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Qui consument son corps, et qu'en vos longues files Eclate la douleur! Épargne tes cheveux

Seulement, ma Délie, épargne ta figure :

Ta bouche est si jolie et tes cheveux si beaux !
Nos mânes te diraient, du fond de leurs tombeaux,
De respecter les dons de l'aimable nature.

Jouissons cependant de notre tendre amour :
Trop tôt viendra la mort, le front ceint de ténèbres;
Trop tôt se glissera dans mon triste séjour,

La vieillesse glacée avec ses yeux funèbres :
Il sera défendu d'aimer en cheveux blancs,
De dire des douceurs quand j'aurai soixante ans.

Alors vive Vénus! allons briser les portes !
Engageons des combats contre les amoureux !
Je suis bon général, bon soldat en ces sortes
De nocturnes exploits! vous, clairons belliqueux,
Vous, étendards, au loin! Appelez les blessures
Four les ambitieux ! Donnez-leur le pouvoir !
Pour moi, content d'avoir à moi quelques mesures
De blé dans mon grenier, je dirai chaque soir :
Je méprise la faim, ainsi que la richesse,
Car j'ai du pain assez, et le cœur en liesse !

LA BATAILLE DES TRENTE (')

PAR M. VICTOR FLEURY

Membre Résidant

On connaît la cause de la bataille des Trente. Malgré la trève conclue entre les Français du parti de Charles de Blois et les Anglo-Normands attachés à Montfort, des aventuriers étrangers, auxiliaires de ce dernier, ayant à leur tête un chef de bande appelé Bembroug, ravageaient le pays de Bretagne. << Bembrough avait pris Ploermel, dit un poëte français du temps, et menait les Bretons au gré de son caprice, quand un jour, le troisième de Mars de l'année 1350, le bon seigneur de Beaumanoir, commandant de Josselin pour Charles de Blois, se rendit vers les Anglais et leur demanda raison. Or, il fut témoin d'un spectacle qui lui fit grand' pitié; il vit de pauvres paysans, les fers aux pieds et aux mains; tous étaient enchaînés deux par deux, trois par trois, comme vaches et bœufs que l'on mène au marché. Beaumanoir vit cela, et son cœur soupira: « Chevalier d'Angleterre, dit-il à Bembrough, vous êtes bien coupable en tourmentant ainsi ceux qui sèment le blé, et qui nous procurent la chair et le vin; je

(1) Imité des chants populaires de la Bretagne, recueillis par M. Th. de la Villemarqué.

vous le dis comme je le pense, s'il n'y avait pas de laboureurs, ce serait à nous, nobles, à travailler la terre, à manier le fléau et la houe, à endurer la pauvreté : laissez-les donc vivre en paix, car ils ont souffert trop longtemps. — Parlons d'autre chose, Beaumanoir, répondit Bembrough : les Anglais domineront, les Anglais régneront partout. »

« Beaumanoir repartit: -Toutes vos bravades n'aboutiront à rien; ceux qui parlent le plus agissent le moins bien. Mais, si vous le voulez, prenons jour pour nous battre : On verra bien, par le résultat de la bataille, qui de nous a tort ou raison. J'y consens, dit Bembrough. »

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LA BATAILLE DES TRENTE

I.

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Le mois de Mars arrive à nos portes il frappe
Comme avec des marteaux ; il courbe nos grands bois

Sous ses torrents de pluie, et la grêle s'échappe

Des nuages du Nord, faisant craquer nos toits.

Mais ce n'est pas lui seul qui heurte à nos demeures,
Ni la grêle et la pluie et les vents en fureur,
C'est pis que tout cela! c'est, à toutes les heures
L'Anglais que le Breton ne voit qu'avec horreur !

O seigneur saint Kado! par votre grâce extrême, Faites, ô cher Patron! nos bras comme nos cœurs. Forts et pleins de courage, afin qu'aujourd'hui même, D'ennemis détestés nous demeurions vainqueurs !...

Et si nous revenons saufs de cette bataille
Nous vous ferons présent d'une ceinture d'or,

D'un manteau bleu de ciel, d'une cotte de maille

D'or comme la ceinture, et d'une épée encor !

Et tout le monde alors, o patron qu'on révère !
En vous voyant dira, songeant aux ennemis :
Bénit soit Saint Kado ! car il n'est point sur terre
De seigneur plus puissant, non plus qu'au paradis !...

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