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» cours dont vous vous croyez les juges, vous ju» gera au dernier jour; et si vous n'en sortez

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plus chrétiens, vous en sortirez plus cou»`pables ».

Bossuet avoit à faire le récit d'un de ces songes mystérieux, dont la providence se sert quelquefois pour agir sur les ames qu'elle veut éclairer, toucher, ou frapper. La princesse PALATINE en avoit exposé toutes les circonstances dans une lettre à l'abbé de Rancé. Il prépare l'esprit de ses auditeurs à l'écouter avec toute l'attention et tout le respect dû aux oracles du ciel, sous quelque forme qu'il daigne les faire entendre. «* Prétez l'oreille; » écoutez et prenez garde surtout de n'écouter » pas avec mépris l'ordre des avertissemens di» vins et la conduite de la grâce..... Ce songe » admirable est du nombre de ceux que Dieu >> même fait venir du ciel par le ministère des >> anges, dont les images sont si nettes et si démêlées, où l'on voit je ne sais quoi de céleste..... >> Dieu, qui fait entendre ses vérités en telle ma» nière et sous telles figures qu'il lui plaît, ins» truisit la princesse, comme il a instruit Joseph » et Salomon; et durant l'assoupissement que » l'accablement lui causa, il lui mit dans l'esprit » cette parabole si semblable à celle de l'évangile : » elle voit paroître ce que Jésus-CHRIST n'a pas

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* Ibid.

» dédaigné de nous donner comme l'image de sa » tendresse..... » Bossuet rapporte ensuite le récit de la princesse PALATINE, tel qu'elle en avoit rendu témoignage à l'abbé de Rancé; et au moment où la princesse cesse de parler, c'est Bossuet qui prend la parole. Par un des plus beaux mouvemens que l'éloquence puisse inspirer, il associe tout-à-coup tous ses auditeurs au miracle de cette conversion, comme s'ils en avoient été témoins; il les unit à lui dans l'expression de sa reconnoissance pour *Oraison les merveilles du Très-Haut, il dit : « * Souvenezfunèbre de la princesse PA-» vous, o sacré pontife! quand vous tiendrez en » vos mains la sainte victime qui ôte les péchés

LATINE.

» du monde, souvenez-vous de ce miracle de sa

>>

grâce; et vous, saints prêtres, venez ; et vous, » saintes filles, et vous, chrétiens; venez aussi, » ó pécheurs, tous ensemble commençons d'une » même voix le cantique de la délivrance, et ne » cessons de répéter avec David: QUE DIEU EST >> BON! QUE SA MISÉRICORDE EST ÉTERNELLE! »

Bossuet parloit à un siècle religieux, fécond en conversions éclatantes; et il ne vint alors à l'idée de personne de lui reprocher d'avoir dégradé la majesté accoutumée de son style, en faisant entrer dans une oraison funèbre des images et des expressions dont l'Ecriture se sert elle-même. Assurément l'orateur qui venoit de présenter le plus

magnifique tableau de la religion; qui, par la force seule du raisonnement, venoit de courber tous les esprits sous le joug de la foi, n'avoit pas besoin de rappeler ces détails simples et familiers, s'il n'eût pas jugé que leur simplicité même étoit plus propre à persuader et à toucher. C'est Bossuet lui-même qui nous en avertit. «* Je me plais » dit-il, à répéter toutes ces paroles, malgré les » oreilles délicates; elles effacent les discours les » plus magnifiques, et je voudrois ne parler plus » que ce langage.

>>

Ce ne fut que long-temps après; et lorsqu'on n'étoit plus familiarisé avec un tel langage, qu'on affecta de rougir pour Bossuet de sa pieuse simplicité. Cependant une réflexion qui devoit se présenter assez naturellement, auroit pu dispenser de cette singulière compassion pour Bossuet. Il est certain que la princesse PALATINE étoit une personne d'un esprit supérieur. Il est également certain que l'abbé de Rancé, à qui elle avoit confié ses pensées et ses sentimens, étoit un homme de beaucoup d'esprit. Quant à Bossuet, on croiroit le dégrader en parlant de son esprit. Lorsque trois têtes aussi fortes se réunissent pour attacher une grande importance à un événement singulier, on peut penser qu'il y a bien de la grandeur dans une telle simplicité.

* Itid.

Nous devons faire observer que Bossuet, dans cette oraison funèbre, rend à la princesse PALATINE un témoignage qui a un grand poids dans sa bouche, et qui confirme ce que nous avons déjà dit de ses opinions sur cette matière. « Sa foí » (de la princesse PALATINE) ne fut pas moins » simple que vive. Dans les fameuses questions qui ont troublé en tant de manières le repos de » nos jours, elle déclaroit hautement qu'elle n'a» voit d'autre part à y prendre, que celle d'obéir » à l'Eglise.»

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L'oraison funèbre de la princesse PALATINE est peut-être de toutes les oraisons funèbres de Bossuet, celle qui atteste le plus la force et la fécondité de son génie. Si elle n'a pas l'éclat, la pompe que l'on admire dans celles de la reine d'Angleterre, de MADAME HENRIETTE et du grand CONDÉ, c'est parce qu'on ne doit point les y chercher. Mais elle offre plus qu'aucune autre de vastes sujets de méditation aux ames religieuses, et même à celles qui désirent de fixer leurs pensées incertaines sur les fondemens de la religion. En un mot, on peut dire avec M. de la Harpe, que cette oraison funèbre est le plus sublime de tous les sermons (1).

(1) La princesse PALATINE mourut au palais du Luxembourg le 6 juillet 1684; et ce ne fut que le 9 août de l'année suivante, que

Il y avoit à peine cinq mois que Bossuet venoit de prononcer l'oraison funèbre de la princesse PALATINE, qu'il se vit encore forcé par des considérations puissantes sur son cœur à rendre les mêmes honneurs à la mémoire d'un homme qui lui avoit rendu des services importans dans sa jeunesse, et dont le fils avoit également des droits à sa reconnoissance. Le chancelier le Tellier (1) avoit été un des premiers auteurs de l'élévation de Bossuet par ces témoignages indirects, qu'un ministre est à portée de rendre sans compromettre ni user son crédit, et qui souvent ont plus de succès que des sollicitations éclatantes. Sans sortir de la circonspection naturelle de son caractère, il avoit accoutumé de bonne heure l'oreille de Louis XIV à entendre le nom de Bossuet comme celui de l'un des ecclésiastiques de son royaume qui devoit le plus honorer le discernement et le choix d'un monarque digne d'apprécier son génie et ses talens. Les sermons de Bossuet à la Cour avoient ensuite fixé l'opinion personnelle de ce prince, qui avoit l'esprit aussi

Bossuet prononça son oraison funèbre dans l'église des Carmélites du faubourg Saint-Jacques.

(1) Le chancelier le Tellier mourut le 28 octobre 1685, et Bossuet prononça son oraison funèbre dans l'église paroissiale de Saint-Gervais le 25 janvier 1686.

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