Interea mixtis lustrabo Manala Nymphis, Surgamus: solet esse gravis cantantibus umbra; Juniperi gravis umbra: nocent et frugibus umbræ. Ite domum saturæ, venit Hesperus, ite, capellæ. » J'irai sur le Ménale, intrépide chasseur, » Des sangliers fougueux défier la fureur. » Mes chiens plus animés franchiront sur mes traces » Du froid Parthénius les éternelles glaces; » Au sommet de ses rocs, au fond de ses forêts, » Comme un Parthe, en fuyant je lancerai mes traits. » Vains secours! vains travaux! aveugles que nous sommes! » Eh! qu'importe à l'amour tous les tourments des hommes! » Nymphes des bois, Sylvains! ni vos chants, ni vos jeux, » Ni le charme des vers, ne calmeront mes feux! » Oui, sous le cancer même, aux lieux où sa furie » Dévore des ormeaux et l'écorce et la vie ; » Sur l'Hèbre ou chez le Scythe, égaré par l'Amour, » Quand tout cède à ce dieu, cédons à notre tour. » Mais en chantant Gallus ma corbeille s'achève; C'est assez vantez-lui ces vers de votre élève, Muses! qu'un mot de vous leur donne un plus grand prix! Que pour lui d'heure en heure augmente ma tendresse; REMARQUES SUR L'ÉGLOGUE DIXIÈME. GALLUS avait aimé tendrement une comédienne ou courtisane (ces deux mots sont presque synonymes). Il la célébra dans ses vers, sous le nom de Lycoris. Il avait composé quatre livres de poésies pour elle; c'est beaucoup, mais on ne peut que les regretter, d'après le jugement d'Ovide qui nous dit que Gallus avait fait connaître le nom de Lycoris de l'orient à l'occident; Vesper et Eoæ novere Lycorida terræ : et d'après le témoignage de Properce qui dit à Cynthie : « Ce Gallus, qui lave ses blessures encore récentes dans » l'onde infernale, n'a-t-il pas immortalisé les charmes de >> sa Lycoris? >> Et modò formosâ qui multa Lycoride Gallus, Cette Lycoris avait été affranchie de Volumnius, et la maîtresse d'Antoine qui la prit, la quitta, la reprit, et la conduisit avec lui dans son second voyage des Gaules, où ! elle se montrait à ses côtés dans une litière ouverte, et avec une suite plus brillante que celle de la mère du consul. Cicécon fait allusion à cette Lycoris, lorsqu'il dit dans sa seconde Philippique, uxorem mimam Antoni. Antoine se montra un jour avec elle sur un char attelé de lions, luxe dont les temps modernes. ne donnent plus l'idée, et qui n'appartenait qu'à la magnificence romaine. Un pareil amant, il faut en convenir, devait éclipser un poète auprès d'une comédienne; Antoine fit oublier Gallus. On a observé que le même malheur était arrivé à Racine, qui fut remplacé dans le cœur de la Champmélé, par M. de Tonnerre; on ne sait si Racine fut inconsolable, mais le poète latin eut besoin de l'amitié de Virgile pour être consolé; pour Lycoris, je ne sais si elle ne dut pas s'estimer trop heureuse d'avoir été infidèle, puisque son infidélité lui valut l'honneur d'être célébrée dans la plus touchante des églogues. PAGE 314, VERS Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem: Avec quel art Virgile sait nous disposer à l'entendre! Il implore le secours de la muse qui avait chanté parmi les bergers de Sicile l'amour infortuné de Daphnis; il l'implore, pour consoler un ami qui n'est pas moins malheureux que le berger dont Theocrite a déploré le trépas. Il ne veut que peu de vers, mais il faut que Lycoris les lise; ils ont pour but de ramener ou de faire rougir l'infidèlè, et c'est par la qu'ils doivent toucher davantage. Une scène sans but intéresse peu les spectateurs. Assuré du secours de sa muse, le poète appelle l'attention de ses lecteurs ; il ne parle point à des sourds, non canimus surdis, tout le monde connaîtra ses chants, et les forêts elles-mêmes seront attendries. Cet art, cette magie poétique, qui personnifie les objets inanimés, semble donner plus d'importance au sujet, soit qu'il tienne plus particulièrement au genre bucolique, ou qu'il soit une combinaison du génie; il a été inconnu à presque tous les autres poètes latins. L'art des prologues et des expositions a été également négligé trop souvent par les contemporains, les rivaux ou les disciples de Virgile. Quand Tibulle et Properce chantent leurs amours, ils entrent brusquement en matière; leurs mouvements sont plus passionnés d'abord, mais il fatiguent plutôt; Virgile nous quitte avant de nous lasser: d'ailleurs, la clarté, la modestie, la précision de ce préambule, nous disposent mieux à entendre ce que le poète va dire. Sous la simplicité des expressions, on se plaît à trouver dans ce morceau une harmonie douce, et des épithètes poétiques, telles que sollicitos amores, simæ capellæ, et surtout ce mouvement d'un cœur tendre, neget quis carmina Gallo. L'apostrophe aux nymphes qui vient |