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A cette ambition, la crise se montre philosophe. Elle élargit le manteau sacré.

Dans les convulsions du dernier siècle, la philosophie n'aspirait qu'à l'universel. L'amour du genre humain, selon son langage, confère à la liberté la puissance et le règne. La tolérance n'exclut pas l'unité. Où manque ce rempart, celle-là même demeure sans force. Mais où l'ordre a pour base la science sociale, l'amour rallie sans distinction tous les croyants.

Dans cette voie enfin, le poète fait un pas de plus, qui est décisif. Tout imparfaite que sa foi pût être, il reportait au Mystère la force de victoire inhérente à la vision du régime normal.

Par la face où il le contemple, il donne à ce Mystère le nom de l'Esprit-Saint. Il voyait, de son temps, le christianisme inaugurer sa phase dernière. Il l'y suit, mais en philosophe. Il prétend, à son tour, suspendre le Code au principe sacré. Ce principe même, il en décore un nouveau sacerdoce. Il le lui attribue pour emblême.

Il figure par la Colombe leur visible église; et, retrouvant dans la presse ce sens nouveau dont parlait Lamartine, il s'élève d'un degré encore: la plume de fer sied bien au cimier du gentilhomme; le ravissement de l'extase se multiplie pour jamais sur les libres ailes de la Lettre moulée : la poésie, en un mot, vient à ses yeux couronner pour toujours la puissance organisée des philosophes.

Lui donc aussi peut-être, comme A. Comte, s'est appliqué la devise tirée de Cinq-Mars: « Une grande vie, c'est une pensée de jeunesse réalisée par l'âge mûr. » Le credo de Stello résumait, en 1831, une part de sa jeunesse : ses derniers jours y revenaient encore, et le moribond pouvait dire:

« Je crois en moi, parce que je sens au fond de mon cœur une puissance secrète, invisible et indéfinissable, toute pareille à un pressentiment de l'avenir et à une révélation des causes mystérieuses du temps présent.

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CHAPITRE VI

COUP D'EIL D'ENSEMBLE

La véritable pitié politique est celle-là seule qui évite le plus de maux par l'autorité qui est en elle.

Les Destinées sont une œuvre marquée au sceau de l'ordre. L'ordre, finalement, a constitué la base de cette philosophie, si le progrès en demeure le but. Le poète a corrigé ses erreurs égalitaires. Sa libéralité sait juger ceux qu'elle secourt et plaint. Il présente, dans l'Esprit pur, comme un modèle de transition pacifique du passé à l'avenir. Sa noblesse native rappelle aux philosophes les mœurs de l'armée: dévouement des forts aux faibles, mais respect des faibles pour les forts; égalité devant la loi, hiérarchie

dans les fonctions: telle est sa pensée briève

ment indiquée.

Il n'entend pas restaurer « l'édifice démembré du moyen âge », mais, sous des formes à demi païennes, il en retient le principe de vie, de force et de lumière. Avant toute institution, il place le sacerdoce. Le travail et la femme deviennent les alliés du prêtre nouveau. Le Pouvoir spirituel conseille, consacre et règle. Ce triple office s'accomplit en jugeant: le poète, selon Vigny, est un juge. Oubliez et son air d'initié, et cette science politique qu'il attribue par miracle à l'extase. Il s'attaque à l'égoïsme des forces matérielles. Il a l'intuition d'un meilleur équilibre.

Ces nouveautés ne sont pas sans cause. Comme aurait dit Ballanche, le plébéianisme a forcé les destins du patriciat. Sans trahir le passé, mais plutôt pour l'accomplir, le gentilhomme s'est fait philosophe: ducunt volentem fata, nolentem trahunt.

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