Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

La vie est un vaste atelier

Où, chacun faisant son métier,

Tout le monde est utile.

On agit d'un commun effort,
Et du faible, aidé par le fort,
La tâche est plus aisée.

Dieu du travail, Dieu de la paix,
C'est à l'œuvre que tu parais;

Le feu, ta main l'allume.

L'ouvrier voit, dès son berceau,

Ta grande main sur le marteau,
Ton genou sur l'enclume 1.

En homme d'honneur, Vigny se range dans la légion qui marche vers l'avenir. Mais, par un mouvement parallèle, il se compare à quelque frère hospitalier, prêtre militaire, allant partout comme fait la seconde Éloa, et recueillant les naufragés de la vie. L'humanité idéale lui apparaît alors comme une victime volontaire dont les traits ne respirent que la majesté. A

↑ Journal d'un poète, p. 267.

2 Ibid., p. 255.

[ocr errors]

travers cette image sainte, les maux et les plaies, le vice et la souillure revêtent un aspect étrange celui du sacrifice même qui veut les effacer. Ils sont pour lui l'occasion de la joie. Ils sonnent l'heure d'un service divin. Ils font surgir la vision bénie.

L'Humanité, telle est donc cette Éva souffrante dont le poète aperçoit la nature et entretient les autels.

L'Ève nouvelle, plus que la Colombe, figure en particulier l'Église, au règne de laquelle il consent à donner sa vie. Sacrifiée, comme il se la représente, elle symbolise le combat de l'écrit, lot véritable du Pouvoir spirituel en

nos temps,

le combat plus que le triomphe. Colombe, elle l'est par sa douceur; visible SaintEsprit, il peut l'écrire par métaphore, et c'est ainsi qu'au-dessus des « Poèmes humains »> plane le rêve d'une Daphné douloureuse.

LIVRE III

DU SYMBOLE DE L'HUMANITÉ (suite)

INTRODUCTION

I importe de remarquer cette idée pure, symbole naturel.

Qu'une doctrine sociale, fondée sur l'amour, comme on le

soit tenue pour démontrée, présume du Positivisme, - une figure analogue deviendra le signe d'une régénération morale et l'instrument d'une commémoration des devoirs.

Cette figure transpose dans l'idéal l'organisme grossier de la société humaine, corps presque anonyme, parfois si déplaisant au regard: il faut aimer, pour faire don de soi. Mais comment se fier à l'idéal, s'il ne représente qu'une idée du cerveau ? Pierre Leroux disait : << Dieu lui-même, en tant qu'il se communique

à nous, c'est-à-dire une certaine intuition de

l'essence même de la vie, peut seul nous donner le point d'appui que l'âme cherche pour savoir si elle doit s'attacher aux destins de l'humanité, ou s'en distraire et s'en séparer. »

En d'autres termes, l'idéal est la forme du Mystère.

Quelque étrange que paraisse le résultat de la critique kantienne, les esprits les moins abstraits peuvent se familiariser avec cette conception du monde si relative à l'homme. Rien n'est changé par là dans l'ordre des perceptions. Comme Berkeley en avertit dans un dialogue, le sens commun ne répugne nullement à une vue si universelle. L'homme est libre de ne prendre garde à l'idéalisme qu'au moment de la mort. Au surplus, cela même qu'un de nos contemporains appelait hallucination vraie, la perception du monde extérieur, - le monde de l'Inde en a conscience comme d'une grande apparence; et si, selon la foi de Salvador, c'est

à Jérusalem que l'Occident doit reporter tôt ou tard la maîtrise de Paris ou de Rome, il n'est

pas impossible que la pensée de Kant y serve alors de truchement pour communier tout d'abord avec le bouddhiste.

Par l'une de ses faces, le symbole social d'amour peut ainsi représenter quelque réalité de mystère.

Un tel symbole ne rappelle pas seulement l'ensemble d'actes que la politique réclame ; elle commémore bien plutot l'hypothèse sacrée, cette vérité dont l'Écriture est pleine et qu'ont soutenue avec force, dans les pays de langue française, les Comte et les Secrétan : l'unité de l'espèce humaine, comme d'un seul Ètre, en dépit de son apparence discontinue dans l'espace et dans le temps.

L'institution de l'Église, union libre des âmes, personnifie donc réellement l'hypothèse sacrée, et c'est à la lumière d'une théorie du Grand-Etre que se comprend l'Éva de Vigny.

« ZurückWeiter »