a colorié si agréablement tant de scènes champêtres. Je ne citerai que le début de la dernière : « Semblable à ces jolies petites villageoises qui, avec un costume simple et un air modeste et timide, attirent les regards qu'elles vouloient éviter, et qui, sans avoir reçu aucune éducation, ont un esprit naturel dont on est charmé, un mérite supérieur à celui que l'éducation donne: la violette reçoit presqu'autant d'hommages que la rose, et n'en est pas moins l'emblême de la modestie. La rose doit à la culture le développement de son mérite; il lui faut des soins dont la violette sait se passer. Si la rose a la majesté d'une reine, la violette a les grâces d'une bergère». Y.

XIX.

PARMI

Les Femmes Savantes.

ARMI les chefs-d'œuvre de Molière, le plus prôné des philosophes, c'est le Tartufe, parce qu'ils s'imaginent s'en appuyer contre la religion; mais à peine pardonnent-ils à ce grand homme d'avoir fait les Femmes Savantes, parce que cette comédie leur paroît attaquer la philosophie moderne dans son plus fort retranchement, la vanité et l'ambition des femmes: ce sont, en effet, les femmes beaux esprits, qui ont propagé avec le plus d'ardeur et de succès

les nouveaux systèmes, dans le temps où leur caprice faisoit loi dans la société : avant la révolution, il n'y avoit guère à Paris de bonne maison qui n'eût sa Philaminthe et ses Trissotins.

Quand Molière a secondé, par ses plaisanteries, le progrès nécessaire des mauvaises mœurs, il a toujours réussi : tous ses traits contre l'autorité des pères et des maris ont porté coup : il est parvenu à rendre ridicules la piété filiale et la foi conjugale; mais toutes les fois qu'il a essayé de lutter contre le torrent de la corruption, il a échoué: après le Tartufe, les faux dévôts se sont multipliés, et lorsque l'espèce en a été détruite par l'impiété, les tartufes de religion, ont fait place aux tartufes de moœurs et de philosophie, par la raison qu'une société corrompue ne peut se passer de tartufes : après les Femmes Savantes, les tripots littéraires n'en ont eu que plus de vogue; les précieuses ont cabalé contre le bon sens avec encore moins de pudeur; elles ont même, dans les derniers temps, réuni à leur domaine deux provinces considérables, la religion et la politique : l'académie française avoit ses tricoteuses, qui n'étoient ni moins zélées, ni moins ardentes que les tricoteurs du club des Jacobins mais il faut leur rendre cette justice, elles avoient plus de politesse et d'humanité.

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I

Comment peut-on jouer les Femmes Savantes dans une ville couverte de musées, d'athénées, de cotteries et de clubs savans de toute couleur, où les muses ne se rendent que pour être applaudies par les grâces? Comment peut-on jouer les Femmes Savantes dans la métropole des sciences, dans la capitale des mathématiques, dans le bureau central de la philosophie et des arts; dans une cité peuplée de grammairiens, de métaphysiciens, de physiciens, de chimistes, de

botanistes qui n'ont pas de disciples plus assidus et de meilleures pratiques que les femmes? Que deviendroient tant de démonstrateurs, d'instituteurs, de docteurs, de professeurs, d'orateurs qui tous ont leurs dévotes? Ne seroient-ils pas obligés de fermer leurs cours, si les jolies femmes cessoient de courir après la science? Quelle plaie pour le commerce savant, quel coup mortel pour la circulation des principes et des phrases, des sophismes et des jeux de mots, si la jeune épouse timide et solitaire, au lieu de se jeter dans la foule des hommes pour y briguer la palme de l'esprit et de la beauté, bornoit sa coquetterie à plaire à son mari; sa gloire à l'éducation de ses enfans, et sa vanité aux détails du ménage! Eh! qui voudroit désormais faire des vers si l'espoir de les lire à des femmes ne tenoit lieu, au poète, de génie et d'Apolion? Prêcher la simplicité et la modestie aux femmes dans Paris, c'est comme si l'on prêchoit la philosophie à Constaniinople, la liberté à Maroc, et le christianisme au Japon.

Ce seroit une question digne des Légouvé, des Ségur, et autres écrivains galans, de rechercher quelle a été l'influence des femmes sur la littérature; mais comme ils ont plus d'esprit que d'impartialité, on ne pourroit pas attendre, de ces juges séduits des arrêts bien équitables. Molière régarde la manie du bel esprit dans les femmes comme très-propre à propager le mauvais goût : les qualités même et les vertus qui sont particulières à ce sexe aimable, ne servent d'ordinaire qu'à corrompre son jugement: cette extrême délicatesse d'organes, cette vivacité d'imagination, cette prodigieuse sensibilité de nerfs, quand elles ne sont point unies à une raison vigouXI. année.

ΙΟ

reuse et solide, n'enfantent que prévention, erreur engouement, fanatisme; quand on entend madame de Sévigné elle-même parler si légèrement de Racine; quand on voit madame Deshoulières cabaler en faveur de Pradon, quelle confiance peut-on avoir dans le goût des autres femmes qui ont bien moins d'esprit et de talent : les femmes, en littérature, sont presque toujours dupes de leur cœur et de leurs passions; leur ami, leur protégé, leur flatteur est presque tou jours pour elles celui qui a le plus de mérite.

Cette ambition littéraire dénature le caractère des femmes, les dégoûte des soins domestiques, et leur fait regarder les devoirs de leur sexe comme des préjugés vulgaires; elle les engage dans des liaisons avec des auteurs et des poètes, qui ne sont pas toujours bonne compagnie; leur inspire un orgueil despotique qui nuit à leur véritable puissance; enfin elle les dépouille de toutes les armes que la nature leur a données pour entretenir l'équilibre entre les deux sexes la douceur, la modestie, la pudeur, la naïveté, qualités charmantes qui assurent leur empire beaucoup mieux que la science et le bel esprit. Les femmes savantes qui renoncent aux avantages de leur sexe pour usurper ceux des hommes, sont aussi imprudentes que les belles qui adoptent les modes inventées par les laides; elles se font hommes pour plaire aux hommes, et semblent oublier que le penchant naturel d'un sexe pour l'autre n'est fondé que sur la différence qui existe entre les deux. C'est un trait de génie d'avoir fait contraster avec une savante altière ẹt impérieuse, un homme simple et débonnaire tel que Chrysale ce bon bourgeois nous paroît aujourd'hui bien épais et bien grossier. On ne parleroit pas impunément sur notre scène, de bonne soupe,

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de pot-au-feu, de rôt, quoique nous soyons, pour le moins, aussi gourmands que nos ancêtres : nous croyons avoir plus de politesse, d'urbanité, de noblesse dans le ton et dans les manières, qu'il n'y en avoit sous Louis XIV, parce que nous méprisons sur la scène les détails simples et naturels, et le langage ordinaire de la vie; parce que nous trouvons qu'il y a plus d'esprit dans les pointes, les jeux de mots et les énigmes quant à moi, je pense qu'il n'y a point de calembourg au Vaudeville qui vaille

ce vers:

Je vis de bonne soupe, et non de bon langage.

Le Chrysale qui parle ainsi est cependant un homme riche qui donne à sa fille une assez grosse dot pour qu'elle soit recherchée par un homme de qualité : le moindre artisan se pique aujourd'hui d'avoir des idées plus libérales, des sentimens plus distingués, des expressions plus nobles: il paroît que du temps de Molière il y avoit encore dans la classe de ce qu'on appeloit la haute bourgeoisie, une grande simplicité de mœurs. Mais combien cette franchise, cette naïveté brusque, cette bonhomie n'est-elle pas préférable à la fausseté, à l'affectation, à la sécheresse et à l'impertinence du ton actuel! Ce qui distingue le siècle de Louis XIV de celui-ci, c'est qu'alors les hommes se tenoient chacun dans leur sphère, ne parloient que de ce qu'ils savoient, de ce qui étoit à leur portée : leurs discours étoient simples, mais pleins de sens : aujourd'hui on décide, on tranche sur tout ce qu'on ignore; on extravague sur la morale, sur la politique, sur la littérature; on a de l'esprit sur tout, mais on n'a pas le sens

commun.

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