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sont mises de côté, ou, si l'on donne quelque chose à la métaphysique, c'est pour rendre accessibles à l'intelligence les mystères abstraits qu'on essaie de discuter et d'éclaircir. Des siècles d'ignorance surgissent, et l'Eglise seule jette quelques lueurs, au milieu des ténèbres qui envahissent le monde.

Et puis, quand Charlemagne, ce brillant météore au sein de la nuit des âges, quand Charlemagne de ses mains impériales arrête les générations qui se ruent dans la barbarie, quand il promène en Europe le flambeau des lumières, la philosophie prend un nouvel essor, les langues savantes redeviennent en honneur, la grammaire trouve place dans le cercle des études, l'astronomie et la musique sont tirées de l'oubli, une vaste impulsion est donnée aux sciences abstraites. Le mouvement une fois imprimé poursuit son œuvre réformatrice, malgré des interruptions passagères; quelques rayons partent de l'Espagne où règne un peuple ami des arts; l'Asie explorée par les Croisades, vient prêter son influence aux tentatives de régénération européenne; Aristote réapparaît, et la scolastique est enfantée.

Voilà le travail intellectuel jusqu'à la renaissance. Comme on le voit, les lettres proprement dites entrent pour peu de chose dans ce renouvellement social; tous les regards sont tournés vers la philosophie, elle est le fondement sur le

quel repose tout l'édifice intellectuel du moyen âge, à elle seule doivent être attribuées toutes les innovations scientifiques et religieuses d'alors. C'est donc sous ses étendards que viennent se ranger et les Godescal, et les Amalaire, et les Hincet les Béranger, et les Gilbert de la Porée, et cet Abeilard plus célèbre encore par sa vie romanesque que par les erreurs qu'il accrédita.

mar,

Des génies vastes et puissans siégent sur le trône de Rome, la suprématie pontificale, quoique avouée de tout temps, est proclamée bien plus hautement encore; des pontifes hardis et entreprenans viennent à rêver une théocratie universelle, institution sublime, mais qui ne pouvait qu'imparfaitement se réaliser dans notre belliqueuse et remuante Europe du moyen âge. Sans doute, la foi religieuse était vivace alors et avait ses racines au cœur de la société, sans doute, on n'avait point encore paré du nom de philosophie ce mépris qui s'attaque aux choses saintes et à Dieu; mais les vertus évangéliques étaient tout aussi rares qu'aujourd'hui, les lumières s'étaient réfugiées dans les cloîtres, et le reste de la société n'avait plus que l'ignorance en partage, la raison demeurait sans culture, et par-là, devenait incapable de sentir tout ce qu'il y avait de grandeur et d'utilité réelle dans cette vaste centralisation du pouvoir. Maintenant, au contraire, que la raison s'illumine chaque jour et que le siècle tra

vaille courageusement à la recherche du positif et du vrai, on conserve néanmoins pour tout ce qui tient de la religion une sorte d'indifférence inconciliable avec la marche générale des idées. Voilà pourquoi ce système de Théocratie, renouvelé de nos jours par le premier écrivain de l'époque, fait sourire les esprits étroits qui se cramponnent aveuglément au passé. Pour nous qui croyons à l'avenir, qui avons foi au perfectionnement de la société, aux progrès du christianisme, à la future amélioration de toutes choses, nous espérons que ces idées se réaliseront un jour, alors que les intelligences épuisées de mensonges, viendront étancher leur soif de vérité aux sources du catholicisme, alors que les peuples, fatigués de tyrannies, désenchantés de systèmes, ne voudront plus d'autre roi que celui de qui relèvent toutes les puissances de la terre.

Mais enfin, les prétentions des Papes n'obtinrent pas dès l'abord une adhésion générale; les rois, dans leurs pensées orgueilleuses, se levèrent contre un pouvoir qui s'érigeait en arbitre souverain; des guerres interminables ensanglantèrent l'Italie; au fracas des armes d'une part, et des foudres pontificales de l'autre vinrent se mêler des voix audacieuses, et, malgré tous les avantages qui pouvaient résulter de cette unité de puissance, les novateurs s'autorisèrent de quelques abus pour crier à la révolte, pour émeuter les

peuples et les rois contre le souverain de l'Eglise. Ainsi donc, le signal était donné. Soudain l'on voit s'élancer de toutes parts de nombreux et redoutables sectaires. Tous prennent pour texte la puissance des Papes. Mais en vain ils essaient de saper le catholicisme par la base, il survivra à leur défaite, il les verra surgir un à un, se ruer avec rage contre ses remparts à jamais indestructibles, s'épuiser en efforts ridicules, en clameurs furibondes, et puis refluer lentement comme la vague impuissante qui vient battre l'impassible rocher.

Un premier cri part du fond de l'Angleterre (1); sourd d'abord et en quelque sorte imperceptible, il trouve plus tard un écho dans la Bohême (2); l'Europe s'arrête et semble prêter l'oreille : c'est qu'elle a cru distinguer des clameurs de bataille; mais voilà qu'une grande licence s'est emparée des esprits, vous diriez que les intelligences se sentent à l'étroit et comme emprisonnées dans les limites du catholicisme; voici venir Luther, ce géant de la Réforme! Du sein de la brumeuse Germanie, il se lève, fantôme sombre et terrible! Il promène autour de lui des regards où brille une joie féroce; il voit l'Europe dans une de ces crises sociales, dans une de ces inquiétudes vagues qui semblent présager de longs ébranlemens,

(1) Wiclef. (2) Hus.

c'est

Rome lui apparaît comme la prostituée de l'Apocalypse, les rois lui semblent lassés de ce qu'ils appellent le despotisme pontifical; il croit l'heure venue pour ébaucher son œuvre, et le voilà qui se dresse armé de toutes pièces; cette souveraineté de la raison que redemandaient jadis les adversaires de l'Eglise, il la proclame, lui, fils du christianisme! Voilà que de fanatiques partisans se rangent sous ses drapeaux (1), la moderne Rome devient le but de leurs attaques, le catholicisme semble se briser et se dissoudre; - c'est l'Angleterre qui, se détachant de l'édifice, croule avec fracas comme un vieux pan de muraille; l'Allemagne qui s'entr'ouvre en mille scissures hideuses par où l'œil plonge dans le chaos de l'abîme; c'est la France qui retentit de clameurs furibondes et qui voit ses fils s'entr'égorger au nom du ciel; partout surgissent d'impétueux tribuns qui viennent ajouter à la confusion générale, et déjà la Réforme en est venue à se déchirer les entrailles à elle-même. Accourt le XVIIIe siècle avec sa moqueuse philosophie et son hideux athéisme; il porte au catholicisme de rudes coups, mais celui-ci puise dans ses blessures des forces nouvelles; un instant on a cru voir se relever de leur poussière les Néron, les Domitien, les Galérius avec leurs tortures atroces et leurs victimes

(1) Mélanchton, etc......

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