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des larmes et la beauté des cieux. Nous haïssions, sans voix, le calcul et la guerre ; Lamartine jette son cri, et l'écho, tout faible, en retentit encore. De patients ouvriers mettent en commun leurs âmes nouvelles. La langue est au bain de Jouvence. Le cristal luit et rit où dormait le plomb. La vaste scène, où joue l'homme son rôlet, elle s'éveille, s'anime, chante par eux, comme aux temps de la Bible où l'ânesse parlait à Balaam.

A présent, sous nos yeux, la poésie prend en pitié notre peine. Naguère encore nous étions semblables à des captifs en langueur. Sous la main lourde de l'Ennui, geôlier pâle, nous vivions sans soleil, sans eau qui désaltère, oublieux des premiers chants de notre siècle. Voici qu'elle vient, la jouvencelle: elle célèbre pour nous l'ancien et le nouveau. Elle passe au pied de notre geôle. Sa douce voix veut franchir l'espace. Elle nous donne avis que liberté va nous être rendue.

Nos poètes élargissent le cœur et font humaine la conscience. Déjà s'aperçoit par eux l'orbe échancré d'un nouveau soleil. Ils goûtent pour nous aux fruits étranges, mandent aux déserts la manne, convoquent la vie grecque et la barbare aussi, car le passé, le présent lointain, tout pays a connu la tristesse, mais plus d'un a trouvé le bien que nous cherchons.

Pour tenter la vie nouvelle, il nous faut pénétrer toute vie, sonder l'Orient après l'Occident. La pensée la plus abstraite est interdite au vulgaire aux poètes, elle ne tient pas sa porte fermée. Ils entrent, quasi seuls, dans le vieux labyrinthe. Là, point de fil, point de rendez-vous fixe, ni de jalon. On y marche à tâtons sous un ciel d'orage. On ne sait là si c'est Dieu qui parle ou seulement la raison téméraire. Les poètes s'y mettent à l'œuvre. Qui donc les guide? Le Mystère vivant et ce qu'ils savent de nos besoins.

Dans la fleur, même empoisonnée, l'abeille

plonge et cherche le suc; elle revient à l'al

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véole bientôt luit le miel ambré. La poésie,

de même, apporte à la justice les pensées précises, au sacrifice le rêve du bonheur; et ses œuvres sont comme des drames.

Ainsi rend ses comptes l'enquête obstinée; mais les poètes ont ce don généreux, que ce qu'ils touchent s'enchante et se pare, et que leur prisme l'investit de rayons.

CHAPITRE II

D'UN ARRÊT DE BOILEAU

Une autre opinion, forte sans contredit, s'est fait jour, il y a deux siècles, contre l'union de l'art et de la doctrine. Elle rappelle une œuvre vénérable et se défend avec autorité. On connaît l'arrêt de Boileau contre les ancêtres du romantisme :

De la foi d'un chrétien les mystères terribles
D'ornements égayés ne sont pas susceptibles.
L'Évangile à l'esprit n'offre de tous côtés
Que pénitence à faire et tourments mérités 1.

A de tels sentiments on 'n'opposera pas le fait accompli. La question demeure ouverte :

1 Art poétique, III, v. 199 et sq.

mais pour plusieurs elle est déjà close. Un an après Éloa, Jouffroy montrait comment les dogmes finissent; un maître regretté a décrit depuis lors comment ils renaissent; l'état présent des esprits enseigne peut-être comme ils se transforment sur ce terrain, Boileau perd sa peine.

Certes, sa foi se défend en maîtresse : elle ne souffre pas de partage. Mais quoi! le symbole de l'Humanité amoindrit-il ce que le mystère offre de redoutable? Si la Grâce est l'esprit de la Cité divine, le cœur de l'homme reste l'enjeu d'une rude guerre. Le grand événement de l'histoire, c'est cette lutte. Aucun de nos actes ne demeure sans portée dans le monde éternel. C'est le caillou jeté à l'étang; soudain, les ondes se forment, les cercles s'agrandissent et d'agiles atomes, troublés dans leur calme dormant, vont conter la nouvelle aux rives fleuries.

Encore une fois, le mystère des moindres actes s'appelle l'Univers.

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