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l'innocence ou dont les mains soient pures de tous crimes? C'est trop demander; plût à Dieu qu'elles le fussent au moins des plus grands! Car les hauts personnages regardent peut-être comme un privilége de leur naissance de pouvoir se livrer impunément à toute espèce de désordres. Aussi, je ne parle point des péchés les plus ordinaires. Voyons si quelqu'un d'eux est exempt de ces deux vices capitaux, l'homicide et l'impureté. Où est celui qui ne s'est point couvert de sang, qui ne s'est point roulé dans la fange de honteuses voluptés? Une seule de ces deux choses suffit pour la peine éternelle, et pourtant il n'est presque aucun riche qui n'ait à se les reprocher toutes deux. Vous allez vous dire à vousmême : je ne tombe plus dans ces fautes. Je vous en loue, mais peut-être y êtes-vous tombé auparavant ; et l'on n'est pas innocent pour avoir cessé d'être coupable. Et qu'importe d'ailleurs qu'un homme renonce au crime, si tous les autres y persévèrent? La conversion d'un seul ne justifie point le grand nombre; et ce n'est point assez pour apaiser Dieu qu'un seul homme renonce au péché, s'il continue d'être offensé par l'universalité du genre humain. Celui qui se convertit pour échapper à la mort éternelle, retire sans doute assez de fruit de son changement, s'il détourne de lui la sentence de condamnation, bien loin qu'il doive espérer encore d'en garantir les autres. Car ce serait un orgueil insupportable, et un crime énorme de se croire assez bon pour devenir le médiateur même des méchans. Dieu, parlant d'une terre ou d'un peuple prévaricateur, s'exprime ainsi : Si trois justes se trouvent au milieu de lui, Noé, Daniel et Job, ils ne délivreront ni les fils ni les filles ;

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gere ei possit ut ab aliis pœnam damnationis avertat: quia et hoc intolerabilis superbiæ atque immanis piaculi crimen est, si tam bonum se aliquis esse credat ut etiam malos existimet per se posse salvari Loquens Deus de terra quadam, vel de populo peccatore, sic dicit: Si fuerint tres viri in medio ejus, Noe, et Daniel, et Job, non liberabunt filios et filias. Ipsi soli salvi erunt (1). Neminem tamen reor tam impudentem fore qui se his talibus viris audeat comparare; quia quamvis placere nunc aliquis Deo studeat, hoc ipsum tamen genus maximæ injustitiæ est, si se justum præsumat; ac per hoc sublata est omnis spes falsæ opinionis, qua credamus innumeram perditorum hominum multitudinem suffragio paucorum, bonorum a præsentibus malis posse defendi. Cum enim nullus illis quos supra diximus par sit, quæ esse spes ullis potest quod liberari et extranei et innumeri et mali a paucissimis bonis possint; cum illi familiarissimi Deo sancti ne hoc quidem a Domino promeruerint, ut in filiis suis vel sua membra salvarent? Et recte. Nam licet omnes admodum filii membra parentum esse videantur, non putandi sunt tamen membra eorum esse a quibus affectu coeperint discrepare ; quia morum degenerantium pravitate pereunt in talibus beneficia naturæ, Quo fit ut

(1) Ezech. XIV. 20.

eux seuls seront sauvés. Je ne crois pas cependant qu'il y ait personne assez impudent pour oser se comparer à ces trois hommes; quelque soin que l'on prenne de plaire à Dieu, c'est pourtant une grande injustice de se croire juste. Et ainsi doit s'évanouir cette fausse opinion qu'une immense multitude de coupables puisse être garantie des calamités présentes par le suffrage d'un petit nombre de gens de bien. Si personne n'est comparable à ces trois justes dont j'ai parlé, qui donc peut espérer que quelques gens de bien délivrent des étrangers dont le nombre est infini et la malice sans bornes; puisque des saints admis à l'intime familiarité de Dieu, n'en ont pas même obtenu de sauver leurs propres membres dans la personne de leurs enfans? Et c'est avec raison. Car, bien que les enfans paraissent être des membres de leurs parens, l'on ne doit plus les considérer comme tels, quand ils s'écartent des vertus de leurs pères. La dépravation de leurs mœurs dégénérées les rend indignes des prérogatives de la naissance. Voilà pourquoi nous aussi, qui sommes appelés chrétiens, nos vices nous déshéritent d'un si beau nom. Car il ne sert à rien d'avoir un nom saint avec des mœurs impures; une vie qui ne répond pas à l'éclat de la profession, une conduite basse et indigne détruisent la gloire d'un titre honorable.

etiam nos, qui Christiani esse dicimur, perdamus vim tanti nominis, vitio pravitatis. Nihil enim omnino prodest nomen sanctum habere sine moribus: quia vita a professione discordans abrogat inlustris tituli honorem per indignorum actuum vilitatem.

Unde cum pene nullam Christianorum omnium partem, pene nullum Ecclesiarum omnium angulum non plenum omni offensione et omni lethalium peccatorum labe videamus, quid est in quo nobis de Christiano nomine blandiamur; cum utique hoc ipso magis per nomen sacratissimum rei simus, quia a sancto nomine discrepamus? Nam et ideo plus sub religionis titulo Deum lædimus, quia positi in religione peccamus,

Ainsi donc, puisqu'il n'est aucune condition parmi les chrétiens, aucun lieu dans l'Église qui ne soit plein de toute sorte d'offenses et souillé de péchés mortels, qu'avons-nous à nous glorifier du nom de chrétien? Ce nom sacré ne sert qu'à nous rendre plus coupables encore, parce que nous le démentons par notre conduite. Car ce titre de chrétien ne fait qu'aggraver nos offenses envers Dieu, puisque nous péchons au sein même du christianisme.

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