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III.

Bossuet pro

juste que les sentimens élevés. On a vu que l'archevêque de Reims, fils du chancelier, avoit également rendu un service très-important à Bossuet encore jeune, à l'occasion de son procès pour le prieuré de Gassicourt. Depuis cette époque l'archevêque de Reims s'étoit toujours honoré du titre d'ami de Bossuet, et plus souvent encore de celui de son admirateur.

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Un amour-propre assez naturel faisoit vivement désirer à l'archevêque de Reims, que l'homme le plus éloquent de son siècle fût l'historien et le panégyriste de son père. Bossuet ne put refuser à l'amitié et à la reconnoissance un témoignage qu'on lui demandoit comme une grâce, et qui lui parut un devoir. L'archevêque de Reims ne fut trompé ni dans ses conjectures, ni dans ses espérances; et le chancelier le Tellier est resté plus connu par l'oraison funèbre de Bossuet, que par son ministère.

Cette oraison funèbre est une belle histoire ; et nonce l'orai- Bossuet s'y montre en beaucoup d'endroits le rison funèbre val de Tacite; il inspire même plus de confiance

du chance

lierle Tellier. 1686.

que Tacite. Il juge les événemens et les hommes sans amertume, comme sans amour et sans haine. On ne le voit jamais tourmenté de l'étude pénible de peindre les hommes encore plus pervers qu'ils ne le sont, et de supposer au crime plus de génie

qu'il

qu'il n'en a eu, peut-être même qu'il ne peut en avoir. Bossuet est toujours simple, parce qu'il est toujours vrai; mais il sait allier cette simplicité à une finesse d'observation, à une profondeur et à une connoissance des hommes qui étonne toujours dans un homme qui passa la plus grande partie de sa vie dans son cabinet.

Bossuet rapporte comment le Tellier entra dans le ministère, et comment Desnoyers, son prédécesseur, fut dupe de ses propres artifices. * Le secrétaire d'Etat chargé des ordres de la

«

>>

* Oraison funèbre du

le Tellier.

>> guerre, ou rebuté d'un traitement qui ne ré- chancelier pondoit pas à son attente, ou déçu par la dou» ceur apparente du repos qu'il crut trouver dans » la solitude, ou flatté de la sécrète espérance » de se voir plus avantageusement rappelé par la » nécessité de ses services, ou agité de ces je ne »sais quelles inquiétudes dont les hommes ne » savent pas se rendre raison à eux-mêmes, se » résolut tout-à-coup à quitter cette grande » charge.»

Le Tellier étoit alors à Turin; il fut nommé en son absence, «<* et le rapide moment d'une con» joncture imprévue, loin de donner lieu aux » sollicitations, n'en laissa pas même aux désirs....

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Lorsqu'on se voit tout-à-coup élevé aux places >> les plus importantes, et que je ne sais quoi nous BOSSUET. Tome 11.

3

*

Ibid

funèbre du

>> dit dans le cœur qu'on mérite d'autant plus de » si grands honneurs, qu'ils sont venus à nous » comme d'eux-mêmes, on ne se possède plus

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Bossuet parle de ces ministres, que l'inconstance naturelle du cœur humain porte quelque

fois à renoncer aux affaires par la trompeuse illu*Oraison_sion d'une vie plus douce : « * L'épreuve en est chancelier » hasardeuse pour un homme d'Etat, et la re» traite a presque toujours trompé ceux qu'elle » flattoit de l'espérance du repos ».

le Tellier.

L'époque de la vie du chancelier le Tellier, ой il eut le plus besoin de cette sagesse de caractère, de cette souplesse d'esprit, et de cette fécondité d'expédiens nécessaires pour parer à des fautes ou à des contradictions qui renaissoient chaque jour par la mobilité des esprits et des circonstances, fut certainement l'époque de la minorité de Louis XIV. Car lorsque ce prince se fut mis en possession de l'autorité absolue, ce ministre n'eut plus que des ordres à exécuter, et des conseils à donner; ces conseils n'étoient même alors que l'étude calme et attentive des goûts et des intentions d'un prince qui vouloit et qui savoit gouverner par lui-même. Mais dans les temps d'intrigues et de factions, qui précédèrent ces jours de gloire et de tranquillité, le Tellier, soumis aux volontés d'un premier ministre ombrageux, in

certain, intimidé, avoit bien plus à répondre du succès de ses conseils, que de leur pureté et de leur droiture; et Mazarin craignoit moins de sacrifier un ministre fidèle, que de braver un ennemi dangereux.

Bossuet avoit à raconter ces événemens singuliers, dont les contemporains existoient encore; et rien n'est plus admirable que la manière franche et mesurée dont il entre dans son récit.

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* Si aujourd'hui je me vois contraint de re» tracer l'image de nos malheurs, je n'en ferai » point d'excuse à mon auditoire, où de quelque >> côté que je me tourne, tout ce qui frappe mes >> yeux montre une fidélité irréprochable, ou >> peut-être une courte erreur réparée par de >> longs services.... >>

Il parle de la prison des princes: «<* quelle cause » les fit arrêter? Si ce fut ou des soupçons ou des » vérités, ou de vaines terreurs, ou de vrais pé>> rils, et, dans un pas si glissant, des précautions » nécessaires; qui pourra le dire à la postérité? »

Mais à peine le cardinal Mazarin eut-il ses ennemis en son pouvoir, qu'il fut agité de la crainte qu'on ne lui enlevât ces nobles otages de sa puissance et de sa tranquillité.

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* Où garder. des lions toujours prêts à rom>> pre leurs chaînes, pendant que chacun s'efforce

* Ibid.

* Ibid.

* Ibid.

* Oraison funèbre du

chancelier le Tellier.

* Le cardi

» de les avoir en sa main, pour les retenir ou les » lâcher au gré de son ambition ou de ses ven» geances: avoir le prince de Condé entre ses » mains, c'étoit y avoir la victoire même qui le >> suit éternellement dans les combats. >>

C'est dans l'oraison funèbré du chancelier le Tellier, qu'on trouve ce beau portrait du cardinal de Retz, où Bossuet se montre égal, si ce n'est supérieur, à Tacite ét à Salluste même.

«<* Mais puis-je oublier celui que je vois par>> tout dans le récit de nos malheurs, cet homme * » si fidèle aux particuliers, si redoutable à l'Etat, nal de Retz. » d'un caractère si haut, qu'on ne pouvoit ni » l'estimer, ni le craindre, ni l'aimer, ni le hair » à demi; ferme génie, que nous avons vu, en » ébranlant l'univers, s'attirer une dignité, qu'à » lá fin il voulut quitter comme trop chèrement >> achetée, et comme trop peu capable de con» tenter ses désirs? Tant il connut son erreur et » le vide des grandeurs humaines ! Mais pen>> dant qu'il vouloit acquérir ce qu'il devoit un » jour mépriser, il remue tout par de secrets et » puissans ressorts; et après que tous les partis » furent abattus, il semble encore se soutenir seul, >> et seul encore menacer le favori victorieux de » ses tristes et intrépides regards. »

Le cardinal Mazarin, obligé de céder à l'orage,

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