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De tous les sujets qui appellent en ce moment l'attention et la curiosité publiques, certes, il n'en est pas de plus intéressant pour l'industriel, pour le savant, pour l'artiste, pour tous les hommes de travail et d'étude, il n'en est pas de plus intéressant que l'Exposition universelle, l'Exposition universelle, cette merveilleuse exhibition des productions de la nature et du travail de l'homme dans ses multiples manifestations, l'Exposition universelle que tout le monde a vue ou voudra voir, et dont tout le monde parle. Mais, soyez tranquilles, je ne traiterai pas dans toutes ses parties, et pour cause, un si vaste sujet. De ce grandiose tableau je n'embrasserai pas le champ tout entier, et prudemment je concentrerai mon examen sur un petit coin, le coin des BeauxArts. Les Beaux-Arts, dans leur ensemble, c'est trop encore pour une seule étude. Je ne puis pas oublier que vous voulez bien m'écouter et que je ne dois pas abuser de votre com

plaisante attention. Rétrécissons donc encore le cercle, et, renvoyant à une autre fois la question spéciale de la Sculpture, examinons seulement la Peinture.

Et d'abord nous devons constater avec regret que les salles destinées par la Commission impériale pour recevoir les tableaux, l'élite des tableaux de l'école moderne dans tous les pays, les œuvres choisies de la Peinture, cette admirable manifestation de l'intelligence et du génie de l'homme, nous devons constater que ces salles en général, et tout particulièrement dans ce qui concerne l'Exposition française, sont on ne peut plus mal disposées. La lumière y arrive dans des conditions fort désavantageuses, mal ménagée et trèsinégalement distribuée. Étagés en rangs pressés beaucoup de tableaux de nos peintres placés trop haut ne peuvent ni être appréciés, ni même être vus à cause des jours frisants, qui les font miroiter. Rien, d'ailleurs, pour encourager l'étude, pour ménager la fatigue des visiteurs, pas même la balustrade que l'on trouve dans tous les musées et qui, protégeant les tableaux contre la maladresse ou l'indiscrétion, sert d'accoudoir et d'appui pour mieux regarder et mieux voir. Des sièges pour se reposer, pour se recueillir afin de mieux juger, il n'y en avait pas un seul pendant les premières semaines, et c'est à peine si aujourd'hui, quatre mois après l'ouverture de l'Exposition, on en trouve quelques-uns parcimonieusement distribués, et certainement insuffisants.

Quant au catalogue, il semble qu'on se soit appliqué à le faire aussi défectueux que possible. Au lieu de prendre tout simplement pour modèle celui de 1855, au moyen duquel les recherches étaient commodes et faciles, on a fait un livret sans ordre, sans méthode, où manquent les indications les plus indispensables, où fourmillent en revanche les fautes et les erreurs; numéros inexacts, dates erronées, noms estropiés, noms omis et jusqu'à de fausses attributions. En somme, le catalogue officiel est un guide trop peu sûr, un guide presque toujours inutile et parfois dangereux. C'est là une lacune des plus regrettables.

Ces observations faites une fois pour toutes, commençons notre examen et poliment donnons le pas aux étrangers. Les Belges sont nos plus proches voisins; ils parlent notre langue, et la frontière qui nous sépare, au lieu d'être rigoureusement déterminée par de hautes montagnes ou par de grands fleuves comme sur d'autres points, est une ligne pour ainsi dire idéale, qui ne gêne ni le mouvement des personnes, ni la transfusion des idées : allons donc en Belgique d'abord.

Pour se soustraire aux influences défavorables que nous avons signalées, les Belges ont construit dans le parc du Champ-de-Mars, une annexe pour recevoir les œuvres de leurs artistes. Là, tout est parfaitement disposé pour faire valoir les tableaux et, point essentiel, on y trouve un livret spécial que la Commission belge a fait imprimer à Bruxelles, et qui, dans trente-six pages, contient tous les renseignements utiles pour bien visiter la galerie.

Les premiers tableaux qui appellent l'attention du public et retiennent l'examen des amateurs, sont ceux de MM. HENRI LEYS, ALFRED STEVENS et FLORENT WILLEMS. M. Leys est un artiste d'érudition et de talent, qui a pris une part considérable, décisive, dans le mouvement de transformation ou plutôt de rénovation de la peinture belge, commencé il y a une trentaine d'années par le baron DE WAPPERS et par GALLAIT, ce dernier un grand artiste aussi. M. Leys est, depuis longtemps, connu dans nos expositions, où il a obtenu de beaux et légitimes succès. Travailleur ardent et fécond, après une succession d'ouvrages remarquables, il a été créé baron par le roi Léopold Ier, et il est aujourd'hui le chef reconnu, incontesté de l'école belge. Prenant de préférence ses sujets dans l'histoire, dans la vieille histoire de son pays, ce qui donne à son œuvre un certain cachet d'archaïsme, HENRI LEYS s'est présenté au Champ-de-Mars avec douze tableaux. Ne pouvant ici les analyser tous, nous en signalerons seulement un, par exemple, Le bourgmestre Lancelot van Ursel haranguant la garde bourgeoise pour la défense de la ville. Ce tableau, qui est reproduit en fresque dans la grande salle de

l'hôtel de ville d'Anvers, est une des meilleures toiles de LEYS. L'intelligence de l'histoire, l'entente parfaite des masses et des groupes, l'exactitude pittoresque des costumes, le caractère des physionomies, la couleur locale de l'époque (1542), la sûreté de la main, tout s'y trouve, et le maître, qui du reste se ressemble beaucoup dans ses diverses œuvres, le maître est là tout entier.

MM. ALFRED STEVENS et FLORENT WILLEMS sont les peintres des petites scènes ordinaires de la vie, de la vie dans son charmant épanouissement des belles années. Ils ne nous montrent guère que des femmes jeunes et gracieuses et d'élégants cavaliers. C'est là un trait de ressemblance; mais le premier, ainsi qu'on peut le remarquer dans ses dixhuit tableaux, les habille en quelque sorte à la mode du jour, tandis que M. WILLEMS adopte de préférence les costumes du xvre et du xvIIe siècles. L'un et l'autre disposent très-bien leurs compositions un peu banales peut-être, mais toujours gracieuses et séduisantes. Ils peignent suffisamment la figure; ils excellent dans les étoffes, surtout dans les satins, dont ils rendent admirablement les plis chatoyants et les glaçures nacrées. La couleur de M. STEVENS est riche, corsée; elle s'assourdit, elle s'assombrit quelquefois. M. WILLEMS, lui, peint toujours dans la gamme claire et devra se tenir en garde pour ne pas, dans ses tons frais et riants, dépasser le but. De ses treize tableaux, le meilleur, le plus complet à notre avis, est L'accouchée. Dans un grand lit à baldaquin, orné de rideaux à ramages, une toute jeune femme dort paisiblement, tandis qu'à côté d'elle une robuste nourrice donne le sein au nouveau-né. Un couple ami, une jeune femme accompagnée d'un beau cavalier, fait mine de s'approcher du lit; mais il est retenu par la mère de l'accouchée qui, le doigt sur la bouche, impose silence aux visiteurs.

Dans la collection de M. STEVENS nous choisirions.... Vraiment tous ses tableaux se ressemblent et se valent, et on peut être embarrassé. Cependant puisqu'il faut se décider, nous choisissons, dans les scènes ordinaires, Tous les bonheurs;

c'est une jeune mère qui, après avoir montré dans le monde sa belle robe de velours brun et son riche cachemire de l'Inde, rentre chez elle et prend dans son berceau son enfant qui lui sourit, et auquel elle donne le sein. Nous choisissons, dans la gamme sentimentale, Une douloureuse certitude; c'est une jeune femme trop curieuse qui trouve dans le secrétaire de son mari une lettre qu'il n'aurait pas dû recevoir, ou du moins qu'il n'aurait pas dû conserver.

Le paysage compte en Belgique quelques artistes de talent, M. LAMORINIÈRE dont les principaux tableaux exposés au Champ-de-Mars font partie des musées d'Anvers et de Liége, MM. FOURMOIS et VAN-MOER d'Ixelles. La mare, de M. Fourmois est un grand paysage aux larges proportions, peint avec assurance et qui témoigne d'études sérieuses. Dans La vue du fort de Belem (Portugal), M. Van-Moer a su répandre sur sa toile toute la riche intensité de la lumière du midi.

M. CLAYS promet un bon peintre de marines. Ses cinq tableaux, surtout Le calme plat, dénotent de sérieuses qualités; il sait donner de la légèreté à ses ciels, de la transparence à ses eaux, de la solidité à ses bateaux, qu'il établit et oriente en marin consommé, et mieux encore qu'il peint en artiste habile.

Les Animaliers, pour me servir du terme consacré, les animaliers tiennent très-honorablement leur place au salon belge, où chacun d'eux se parque dans sa spécialité. Les chevaux de M. VAN KUYCK Sont bien dessinés et bien peints; le loup de M. VERLAT est effrayant tant il est vrai; quant aux tableaux de chiens de M. JOSEPH STEVENS, le frère d'ALFRED, ce sont de charmantes petites scènes, où les physionomies bonasses ou mutines des acteurs sont saisies sur le vif, où leurs attitudes sont bien étudiées, leurs pelages très-habilement brossés.

D'autres artistes belges réclameraient encore notre attention, et j'aurais dû m'arrêter après M. Leys, dans la pein

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