Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

mort, à l'âge de quarante-cinq ans, pouvoit paroître prématurée. A peine revenue avec le roi son époux, d'un voyage triomphant que ce prince venoit de faire à ses armées et aux places frontières qu'il avoit ajoutées à son empire, une maladie de quelques jours abrégea sa vie (1); et pour se servir des expressions de Bossuet, « elle » se trouva toute vive et toute entière, entre les » bras de la mort, sans presque l'avoir envisagée». Elle mourut au moment où son cœur s'ouvroit pour la première fois au bonheur, et où elle voyoit luire l'espoir d'un avenir doux et tranquille qui alloit succéder à des chagrins que le respect et la crainte avoient toujours comprimés, et à des douleurs qui avoient tenu une trop grande place dans sa vie. Les soins délicats de M.me de Maintenon avoient ramené auprès d'elle Louis XIV, qui se montroit touché de ses vertus. La providence venoit même d'adoucir ses peines, en lui donnant la consolation de voir sa postérité affermie sur le trône. Son fils avoit un fils qui promettoit une longue suite d'héritiers (2).

Quoiqu'elle n'eût jamais inspiré un sentiment passionné à Louis XIV, elle étoit peut-être la

(1) Elle revint à Versailles le 20 juillet, tomba malade le 26, et mourut le 30 juillet 1683.

(3) M. le duc de Bourgogne étoit né le 6 août 1682.

femme qui convenoit le mieux à un tel roi. Religieuse, soumise, bienfaisante, étrangère à la domination et aux affaires, elle soutenoit la majesté de sa naissance par une dignité naturelle, et laissoit réfléchir sur Louis XIV seul tous les rayons de cette gloire, dont il étoit si jaloux et qu'elle n'eut jamais le désir, ni même la pensée de partager. Ce prince lui rendit à sa mort le plus touchant hommage que sa modestie pouvoit lui permettre d'ambitionner: «< depuis vingt-trois » ans que je vivois avec la reine, je n'ai point eu » d'autre chagrin de sa part, que celui de l'avoir » perdue ». Ce furent les premières paroles qui échappèrent à Louis XIV, au moment où on vint lui annoncer qu'elle n'étoit plus. C'étoit l'histoire entière de sa vie; c'étoit le tableau simple et fidèle de son ame et de son caractère, c'étoit la plus belle oraison funèbre qui pût honorer sa mémoire.

[ocr errors]

Louis XIV jugea que l'honneur de parler dans une occasion aussi solennelle ne pouvoit appartenir qu'à Bossuet; et Bossuet sut encore se faire entendre avec intérêt dans le simple récit de ces vertus douces et paisibles, qu'on aime à retrouver dans un sexe dont la modestie et la bonté forment le plus touchant caractère, et dans un rang où elles peuvent exercer une heureuse in

I.

Oraison fu

nèbre de MA

RIE-THÉRÈSE

fluence pour l'exemple des mœurs et la consolation du malheur.

Un Pareil sujet ne demandoit pas, il défendoit même ces mouvemens sublimes et passionnés qui D'AUTRICHE. avoient ému tous les cœurs au récit des épouvantables catastrophes de la reine d'Angleterre,

* Ibid.

* Ibid.

et de la mort déplorable de la princesse sa fille. Bossuet n'avoit à parler «<* que d'une princesse » environnée de vertus dès son enfance, ornée de plus de belles qualités qu'elle n'attendoit de cou>> ronnes, humble non-seulement parmi toutes » les grandeurs, mais encore parmi les vertus;

>>

[ocr errors]
[ocr errors]

qui fut sans reproche devant Dieu et devant les hommes; que la médisance elle-même avoit » respectée depuis son enfance jusqu'à sa mort; >> dont la réputation si pure étoit un parfum pré>> cieux qui réjouissoit le ciel et la terre....; dont >> l'éclatante blancheur étoit le symbole de l'inno>> cence et de la candeur de son ame....; et dont » la seule précaution contre les attaques de la >> mort fut l'innocence de sa vie ».

Bossuet observe lui-même « * qu'une situation » aussi tranquille donne un sujet moins vif aux >> discours >>.

Mais bientôt il fait succéder à la peinture de cette vie simple, innocente et pure le beau spectacle des conférences qui précédèrent le traité des

[ocr errors]

Pyrénées, et placèrent MARIE-THÉRÈSE Sur le trône de France. C'est -là qu'on voit en deux coups de pinceau le génie politique de deux ministres du caractère le plus opposé.

<< * Ile pacifique, où se doivent terminer les » différends de deux grands empires à qui tu sers » de limites; île éternellement mémorable par >> les conférences de deux grands ministres, où » l'on vit développer toutes les adresses et tous » les secrets d'une politique si différente, où l'un » se donnoit du poids par sa lenteur, et l'autre » prenoit l'ascendant par sa pénétration; auguste » journée, où deux fières nations, long-temps » ennemies et alors réconciliées par Marie» Thérèse, s'avançent sur leurs confins, leurs » rois à leur tête, non plus pour se combattre, >> mais pour s'embrasser; où ces deux rois furent » l'un à l'autre, et à tout l'univers, un si grand >> spectacle.... >>

Et tout-à-coup Bossuet, toujours porté par l'habitude de ses méditations à environner les splendeurs humaines des ombres de la mort, sans aucune préparation, sans aucune transition, nous montre le lit de mort de Marie-Thérèse à côté de son lit nuptial.

«< *Fêtes sacrées, mariage fortuné, voile nup» tial, bénédiction, sacrifice, puis-je mêler au

*Ibid.

* Ibid.

»jourd'hui vos cérémonies et vos pompes avec > ces pompes funèbres, et le comble des gran

» deurs avec leurs ruines. >>

Contraste où la vanité des choses humaines, << tant de fois établie dans la chaire chrétienne, » ne se montre que trop d'elle-même, sans le se>> cours de ma voix, dans ce sceptre si tốt tombé » d'une si royale main, et dans une si haute ma»jesté si promptement dissipée. »>

Bossuet est toujours dans son centre, lorsqu'il montre la providence en action. C'est cette disposition habituelle, qui n'a jamais appartenu, qui ne pouvoit pas appartenir à la religion des anciens, et qu'aucun orateur moderne n'a portée aussi loin que Bossuet; c'est elle qui donne toujours à toutes ses pensées cette profondeur triste et religieuse qui laisse tant d'émotion dans l'ame. Bossuet est auguste et imposant, lors même

* Oraison qu'il exhale le mépris. funèbre de >>

MARIE-THE

TRICHE.

[ocr errors]

*

Que je méprise ces

philosophes, qui mesurant les conseils de Dieu RÈSE D'AU- » à leurs pensées, ne le font auteur que d'un cer» tain ordre général, d'où le reste se développe » comme il peut! comme s'il avoit à notre ma» nière des vues générales et confuses; et comme » si la souveraine intelligence pouvoit ne pas » comprendre dans ses desseins les choses parti» culières, qui subsistent véritablement. >>

>>

« ZurückWeiter »