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Le ministre Claude, le plus habile et le plus subtil de tous les protestans, imagina tout-à-coup l'opinion la plus extraordinaire et la plus bizarre qui ait pu jamais se présenter à un homme de sens et d'esprit; ce fut de convenir qu'on pouvoit à la vérité se sauver dans l'Eglise romaine avant la réforme; mais il ne consentoit à accorder le salut qu'à ceux qui faisoient profession de sa doctrine sans y croire.

des

Vint peu de temps après le ministre Juricu, qui sentit facilement qu'il étoit aussi ridicule, que contraire à la morale, de ne sauver que hypocrites et il établit l'opinion directement opposée. Il déclara que tous ceux qui avoient professé de bonne foi la doctrine de l'Eglise romaine avant la réforme, avoient pu y obtenir le salut ; ce qui étoit un peu plus raisonnable et plus conforme aux premières notions de l'équité.

Ce fut même pour développer son opinion avec plus d'étendue, qu'il bâtit son fameux systéme de l'Eglise. C'est dans l'exposé de ce systême qu'il porte si loin la tolérance, qu'il donne une si grande latitude à l'accès d'indulgence qui l'avoit subitement saisi, qu'il finissoit par reconnoître comme membres vivans de l'Eglise les hérétiques de toutes les sectes et de toutes les communions, à commencer par les idolâtres de l'Eglise romaine, parce

que les uns et les autres professoient les principes fondamentaux du christianisme.

Bossuet profita de cet aveu pour obliger Jurieu, en le pressant de conséquence en conséquence, à convenir, bon-gré mal-gré, que les sociniens euxmêmes qui nioient la divinité de Jésus-Christ, étoient des membres vivans de l'Eglise chré

tienne.

Jurieu sentit alors qu'il étoit allé trop loin pour les intérêts politiques de sa secte, et que toutes ses déclamations contre l'Eglise romaine n'avoient plus d'objet. Il voulut se retrancher dans sa fameuse distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux; et recommença à damner impitoyablement l'Eglise romaine et les sociniens, sous prétexte qu'ils ne professoient point les articles fondamentaux.

Bossuet prit alors le parti le plus simple; ce fut de l'inviter à exposer lui-même ce qu'il entendoit par les articles fondamentaux et non fondamen

taux.

La réponse de Jurieu est curieuse. Il déclare qu'il ne veut point définir quelles sont les sectes où Dieu peut avoir des élus, et où il n'en peut avoir. L'endroit, ajoute-t-il, est trop délicat et trop périlleux.

Mais une réponse aussi vague et aussi évasive

ne pouvoit pas satisfaire un esprit tel que Bossuet. Aussi on voit dans ce troisième avertissement, comment il conduit Jurieu de raisonnement en raisonnement à déraisonner de la manière la plus extravagante.

Il y a surtout dans ce troisième avertissement une discussion très-intéressante au sujet de l'Ecriture sainte. On sait que la maxime fondamentale des protestans est de ne reconnoître que l'Ecriture sainte pour juge des questions de foi. On sait également qu'ils rejettent du nombre des livres canoniques de la Bible quelques-uns de ceux auxquels l'Eglise romaine attribue ce caractère. Bossuet demande au ministre Claude et à Jurieu comment les simples fidèles pourront distinguer les livres canoniques des livres non canoniques, puisqu'il faut bien commencer par savoir de quelles parties est formée l'Ecriture sainte, avant de la prendre pour règle de sa foi. En suivant cette discussion aussi loin qu'elle peut aller, il ne leur laisse que l'une de ces deux alternatives, celle d'abandonner l'interprétation de l'Ecriture à l'inspiration de chaque individu; ce qui conduit nécessairement aux illusions et aux illuminations des quakers ou de s'en rapporter au jugement d'une autorité infaillible; ce qui est finir par où les catholiques commencent.

:

XIV.

Du4.e aver

Bossuet fit paroître en 1690 son quatrième avertissement aux protestans. Il est le plus court tissementaux

de tous; il contient à peine vingt pages, et on
admire comment Bossuet a pu dire tant de choses
en si
peu de mots.

Cet avertissement traite de la sainteté et de la concorde du mariage : fondement sur lequel repose l'ordre de la société et le bonheur des familles. Bossuet avoit rapporté dans son sixième livre de l'Histoire des variations la célèbre consultation de Luther, Mélanchton et Bucer, qui autorisoient le landgrave de Hesse à garder deux femmes à la fois comme épouses légitimes.

Jurieu n'avoit pas osé contester la vérité d'un fait dont les preuves authentiques venoient d'être mises sous les yeux de toute l'Europe. Mais au lieu de garder un silence commandé par la prudence et la nécessité, ou, ce qui eût été plus honorable encore, au lieu de s'unir à Bossuet pour frapper d'une juste censure une si lâche prévarication, il eut la maladresse d'entreprendre l'apologie de Luther, en cherchant à obscurcir par des équivoques et des subtilités la question la plus simple et la plus claire.

Il osa dénaturer l'essence même du mariage, et le représenter comme une pure institution humaine, qui n'existe que par des lois positives.

protestans.

<< Les lois naturelles, disoit Jurieu, sont entiè>>rement indispensables; mais quant aux lois po

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sitives, telles que sont celles du mariage, on >> peut en être dispensé, non-seulement par le législateur, mais encore par la souveraine né» cessité. Ainsi les enfans d'Adam et de Noé se >> marièrent au premier degré de consanguinité, quoiqu'ils n'en reçurent dispense ni du souve» rain législateur, ni de ses ministres. La néces» sité en dispensa.

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Bossuet fait d'abord remarquer la singulière méprise de Jurieu, qui paroît supposer que les

enfans de Noé se marièrent frères et sœurs comme ceux d'Adam, quoique l'Ecriture dise expressément, et répète cinq ou six fois que les trois enfans de Noé avoient leurs femmes dans l'arche, avant que le déluge eût réduit le genre humain à la seule famille de Noé.

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<< Mais cette erreur, dit Bossuet, n'est rien en comparaison de celle où tombe Jurieu, lorsqu'il prétend que le mariage entre frères et » sœurs n'est pas contre la loi naturelle, sous pré» texte qu'il s'en est fait de semblables dans l'ori

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gine des choses; par où il montre qu'il ne sait

» pas même qu'il y a un ordre entre les lois na»turelles, les moindres cédant aux plus grandes. Ainsi, lorsque les enfans d'Adam se marièrent

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ensemble

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