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LIVRE II

DROIT DE LA POÉSIE

A UNE FONCTION RELIGIEUSE

INTRODUCTION

Notre dessein ne va qu'à donner un nouveau sens au symbole de Comte. Qu'il nous indique notre devoir social, mais en fonction du Mystère. Le «< noumène » de Kant est gros de Symbolique. L'idée du Grand-Ètre repose en chacun sur un mystère intérieur. Le fond de nousmêmes présente un abîme, et c'est le cas de répéter avec Leibniz : nous possédons peut-être beaucoup de choses sans le savoir.

Là-dessus et de tout temps — s'est fondé le droit de la poésie à une mission religieuse. Parmi les modernes, deux sortes d'adver

saires ont dénié toute fonction religieuse à la poésie : les païens et les jansénistes. On connaît les seconds: Boileau fut jadis chez nous leur porte-parole. Mais les premiers ne sont pas moins à craindre, car ils ont joint parfois au culte de l'art les prétentions d'une philosophie mutilée.

CHAPITRE I

LES PAÏENS DE L'ART POUR L'ART

<«< L'art», écrivait Th. Gautier, « c'est la beauté, l'invention perpétuelle du détail, le choix des mots, le soin exquis de l'exécution. La métaphysique n'est pas l'art, et Kant n'a rien à faire avec les poètes.

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Laissons là Kant l'écolier même sait aujourd'hui le genre d'estime des Kantiens pour la métaphysique. A ces païens de l'art, présentons seulement le tableau de leur banqueroute.

Depuis Chateaubriand, quel grand poète les appuie? C'est chose curieuse, au contraire, combien, sous nos yeux, l'art travaille à se rendre utile. Plusieurs n'y verraient même qu'un funeste abaissement, si l'élite du public ne s'en fai

sait volontiers complice. Ce public est restreint peut-être, mais il maintient son dire contre les grossiers du jour. Il ne goûte guère plus la chimère que le spectacle de la boue. Il cherche qui le comprenne. Il demande issue à ses doutes, allègement à ses regrets, et forme enfin à ses espérances.

Est-ce un faible? Du moins, les poètes en tiennent compte et, ce faisant, lui donnent consistance. Vigny disait de lui-même : « Je ne suis qu'un moraliste épique: c'est bien peu de chose. » Sa renommée n'en a pas souffert. Jamais l'art dilettante n'a compté plus de connaisseurs mais les lecteurs s'éloignent d'un poète, s'il n'avive sa flamme au secret de chacun de

nous.

Ce secret, il n'importe de le taire, lorsque chacun le sait et le sent. On l'apprend aujourd'hui partout, en toute occurrence. Dans le salon, dans la rue, dans l'échoppe, un lambeau d'entretien, des mains qui se serrent, les cœurs

qui battent sur un mot jeté en passant, tout en fait confidence. C'est un secret de doute, une question devenue commune. Un polémiste l'exprimait naguère, et la voici: Dieu est-il mort?

Oui, certes, il y a un néant sur quoi toutes classes semblent prendre accord: c'est l'inquiétude. D'où viendra la paix? Journaux et revues discutent, aiguisent le dard qui nous déchire. Le critique juge, mais ne propose pas. L'historien constate et ne cherche pas. Le savant fait le fort, mais il ne sait pas. Les poètes donc sont notre ressource.

Qu'ils parlent: ils savent, eux, et par nature, qu'après besogne faite le rêve commence. Ils se sont assis sur le chemin montant où croissent la ronce et la mûre, où personne ne passe, excepté Jésus, disant : « Cherchez et vous trouverez, frappez et il vous sera ouvert. »

Depuis un siècle bientôt, les poètes nous ont tant donné! Ils entrevirent, dès l'abord, la lumière de la vie. Ils nous rendirent et la grâce

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